Trop souvent, on résume la carrière de William Friedkin a trois ou quatre films : L’Exorciste, évidemment ; The French Connection, qui lui a valu tout de même en cinq Oscars en 1972 (dont celui du Meilleur film et du Meilleur réalisateur), face notamment à Orange mécanique de Stanley Kubrick ; Le Convoi de la peur, le remake fou du Salaire de la Peur d’Henri-George Clouzot ; et à la limite, La Chasse, le polar dans le milieu underground queer new-yorkais avec Al Pacino.
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Ce serait oublier un paquet de pépites dissimulé dans cette riche filmographie, pas parfaite, mais qui contient un tas d’œuvres fascinantes, tant au début de son travail, que sur la fin — ce qui est ironique, pour un auteur qui estimait dans sa célèbre autobiographie (Friedkin Connection : Les mémoires d’un cinéaste de légende), qu’il commençait seulement à savoir faire des films sur la fin de sa vie et qu’il n’avait pas son Citizen Kane (poke la réflexion à Nicolas Winding Refn sur sa notion de chef-d’œuvre et de Citizen Kane).
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En dehors de ceux-là, voilà d’autres grands films que vous ne connaissez peut-être pas et qui méritent d’être revisités :
Police fédérale, Los Angeles (1985)
On commence par le plus évident. On aurait pu le citer en introduction lui aussi, car c’est le plus connu de la liste sans nul doute et c’est une œuvre majeure de la filmographie de feu Friedkin. Mais trop peu de gens connaissent ce qui reste l’un de plus grand polar de l’Histoire. Si l’idée de voir un flic dériver vers l’illégalité pour venger la mort de son partenaire, ou d’admirer l’incroyable travail de Robby Müller (directeur de la photo ayant œuvré pour Wim Wenders, Jim Jarmusch et Lars von Trier, entre autres), dites-moi que vous vous apprêtez à voir un thriller réunissant William Petersen, Willem Dafoe, John Turturro, Dean Stockwell ou encore Robert Downey Sr. ; le tout sur une BO pop-rock-funky-electro dingue signée Wang Chung.
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Indispensable.
Bug (2006)
C’est une vraie pépite, un vrai chef-d’œuvre paranoïaque incroyable et vraiment, vraiment trop peu reconnu. Une serveuse isolée (Ashley Judd) et victime d’un ex violent tombe amoureuse d’un homme solitaire (Michael Shannon). Ce dernier se révèle véritable complotiste, persuadé d’être traqué, observé, et devient obsessionnel sur des insectes qui pulluleraient dans sa chambre d’hôtel. C’est un film traumatisant et très impressionnant, qui n’est pas loin d’être l’un des meilleurs de son auteur.
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Killer Joe (2011)
C’est un des derniers longs vraiment marquants du cinéaste. Quiconque l’a vu se souvient de la scène de McConaughey qui mange du poulet. Il faut dire qu’à part dans le plutôt mauvais Tour Sombre, il est rare de voir Matthew en vilain. Ici, il est glaçant, terrifiant, et avec un jeu d’une précision folle. Le film ne repose pas que sur lui : ce film noir redneck, en mode polar glauque à souhait, est un exemple du genre.
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The Hunted (2003)
N’importe quel cinéaste aurait transformé cette histoire de traque entre un ancien soldat traumatisé par la guerre du Kosovo cloîtré dans la jungle en mode Rambo énervé (Benicio Del Toro), et son ancien mentor flic (Tommy Lee Jones), en une série B lambda. On ne dit pas qu’il réinvente le genre, pas vraiment. Mais la tension, la mise en scène, les scènes de courses-poursuites (sa signature) et surtout un duel final sanglant font de ce long-métrage une petite pépite sous-estimée. Ce n’est pas le meilleur Friedkin, mais il est trop ignoré.
The People vs Paul Crump (1962)
En dehors de sa carrière de cinéaste de fiction, Friedkin a aussi œuvré du côté du documentaire. Jusqu’en 2017 même, où il a suivi le père Amorth (incarné récemment à l’écran par Russell Crowe dans L’Exorciste du Vatican) 45 ans après avoir fait L’Exorciste. Son premier fait d’armes est une incroyable archive. On est en 1961, il raconte un fait divers, ce qui semble être une fausse accusation raciste qui va coûter à Paul Crump une peine de mort. Non seulement le film montre le racisme systémique, conteste la notion de peine de mort, a permis que Crump soit sauvé et ne fasse que de la prison, et a permis à son cinéaste, âgé alors de seulement 27 ans et qui travaillait à la télévision, d’avoir son premier agent et de démarrer sa carrière pour de bon.
C’est un petit bout d’histoire, amateur, peut-être, mais tout de même.
On vous met en bonus une présentation de ce documentaire par ce dernier, juste ici.
Bonus : sa master class à la Cinémathèque
1 h 30 avec le maître, qui refuserait ?