Entretien : les folles histoires du grand Mac DeMarco en festival

Publié le par Arthur Cios,

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On a discuté avec Mac DeMarco aux Eurockéennes de ses souvenirs de festivals, entre gueules de bois, pastèque dans la tronche et défécation involontaire sur scène.

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Quand on arrive pour l’interview en ce dimanche 3 juillet, Mac DeMarco est assis sur un fauteuil bleu posé dans l’herbe. Il regarde le lac à sa gauche et sourit. Ce n’est pas la première fois que le Canadien vient ici. La dernière fois qu’il a joué aux Eurockéennes de Belfort, il se souvient avoir fini bourré et avoir piqué une tête, dans ce même lac, à 4 heures du matin.

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Des histoires comme celles-ci, le grand Mac en a des dizaines. Il enchaîne les dates et les festivals depuis des années maintenant, au point d’en oublier la moitié. Comme il nous l’explique, il n’a toujours pas fini son album à cause de ces représentations — même s’il nous avoue à demi-mot qu’il devrait être fini d’ici la fin de l’été, avant de préciser en riant : “Je ne sais pas quand il sortira parce que c’est un certain enjeu pour les labels. Peut-être que je le ferais fuiter avant [rires].

Assez rapidement, nous avons décidé de centrer l’interview autour des festivals. Il nous raconte son dernier Coachella, la fois où son guitariste s’est pris une demi-pastèque dans la gueule, ou encore quand il s’est littéralement chié dessus sur scène. Du grand Mac DeMarco.

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Konbini | Pour commencer, quel est ton meilleur souvenir de festival ?

Mac DeMarco | J’ai fait un concert vraiment génial à Glastonbury, il y a quelques jours. On avait déjà fait un grand show sur une immense scène, c’était très sympa. Mais celui de cette année était à un spot plus petit, tout le monde était bourré, la scène était minuscule, c’était fantastique. J’espère que je ferai plus de festivals comme ça, c’était vraiment cool.

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Et le pire ?

Oulah [rires]. J’ai tellement de mauvais souvenirs en festival. Le truc, si tu veux, c’est qu’on a rarement beaucoup de temps pour les balances. Donc, parfois, tu te pointes, tu commences le premier morceaux on se regarde tous, du genre “Oh mon Dieu, le son est tellement dégueulasse ici[rires]. Tu essayes de te convaincre que c’est probablement mieux dans la foule, mais bon…

Je crois que le pire était à Singapour. Le système son était hyper mal réglé, il y avait un délai entre ce qu’on jouait et ce qu’on entendait, donc c’était clairement impossible de jouer, on se regardait genre “ohhhhh mon Dieuuuuuu[rires]. J’adore ce festival mais ce concert était atroce.

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J’avoue avoir un peu de mal à croire que les seuls mauvais souvenirs soient dus à des problèmes techniques…

[Rires]. Bah, bien sûr, il y a eu plein de gueules de bois et autres, mais ce n’est même pas un problème pour moi, [il prend une fausse voix grave] avec l’expérience tu sais. J’ai fait des concerts complètement grillé. Je pense que je suis plutôt responsable là-dessus depuis, peut-être un peu trop d’ailleurs, depuis un bout de temps.

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Je me souviens qu’on a joué à Coachella cette année, le premier week-end. J’étais avec Jay [Watson, ndlr] et Kevin [Parker, ndlr] de Tame Impala. Ils avaient joué la veille. Et on s’est vraiment défoncés le crâne, ils sont restés dans notre Airbnb et le réveil a vraiment été horrible. Même une demi-heure avant le début de notre concert, j’étais là à agoniser avec une migraine horrible. Et puis, Coachella, c’est un sacré truc, c’est du sérieux tu vois. Les scènes sont vraiment grandes, donc t’es là “merde, putain”. C’était un concert génial cela étant dit, mais je me sentais vraiment trop mal.

Trop de pression ?

Oh non. Juste une grosse gueule de bois, jusqu’à 16 heures le lendemain. Je ne me sentais pas bien, vraiment pas bien.

Non, mais peut-être que tu as plus bu que d’habitude à cause de la pression.

Aaaah. Nope. Je voulais juste m’amuser avec mes potes en fait [rires]. Je ressens pas vraiment de “pression” pour des concerts. Stresser pour Coachella serait une sacrée perte de temps. Chaque festival, chaque concert, dès qu’il y a de la foule, c’est le même stress, peu importe où tu es. Enfin, tu stresses un peu quand il y a vraiiiiment beaucoup de monde, parfois ça arrive. Après, ça fait pas mal de temps que je me dis que bon, si les gens se pointent, c’est pour nous voir faire ce qu’on fait, donc j’ai pas besoin d’en faire des caisses. Dans tous les cas, ça sera marrant. Si tu es un artiste phare d’un festival, ouais, d’accord, t’es moins serein, tu te dis que si tu rates ton coup, [il prend une voix faussement grave] tu crains. Mais la plupart du temps, ce n’est pas le cas, c’est souvent des petites scènes et c’est juste un moment très cool à vivre.

“On a fait tellement de concerts vides. On ne se faisait pas du tout d’argent, on dormait dans des tentes le long des autoroutes. C’était cool cela dit”

D’ailleurs, quel est le plus petit festival dans lequel tu as joué ?

Huuuuum [il réfléchit, semble assez concentré, tout en s’allumant sa clope]

Là où il n’y avait quasiment personne.

Ben, je ne sais pas… À partir du moment où on a commencé à jouer dans des festivals, c’est qu’on commençait à monter… Enfin si, on a joué dans des festivals minuscules, comme dans des bien plus grands, genre l’édition hivernale de Primavera [à Barcelone, ndlr].

Mais avant ça, on a fait des tas et des tas de concerts où juste personne ne se pointait. On a même fait des tournées où il n’y avait jamais personne dans la fosse, pendant des années même. Des tas de concerts, vraiment. À New York, il y avait un peu de monde, peut-être aussi à Los Angeles, Chicago et Austin, mais bien avant qu’on commence à jouer en Europe, on a fait tellement de concerts vides. On ne se faisait pas du tout d’argent, on dormait dans des tentes le long des autoroutes. C’était cool, ceci dit. Ça a facilement duré quatre ans quand même. Maintenant c’est plus cool à ce niveau-là, même si c’était un sacré truc à vivre.

Bon, et du coup, histoire de clore le sujet “alcool”, t’as dû faire des concerts bourré j’imagine.

Bah quasiment tout le temps. Enfin… Des fois oui, des fois non on va dire. Notre dernière tournée américaine, j’étais plutôt bourré. À l’époque, quand on n’était pas connus, il y a des concerts qu’on ne pouvait pas faire parce que j’avais teeeeeeellement bu. Si je me souviens bien, on a joué dans ce festival dans l’Ohio qui s’appelait Nelsonville Music Festival, et ils nous ont demandé, parce que la tête d’affiche avait annulé un peu à la dernière minute, si on voulait faire le dernier concert. “Euh, vous voulez vraiment qu’on fasse ça, genre qu’on joue pendant deux heures ? Nous ça nous va très bien mais vous êtes sûrs ? Parce que bon…” [rires].

Tellement bourré. On était vraiment morts. La moitié du concert consistait en gros à juste du shredding, je me suis à moitié déshabillé… Alors que c’était un festival hyper familial. Autant dire qu’ils étaient pas emballés. Quand on a fini, on a vu l’ingé son faire : “Mon Dieu, c’est fini” [Rires]. Ouais, c’était horrible et drôle en même temps. Bizarre, très bizarre.

D’ailleurs, quel fut le festival le plus bizarre où tu as joué ?

Ouuuuuuuuuuh. Hum, les festivals les plus chelous sont toujours en Allemagne. Par exemple, on a joué dans un festival qui s’appelle Darkville je crois, c’était vraiment, vraiment bizarre. Tu vois, aujourd’hui, on a plein de potes qui jouent mais on a tellement fait de festivals où on ne connaissait absolument personne de toute la programmation, t’en viens à te demander ce que tu fous là.

À Darkville donc, on ne reconnaissait aucun musicien. Et le type qui jouait après nous était trop bizarre : il avait une espèce d’escalier géant derrière lui, il portait un grand chapeau montant et un costume violet, comme un roi. Il chantait “ropopopopo”, on a regardé et on pensait “c’est quoi cette merde” [rires]. Et le pire, c’est que tout le monde s’en foutait. Il y avait une énorme foule, mais tout le monde s’en battait les couilles.

Ou sinon, plein de fois en Allemagne, j’ai été booké pour des festivals de musique électronique. Donc il y a plein de DJ ou de groupes sur synthés, en mode électro-dark. Et on ne collait, mais alors, pas du tout à l’ambiance. On arrivait, tout souriant [il prend une voix aigüe] : “Salut tout le monde !

Tu fais quand même le concert dans ces cas-là ?

Bien sûr, bien sûr. C’est le truc avec les festivals : il y a des gens qui viennent pour te voir et d’autres qui ne te connaissent pas et qui sont curieux.

“Au Field Day, Andy jouait à la guitare, et quelqu’un lui a balancé une moitié de pastèque, genre en pleine gueule, en plein solo”

T’as déjà eu une foule assez vénère ?

La foule n’est jamais vraiment hostile avec nous. Les gens nous balancent des objets sur scène, mais pas par colère.

Quels genre d’objets ?

Des chapeaux, des cigarettes. [Il se tait deux secondes, réfléchit, puis rit] Je me souviens qu’on a joué dans un festival qui s’appelait Field Day, à Londres. Andy jouait à la guitare, et quelqu’un lui a balancé une moitié de pastèque, genre en pleine gueule. Il faisait un solo et là “ooooooooh”. C’est dangereux, vieux, ça fait mal. Il était pas trop amoché après, mais c’était n’importe quoi. Maintenant on en rigole.

J’ai vu aussi des vidéos de toi qui te balade dans les festivals, comme si tu t’en foutais aussi.

Je ne le fais plus trop malheureusement parce qu’on joue de plus en plus tard maintenant. On vient, on fait les balances, on fait le concert et on part. Après, ça dépend de l’endroit. En Europe, enfin en Angleterre, c’est une autre histoire, mais ici, les gens sont bien plus respectueux, ils te regardent, demandent parfois des selfies, mais de manière assez chaleureuse. Aux États-Unis et en Australie ? [Il lève un sourcil et lance un regard amusé] Quand ils te voient, ils crient “OMG OMG OMG OMG” et tu es obligé de faire des photos pendant des heures. Ici, c’est tellement plus tranquille.

Je regardais Neil Young la dernière fois dans la foule, et des gens me regardaient, me disaient “Hey Mac”, j’étais là “Hey” et c’est tout, tu vois. Genre : “Je sais que tu regardes le concert, j’ai pas envie de te déranger”. C’est tellement agréable. Après, quand tu joues dans des gros festivals avec des artistes bien plus importants que toi, les gens s’en foutent en fait. Regarde, ce soir, il y a ZZ Top.

Tu vas aller les voir ?

Mais mec, bien sûr ! Évidemment.

Est-ce que tu fais quelques festivals, genre juste pour le plaisir ? Ou dans ta jeunesse ?

Ouais, un peu quand j’étais ado. Le truc, c’est qu’il n’y a pas trop cette culture du festival là où j’ai grandi, au Canada. On n’en a pas de gros tu vois. Les gens vivent dans des endroits un peu trop dispersés, je pense. Il y a quelques festivals de folk, c’est le genre de trucs où j’ai dû aller. Des fois, tu auras un groupe indie, la plupart du temps un groupe canadien. Mais oui, rien comme celui d’aujourd’hui.

Et en ce qui concerne le fait d’y aller, je ne sais pas. On tourne beaucoup trop. J’adore tourner, mais on tourne vraiment trop. On n’a même pas le temps d’aller en studio ou même de visiter.

Tu me disais pourtant que tu avais été à Paris il y a quelques jours.

Oui, mais c’était exceptionnel et c’était parce qu’il y avait les Eurockéennes. Après, c’est vrai que j’ai un peu visité. J’ai surtout fait cette expo au Palais de Tokyo, parce qu’un pote à moi a participé au montage. Celle sur Houellebecq. C’était bien, un peu bizarre mais il y avait cette pièce où on pouvait fumer. Au début, j’ai cru que c’était un fumoir mais non. Je pense que le mec en question doit être un gros fumeur.

Oh oui !

[rires] Non mais c’était très cool, moi j’adore.

Ton plus gros festival du coup, c’est Coachella ?

Coachella est énorme, mais la foule qu’on a eu n’était pas la plus grosse. J’aurais tendance à dire que c’est à Primavera qu’on a eu le plus de monde. Parce que contrairement à Coachella, on a fait la scène principale.

On parle beaucoup d’Amérique et d’Europe depuis tout à l’heure.

Bah je n’ai jamais joué en Afrique, donc bon… J’adorerais cela étant dit, ce serait dingue.

T’as pas mal joué en Asie, non ?

Ah bah ouais. On a fait Shanghaï, Pékin, Tokyo, Asaka, Hong Kong, Bangkok, Taipei, Séoul, Saïgon, Kuala Lumpur, Jakarta. Pas l’Inde remarque. Mais tu sais, c’est ce genre de concert où la sono est un peu pourrie, les balances et tout. Mais tu t’en fous parce que l’endroit est tellement dingue. Je veux dire, Viêtnam mec, vas-y. WTF, c’est trop bizarre de jouer là quand même. Tout est tellement différent, la culture, les habitudes, la bouffe …

La plupart de gens que je connais qui ce sont rendus dans ces pays-là ont forcément été malades à un moment ou à un autre.

Ohohoho. Plein de fois vieux, plein de fois. Je dirais même que je suis hyper malade à chaque fois en fait. Mais je suis trop mauvais à ce truc. C’est-à-dire que j’ai envie de tout essayer, de goûter toutes les merdes chelous que je vois. J’ai besoin de tout tenter tu vois.

Le premier été où on y est allé, j’ai essayé des steaks de raie manta, du pigeon et d’autres conneries, genre de la soupe de serpent. Tout ce qui est bizarre je te dis, tout, j’adore [rires]. Mon problème aussi, c’est que j’adore la bouffe épicée, genre vraiment. À Shanghaï, on a mangé de la seiche ou quelque chose dans le genre, c’était délicieux hein, mais putain, ça a niqué mon estomac, mais genre horrible. J’étais vraiment, vraiment malade.

Pareil, j’étais mal à cause d’un truc similaire à Hong Kong, je ne pouvais pas aller aux toilettes, je transpirais tellement j’avais mal. Et j’ai dû faire un concert à Taïwan, sauf que j’étais tellement malade que je me suis chié dessus sur scène. C’était affreux, je ne me sentais pas bien.

Littéralement ?

Ah ouais, ouais, ouais. C’était un petit truc [il montre l’ongle de son petit doigt gauche pour donner une idée de la taille, ndlr] mais ça reste vraiment inconfortable. T’as du caca dans la raie de tes fesses, c’est crade. Je crois que j’avais un parasite, ou un ver, ou quelque chose du genre.

Ah ouais.

[Rires] Tu me fais dire des trucs, mon dieu. C’est un bon moyen de conclure l’interview, non ? Je dois aller préparer mes merdes [faire ses balances en l’occurrence, ndlr].

Tout à fait, merci beaucoup Mac.

Merci à toi, mec.