Elle est vieille mais on l’aime : on a trouvé la plus vieille œuvre d’art figurative du monde (et elle a 50 000 ans)

Publié le par Lise Lanot,Konbini avec AFP,Lise Lanot,

Il y a 50 000 ans, nos ancêtres ressentaient déjà le besoin de raconter leur quotidien grâce à l’art.

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Un gros cochon rouge entouré par trois figures humaines : la scène a été peinte il y a plus de 51 000 ans sur la paroi d’une grotte en Indonésie, ce qui en fait la plus ancienne œuvre d’art figurative au monde, selon une étude. Bien que d’apparence modeste, le dessin “raconte clairement une histoire qui constitue la plus ancienne preuve de narration” connue, bien antérieure aux peintures rupestres de Lascaux et Chauvet en France, a expliqué lors d’une conférence de presse l’archéologue Adam Brumm, l’un des auteur·rice·s de l’étude parue le 3 juillet 2024 dans Nature.

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Le précédent record était détenu par une scène de chasse identifiée par la même équipe de chercheur·se·s en 2019, dans une grotte indonésienne, dont l’âge était alors estimé à près de 44 000 ans. La dernière découverte, dans une grotte voisine de Maros-Pangkep, sur l’île de Sulawesi, marque “la première fois que nous dépassons la barrière des 50 000 ans”, a dit à l’AFP l’archéologue Maxime Aubert, de l’université australienne de Griffith, co-auteur de l’étude.

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Cette image partagée par la Griffith University le 3 juillet 2024 montre une œuvre vieille de 51 000 ans qui a été repérée pour la première fois dans une grotte de l’île indonésienne de Sulawesi en 2017. Elle n’a peut-être pas l’air de grand-chose – un croquis de trois personnes qui entourent un gros cochon rouge – mais cette œuvre est la plus vieille peinture narrative réalisée par des êtres humains connue à ce jour. “C’est la plus vieille preuve de volonté de narration”, a rapporté à l’AFP Maxime Aubert, archéologue à la Griffith University. (© Griffith University/AFP)

Le fait que les premier·ère·s représentant·e·s de notre espèce aient pu raconter une histoire aussi “sophistiquée” par le biais de l’art pourrait réécrire notre compréhension de l’évolution cognitive d’Homo sapiens, a-t-il ajouté. Pour dater l’œuvre, les chercheur·se·s ont fait appel à une nouvelle méthode qui utilise des lasers et des logiciels générant une “carte” des échantillons de roche. Cette technique d’ablation au laser est plus précise, plus facile, plus rapide, moins chère et nécessite des échantillons de roche beaucoup plus petits que la précédente méthode, détaille Maxime Aubert.

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Elle permet non pas de dater directement la peinture mais les différentes couches des minéraux qui se sont agglomérés dessus au fil du temps. Les chercheur·se·s ont réussi à accéder à la couche la plus proche de la peinture et donc à déterminer finement son âge minimum. L’équipe a d’abord testé la nouvelle technique sur le précédent détenteur du record. Elle a déterminé que la scène de chasse était en réalité vieille d’au moins 48 000 ans, soit 4 000 ans de plus que la méthode de datation de 2019. L’équipe a ensuite testé la méthode laser sur une peinture non datée, repérée pour la première fois dans la grotte de l’île de Sulawesi en 2017. Verdict : son âge minimum est de 51 200 ans.

Description d’une action

Le tableau, en mauvais état, représente trois personnages autour d’un cochon sauvage. Il est difficile de comprendre le sens de ces images de couleur rouge, mais elles décrivent bien une action, à l’instar de l’énigmatique “scène du puits de Lascaux” (21 000 ans) représentant un homme à tête d’oiseau, renversé par un bison. Maxime Aubert émet l’hypothèse que l’œuvre avait probablement été réalisée par les premiers groupes d’humain·e·s qui ont traversé l’Asie du sud-est avant d’arriver en Australie, il y a environ 65 000 ans. “Ce n’est probablement qu’une question de temps avant que nous trouvions des échantillons plus anciens”, pense l’archéologue.

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Les premières images produites par la main de l’être humain connues à ce jour sont des lignes et motifs réalisés dans de l’ocre, découvertes en Afrique du Sud et datant de 100 000 ans. Il existe ensuite un “énorme fossé” temporel entre ce premier art et les peintures rupestres indonésiennes, 50 000 ans plus tard, constate Maxime Aubert. Avant ces découvertes en Indonésie, on considérait que les premières narrations avaient émergé en Europe occidentale, avec notamment la découverte de la sculpture en ivoire d’un l’homme à la tête de lion, vieille de 40 000 ans, en Allemagne. De quoi rappeler que l’Europe et l’Occident sont loin d’être le centre du monde ou le berceau de l’art.

La date estimée de l’art rupestre d’Indonésie est “assez renversante” car elle est beaucoup plus ancienne que ce qui a été découvert ailleurs, y compris en Europe, a commenté Chris Stringer, anthropologue au Musée d’histoire naturelle de Londres, qui n’a pas participé à l’étude. Les conclusions de l’étude semblent robustes, mais devront être confirmées selon lui par des datations plus approfondies. “À mon avis, cette découverte renforce l’idée que l’art figuratif a été produit pour la première fois en Afrique il y a 50 000 ans et que le concept s’est répandu à mesure que notre espèce s’est répandue”, a-t-il déclaré à l’AFP. “Si cela est vrai, de nombreuses nouvelles preuves provenant d’autres régions, notamment de l’Afrique, doivent encore émerger.”