En 1949, le MoMA de New York achetait le tableau Au-dessus de Vitebsk, de Marc Chagall, auprès de la collectionneuse d’art allemande Marie Luise Feldhäusser, qui avait elle-même hérité de l’œuvre via son fils Kurt, mort en 1945. Cette mention figurait dans la légende du tableau présenté sur le site internet du musée états-unien, et Artnet rapporte qu’elle a été discrètement retirée après que l’œuvre a été rendue, en douce, à ses héritier·ère·s juif·ve·s légitimes. Au-dessus de Vitebsk ne figurera donc plus parmi cette collection new-yorkaise.
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Le tableau en question représente un mendiant planant au-dessus de la ville biélorusse de Vitebsk, et son acquisition s’est faite en plein régime nazi, dans des circonstances qui éveillent les soupçons. C’est en 1936 que Kurt Feldhäusser avait acquis ce tableau, via la Nationalgalerie de Berlin, grâce à un échange d’œuvres avec l’institution berlinoise.
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Un rapport du MoMA précise que la Nationalgalerie avait obtenu l’œuvre via la Dresdner Bank, banque qui a largement profité du régime nazi. Et c’est là que ça se corse et que les acquisitions deviennent plus troubles. Cette banque a reçu ce tableau, deux ans avant de le refiler à la Nationalgalerie via un transfert de la Prusse, dans un contexte potentiellement abusif : en échange “d’une réduction de dette” (présumée) de la Matthiesen Gallery, tenue par Francis Matthiesen, un galeriste juif, qui devait rembourser son prêt.
On ne sait que trop bien que les nazis, s’ils ne pillaient pas sauvagement, soutiraient des œuvres sous une contrainte tacite bien que légale et on ne peut exclure le fait que cela pourrait être le cas dans cette affaire. Même si des spécialistes ont étudié la question et ont décrété qu’il ne s’agissait pas d’une réduction de dette sous la contrainte, les ayants droit de la fortune de Francis Matthiesen ont tout de même demandé, il y a trois ans, la restitution de l’œuvre, et c’est maintenant chose faite.
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Suite à cette restitution révélée par le New York Times, le MoMA a perçu 4 millions de dollars de frais de la part de l’entreprise canadienne Mondex dans le cadre d’un procès. C’est grâce aux documents de ce procès que le New York Times a pu révéler cette affaire. Artnet relate que Mondex avait pour mission de faciliter la restitution entre la famille légitime et le musée. À ce titre, elle percevra, de son côté, 8 millions de dollars grâce à la vente d’Au-dessus de Vitebsk, menée par Patrick Matthiesen, fils de Francis, auprès d’un·e collectionneur·se européen·ne.
Cette vente faisait partie du deal et les trois partis devaient en jouir. L’héritier déplore en revanche le profit qu’a fait Mondex et ses arrangements (sans obtenir d’autorisation de sa famille) avec le musée états-unien. Il préférerait qu’en guise de pénalité, cette somme ne revienne pas à Mondex, qui se défend en déclarant que “tout n’est pas noir ou blanc” dans cette affaire. De son côté, le musée a justifié sa part du gâteau en invoquant le financement d’un fonds de recherche dédié à Francis Matthiesen. Des frais “non raisonnables”, selon Patrick Matthiesen.