Chaque mois, nous passons en revue les événements artistiques de notre beau pays, la France, afin de vous proposer la crème de la crème des expositions. Au programme : des cousines qui grandissent côte à côte, des amitiés, le sex-appeal des animaux, les œuvres engagées de Silina Syan, de Bertille Bak et Tina Modotti.
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“Tina Modotti – L’œil de la révolution“ et “Bertille Bak – Abus de souffle”, au Jeu de Paume, à Paris
“Tina Modotti fait partie d’une génération de femmes qui a apporté une contribution majeure à la photographie des années 1920 et a exercé une grande influence sur la photographie mexicaine ultérieure […]. Modotti s’est initiée à la pratique de la photographie grâce à Edward Weston ; toutefois, son œuvre, qui développe une vision très personnelle, dépasse l’enseignement formaliste de ce dernier. Après son émigration économique depuis la ville italienne d’Udine jusqu’à San Francisco et Los Angeles, Modotti part pour le Mexique, où elle participe à la Renaissance mexicaine et à l’effervescence culturelle postrévolutionnaire.
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Intégrée au cercle des artistes et des muralistes établi·e·s sur place, elle allie rapidement une ‘photographie incarnée’ au formalisme de Weston. Militante du Parti communiste mexicain dès 1927, elle dénonce la condition des démuni·e·s avec son appareil photo, insistant notamment sur la construction d’un nouvel imaginaire autour des femmes mexicaines. En 1930, Modotti est expulsée du Mexique en raison de son engagement communiste. Elle vit alors pendant plusieurs années en Union soviétique, où son militantisme photographique se transforme en activisme.
Au milieu des années 1930, le Parti communiste soviétique l’envoie en Espagne. Durant la guerre civile, elle organise l’évacuation des ‘enfants de la guerre’, coordonne la gestion des hôpitaux militaires et mène à bien les missions relatives à la propagande. À la suite de la défaite des républicains en 1939, elle traverse les Pyrénées aux côtés de milliers d’exilés. Épuisée et désillusionnée par l’issue de la guerre d’Espagne, elle doit à nouveau quitter l’Europe. Elle décède en 1942 dans la ville de Mexico.”
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“[De son côté, Bertille Bak détourne] les représentations habituelles de communautés marginalisées ou invisibilisées, l’œuvre de Bertille Bak met en scène des populations, des rituels ou des situations qu’elle subvertit avec la complicité des protagonistes eux-mêmes. Sans scénario préalable, l’artiste s’immerge dans le mode de vie d’un groupe – l’équipage d’un bateau de croisière à Saint-Nazaire, des cireurs de chaussures à La Paz, de jeunes mineurs indiens, indonésiens ou thaïlandais, des demandeuses d’asile résidant à Pau, des artisan·e·s dans la médina de Tétouan.
Elle évolue à leur contact, observe leurs rites, leurs gestes et leurs objets, avant d’y instiller de nouvelles règles et des artifices en tout genre. Bertille Bak conçoit dès lors avec ces communautés des rituels collectifs qui produisent une image d’elles-mêmes émancipatrice, libérée des clichés véhiculés tant par des documentaires misérabilistes que par un discours activiste basique. Loin de banaliser leurs conditions de vie précaires, Bertille Bak montre ces réalités le plus souvent faussées par l’imaginaire collectif, et donne aux premier·ère·s concerné·e·s les moyens de se raconter par des chemins détournés, [façonnant] des récits fictionnels, des histoires qui bousculent l’ordre établi et le sentiment de fatalité. […]
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Bertille Bak place la question du travail au centre de ses projets. Elle fait appel à des savoir-faire et à des moyens de production préindustriels comme à autant d’actes militants relevés d’une note de fantaisie et d’humour. L’action prévaut sur l’esthétique. Les images sont trafiquées au moyen d’effets spéciaux bidouillés et low-tech inspirés des jeux d’arcade ou bien avec des techniques du cinéma primitif. Il en ressort un ton léger, en contrepoint de la profondeur des sujets traités. Bertille Bak ne cherche pas à créer une illusion de vraisemblance, mais à dévoiler les coulisses de la construction de toute image et à avertir le public, d’une manière à la fois tendre et loufoque, que l’art n’est qu’un simulacre.”
Jusqu’au 12 mai 2024.
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“Fondée sur la confiance et l’affection mutuelle, l’amitié est l’une des relations les plus précieuses qui existe. Avec les ami·e·s, nous partageons des expériences de vie, nous élargissons nos horizons et nous construisons des avenirs communs. Pourtant, la nature de l’amitié est difficile à définir. Comment choisissons-nous nos ami·e·s ? Comment la société, la politique, la culture et les réseaux sociaux influencent-ils les amitiés ? Les ami·e·s, en tant que personnes de confiance, peuvent facilement nous blesser. Les secrets qu’ils·elles partagent en font-ils·elles des ennemi·e·s ?
Présentée successivement à Lyon puis Birmingham, deux villes jumelées, l’exposition s’intéresse aussi aux amitiés diplomatiques et à la manière dont les capitales régionales et les institutions culturelles peuvent créer de nouvelles façons de faire, notamment dans un contexte post-Brexit. La sélection des œuvres de l’exposition inclut diverses formes : peinture, dessin, photographie, gravure, textile, film, sculpture, installation…”
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Jusqu’au 7 juillet 2024.
“Sex-appeal, la scandaleuse vie de la nature”, au Muséum de Toulouse
“Le Muséum de Toulouse a choisi de lever le voile sur la biodiversité du vivant par le prisme de la sexualité. En effet, le sexe n’est-il pas l’élément clé de l’évolution et donc de la biodiversité sur cette planète qui regorge de vie ? Côté animaux, de la masturbation des primates à la fellation de la chauve-souris, de la parade nuptiale du paradisier en passant par l’homosexualité des lions, la polygamie des chimpanzés, l’hermaphrodisme des escargots et encore bien d’autres genres.
Tous les goûts sont dans la nature. Entre tendresse, délicatesse, glamour, mais également sensualité, érotisme ou bestialité, la vie sexuelle des animaux est bien plus riche, foisonnante et flamboyante qu’il n’y paraît. La sexualité des fleurs, quant à elle, est bien souvent discrète et parfois même d’une pudeur sacrée. La coévolution des plantes et de leurs pollinisateurs a donné lieu à des rapprochements étonnants qui ne sont pas exempts de tromperie. Colorées et parfumées, les plantes nous livrent une mise en scène luxuriante qui donne naissance à des relations uniques.”
Jusqu’au 7 juillet 2024.
“Silina Syan, Crystal Oud”, à l’Institut des cultures d’Islam, à Paris
“À travers ses photographies et ses vidéos, Silina Syan poursuit une quête d’identité hybride nourrie par les récits de sa mère arménienne et de son père bangladais, et les souvenirs de son enfance en banlieue parisienne. Elle questionne son rapport à cette triple culture en explorant l’esthétique kitsch, la saturation des motifs et des couleurs. L’exposition ‘Crystal Oud’ est une invitation en forme de carte blanche à l’artiste, qui présente son travail à la fois dans et hors les murs.
Silina Syan propose une installation inspirée des commerces et des produits de beauté du quartier de la Goutte d’Or, où l’Institut des cultures d’Islam l’a accueillie en résidence afin de prolonger ses recherches sur l’expérience de l’exil et de la migration. Sur le Pont Saint-Ange, elle souligne l’ambiguïté de sa posture lors de sa première visite au Bangladesh, à l’occasion du mariage de son oncle, mêlant ses prises de vues et ses ressentis, entre l’album de voyage et le journal intime.”
Jusqu’au 12 mai 2024.
“Alessandra Sanguinetti – Les Aventures de Guille et Belinda”, à la Fondation Henri Cartier-Bresson, à Paris
“Alessandra Sanguinetti a grandi et fait ses études en Argentine. En 1999, elle remarque deux enfants singulières, Guillermina Aranciaga et Belinda Stutz. Ces deux femmes, dont elle suit le destin depuis, s’érigent en icônes au centre de sa vie et de son œuvre. Avec la campagne argentine en toile de fond, dans un univers essentiellement masculin fait de gauchos et de fermiers, les tableaux documentaires qu’elle crée traversent les stades de la vie et interrogent l’irréversibilité du temps.
Avec l’aide de ces deux cousines et en ayant recours à la mise en scène et à des accessoires, Alessandra Sanguinetti fait dialoguer ses photographies et ses modèles dans un ensemble résolument fantasmagorique. […] Avec l’élaboration de ses tableaux oniriques et psychanalytiques, Alessandra Sanguinetti apporte une réponse sensible au questionnement perpétuel de la relation des artistes à leurs sujets. Au sein et en dehors de cette série, ces trois femmes, Guillermina, Belinda et Alessandra, forment en définitive une autre famille.”
Jusqu’au 19 mai 2024. Faites également un tour à l’exposition sur Weegee.