Élections US : entre la satire de Veep et l’idéalisme de The West Wing, deux visions de la politique américaine en série pour (un peu) apaiser les cœurs

Publié le par Delphine Rivet,

© HBO / NBC

Rêver d’un monde meilleur avec un président honnête et humain, ou embrasser le chaos avec le staff incompétent de la vice-présidente la plus tarée des séries : faites votre choix !

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Pour échapper au tumulte du monde, se plonger dans une série est parfois un refuge bienvenu. On vous aurait bien proposé d’aller à des milliers de kilomètres des États-Unis, en Terre du Milieu, dans notre capitale édulcorée d’Emily in Paris ou dans la cuisine de Makanai à Kyoto. Mais on s’est dit qu’on allait rester dans le thème de la politique américaine, pour mieux la comprendre, mais, surtout, pour exorciser.

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Les séries dont nous allons vous parler sont, sans conteste, les deux meilleures fictions politiques jamais produites. La première, c’est LA référence ultime, l’idéaliste, un poil prétentieuse par endroits mais toujours mordante, et qui a carrément popularisé un artifice de mise en scène, le “walk and talk” (des scènes dans lesquelles les personnages marchent et parlent dans des couloirs qui n’en finissent plus) : The West Wing, ou À la Maison-Blanche en VF, créée par Aaron Sorkin et coécrite avec John Wells. La seconde brandit son cynisme en étendard et dézingue sans sommation la bureaucratie made in USA : Veep, imaginée par Armando Iannucci.

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La master class The West Wing

Deux salles, deux ambiances, mais aussi deux indispensables pour une culture sérielle digne de ce nom ! The West Wing est un drame politique qui suit le quotidien des employé·e·s de l’aile ouest de la Maison-Blanche, où siège la branche exécutive du gouvernement. Nous sommes en 1999, sur la chaîne gratuite NBC, et Aaron Sorkin place un président démocrate à la tête du pays, Jed Bartlet. Dans le monde réel, Bill Clinton (aussi démocrate) est en plein second mandat. La série, qui a duré jusqu’en 2006, a pris une tout autre dimension lorsque George W. Bush, un fervent républicain, a été élu en 2001.

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Par le biais de son staff dévoué et compétent – allant du chef de cabinet au directeur de la com, en passant par la porte-parole –, le président Bartlet (Martin Sheen, dans son meilleur rôle) nous invite dans les arcanes du pouvoir exécutif. On y voit les challenges, les négociations qui mettent parfois à mal ses convictions, ses victoires sur ses opposants, et on assiste aussi à des débats moraux passionnants.

Plus impressionnant encore, la série a bousculé sa programmation suite aux attaques terroristes du 11 septembre 2001. Aaron Sorkin a écrit un épisode qui sera ensuite tourné et entièrement produit en un temps record pour être diffusé trois semaines seulement après les attentats. Cet épisode, qui s’intitule “Isaac and Ishmael”, est parfois pompeux et donneur de leçons (c’est aussi le style “sorkinien” qui s’exprime ici), mais il a le mérite (ou l’indélicatesse, disaient certains critiques d’alors) de parler d’islamophobie et de pointer les torts de l’Amérique au Moyen-Orient. La série tout entière, si elle n’est pas exempte de reproches, reste une master class.

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Le sourire bien crispé de Veep

De la très solennelle (mais pas dénuée d’humour !) The West Wing, on passe sans transition à la comédie qui a élevé le “cringe” au rang d’art : Veep. Créée en 2012 pour HBO par Armando Iannucci, elle suit les mésaventures de Selina Meyer, une vice-présidente envieuse, colérique, entourée d’incapables, et qui rêverait d’être calife à la place du calife. Celle qui l’incarne avec brio n’est autre que l’hilarante Julia Louis-Dreyfus, qui prend un malin plaisir à délivrer les répliques trash et assassines écrites pour elle. Il y en a trop pour les citer ici, mais l’une de nos préférées est sans doute celle-là : “C’est comme utiliser un croissant en guise de putain de vibromasseur : ça ne fait pas le job, et ça fout un bordel sans nom.”

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Veep, c’est la célébration de l’idiocratie. C’est rire quand il ne reste plus rien d’autre à faire et que la situation paraît désespérée. Elle n’égratigne pas l’institution, elle l’atomise et semble nous dire : puisqu’on est gouverné·e·s par des nul·le·s qui ne pensent qu’à leur tronche, autant se marrer. Vous l’aurez compris, et ce n’est pas un spoiler de vous le dire ici : Selina Meyer ne sera jamais comblée, et ses rares victoires sont de courte durée. Elle a beau demander plusieurs fois par jour à sa secrétaire personnelle “Sue, est-ce que le président a appelé ?”, la réponse est toujours cinglante : “Non.” C’est de cette frustration que naît la comédie. C’est le nectar dont Veep se nourrit.

Ici, il n’y a pas de morale, pas de bons sentiments, pas de héros ni d’héroïne, pas de grande leçon de vie, mais environ 250 “fuck” par épisode. Elle est considérée comme l’une des meilleures séries jamais écrites, parce qu’en dépit de ses situations ubuesques elle tape toujours dans le mille et ses dialogues – dans un style forcément moins cérémonieux que ceux de The West Wing – sont de l’orfèvrerie.

The West Wing est disponible seulement à l’achat, sur Apple TV ou en DVD, et Veep est à voir ou revoir sur Max ou Canal+. 

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