Du même niveau que Drag Race France : dans les coulisses des… perruquiers d’opéra

Publié le par Konbini avec AFP,

© June Raclet et Emmanuel Charret/AFP TV/AFP

Techniques, coûts, journée-type : lumière sur le métier atypique des perruquiers d’opéra.

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Cheveux implantés un à un, mis en plis, crêpés, frisés… Sous les doigts agiles des “petites mains” de l’atelier du Capitole à Toulouse naissent les coiffes des spectacles de cet opéra national, l’un des rares à fabriquer ses propres perruques. “Tout se prépare un an à l’avance. Le costumier choisit style, couleurs, coiffage, nous transmet les maquettes […]. Il faut quatre à cinq jours, voire dix pour fabriquer une perruque”, précise à l’AFP Thierry Le Gall, 59 ans, l’un des assistants de l’atelier.

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Un opéra, selon le nombre de solistes et de chanteur·se·s composant le chœur, “ça peut être 80 perruques”, toutes aux mesures de chaque artiste, souligne-t-il. Posées sur des têtes en polystyrène et alignées sur une étagère, les perruques bouclées des Pêcheurs de perles de Bizet, et certaines à longues tresses du Boris Godounov de Moussorgski, sont fin prêtes pour la prochaine saison qui démarre à l’automne. Assises à une grande table, une dizaine de perruquières s’activent, éclairées par des lampes loupes et penchées sur d’autres têtes, en bois, recouvertes de bonnets en tulle fin.

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Des heures de travail

“Je passe un crochet dans le tulle, attrape le cheveu, le noue avec le crochet, puis tire. Toute l’implantation de la perruque se fait comme ça”, explique l’une d’elles, Tania Kuczowicz, 36 ans. Les cheveux, naturels car de meilleur rendu que les fibres synthétiques, ont été préparés à l’avance dans des cardes en métal, d’où elle peut ainsi les extraire “sans risquer de tout emmêler”. Une flèche indique le sens. “Il faut implanter par la racine, pas par la pointe, sinon la perruque sera impossible à coiffer, bonne à jeter”, précise Vanessa Marchione, 52 ans, cheffe de cet atelier de neuf permanent·e·s, dont une majorité de femmes, auxquel·le·s s’ajoutent apprenti·e·s et intermittent·e·s.

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C’est elle qui gère les commandes. Importés surtout d’Asie et d’Europe de l’Est, les cheveux, du brun profond au blond le plus clair, arrivent lavés, coupés, voire teintés en bleu, violet, rouge flamboyant, etc. “Selon les longueurs, le prix oscille entre 2 300 et 3 000 euros le kilogramme […]. Il faut à peu près 100 grammes pour une perruque”, ajoute Vanessa Marchione, “troisième génération de perruquiers”, dans les pas de ses parents qui dirigeaient l’atelier avant elle, et de son grand-père italien immigré de Naples à Marseille.

Avec Paris et Strasbourg, l’opéra de Toulouse est l’un des seuls à fabriquer encore ses perruques, les autres théâtres faisant appel à des artisan·e·s extérieur·e·s. “Une fois le spectacle terminé, tout est gardé. Le cheveu est imputrescible, ne s’altère pas avec le temps. On a un stock d’environ 5 000 perruques qu’on peut réutiliser pour de nouvelles représentations, ou adapter pour d’autres opéras ou ballets”, précise Thierry Le Gall. Du poil de yack, plus épais et qui permet donc du volume, sera préféré pour les grandes perruques de style XVIIIe.

Perruques et maquillage

Dans l’atelier, niché au quatrième étage du Capitole, sont aussi conçus barbes, moustaches, masques ou bijoux ornant les chevelures, mais aussi le maquillage des performeur·se·s. Hors de la scène, ces artistes de l’atelier sont présent·e·s à chaque représentation : en coulisses, on rectifie une mèche, ajuste un ruban, rattrape un rouge à lèvres. Leur travail est présenté jusqu’au 24 septembre dans l’exposition “La fabrique de l’opéra” au Couvent des Jacobins, en plein cœur de Toulouse, ainsi que de magnifiques costumes, décors et maquettes conçus dans les autres ateliers du Capitole, tel l’escalier monumental de La Chevauchée des Walkyries de Wagner.

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Parmi 150 pièces, sorties de la caverne d’Ali Baba que sont les réserves du théâtre, figurent aussi les diadèmes scintillants des ballets Casse-Noisette et Giselle, ou les extravagantes perruques d’Un ballo in maschera de Verdi, imaginées par le couturier Christian Lacroix. La conservatrice des Jacobins, Marie Bonnabel, a eu à cœur de “mettre à l’honneur tout le travail des petites mains qui est derrière cette fabrication très minutieuse”. “Cette perfection, ce sont des heures et des heures de travail pour quelques minutes sur scène”, souligne-t-elle. “C’est très représentatif de l’opéra : quelque chose de fugace, mais qui fait toute la magie du spectacle !”