Chaque mois, nous passons en revue les événements artistiques de notre beau pays, la France, afin de vous proposer la crème de la crème des expositions. Au programme : une descente aux enfers, un peu de female gaze, l’expérience de l’exil, une rétrospective sur Paolo Roversi et un état des lieux de la France post-pandémie. Et un petit bonus masqué.
Publicité
“The Infinite Woman”, à la Fondation Carmignac, à Porquerolles
“Au commencement, Porquerolles était une femme : une princesse métamorphosée en île pour échapper à un terrible assaillant, selon la légende fondatrice. Sur cette île-femme, et partant de certaines représentations féminines de la collection Carmignac, la commissaire britannique Alona Pardo imagine une exposition qui interroge les regards posés sur les femmes depuis les mythes originels jusqu’à nos jours.
Publicité
Fortes, lascives, fatales, aimantes, démoniaques, tentatrices ou encore mythiques, les femmes ont été représentées de nombreuses manières à travers les siècles, souvent pour répondre à une vision patriarcale du monde. L’exposition rassemble plus de soixante artistes d’horizons et de courants artistiques pluriels, dont le travail déconstruit les représentations féminines traditionnelles.
Les œuvres de l’exposition proposent ainsi une relecture des mythologies classiques à travers des récits contemporains centrés sur les femmes. En brisant les manières oppressives de voir et d’être vues, elles montrent des possibilités de réappropriation du désir et du pouvoir sexuel féminin, une libération des conventions occidentales de beauté et la perspective de nouveaux idéaux corporels. Enfin, ‘The Infinite Woman’ trouble les représentations binaires du genre pour ouvrir de nouveaux modes d’identité fluides et contribue à redéfinir des féminités.”
Publicité
Jusqu’au 3 novembre 2024.
“Mohamed Bourouissa – Signal”, “Dislocations” et “Chloé Bensahel – Tisser l’hybride”, au Palais de Tokyo, à Paris
“Cette première rétrospective dans une institution nationale est l’occasion de déplier le travail de l’artiste, de ses productions les plus récentes à ses débuts, incluant des créations d’artistes ami·e·s, comme autant de sursauts dans le temps, sans se soucier d’être exhaustif ou chronologique. Comme la terre lui est étroite, l’exposition réunit plusieurs géographies, de Blida (Algérie), ville natale de l’artiste, où le psychiatre et écrivain Frantz Fanon a développé une analyse de l’aliénation mentale au cœur des dominations coloniales, à Gennevilliers, où l’artiste vit et est très actif localement, en passant par Fletcher Street (Philadelphie) et sa communauté de cow-boys noirs jusqu’au ciel de Gaza.
Publicité
Animé par une logique du disparate, Mohamed Bourouissa étire les langages, les références intimes et collectives, les formes et les esthétiques, pour provoquer des écarts, des renversements, des tensions, créant un tiers-espace, entre jardin hanté et organisme vivant, dicté par le trouble. L’exposition est pensée comme une partition de sons, de dessins, de photographies, de films, de sculptures, d’aquarelles, de plantes, de musiques expérimentales et d’énergies collectives. Du cri au silence en passant par le murmure des fantômes du colonialisme, elle nous confronte à une certaine fréquence atmosphérique du sensible, toujours en alerte. Une tentative d’échapper à ce qui nous intoxique.”
“L’exposition ‘Dislocations’ réunit quinze artistes, de générations et origines différentes (Afghanistan, France, Irak, Iran, Liban, Libye, Myanmar, Palestine, Syrie, Ukraine) dont le travail est marqué ou informé par l’expérience de l’exil, du déchirement entre ici et ailleurs, entre passé et présent. Leurs pratiques convoquent savoir-faire ancestraux et technologies contemporaines, gestes humbles et matériaux pauvres. Il s’agit de rendre hommage à la nécessité vitale et à l’intensité de la création artistique à travers des récits fragmentés croisant déplacement, emprisonnement, guerre, mais aussi résilience et réparation.”
Publicité
“Les œuvres textiles multimédia de Chloé Bensahel sont des organismes vivants qui portent des fragments d’histoires complexes. Dans un langage de la trace et du code, elles nous racontent à travers matières tissées intelligentes, vêtements brodés, textes, activation corporelle et chant, leurs expériences de migration, faites d’hybridation culturelle et de résilience face au rejet et à la stigmatisation. Inspirée par sa propre histoire familiale diasporique méditerranéenne (Algérie, Maroc, Catalogne, France, États-Unis), qu’elle évoque notamment dans sa performance Body Memory (2021), l’artiste puise également dans les histoires de déracinement et d’enracinement dans le monde botanique comme allégorie de notre monde humain.
Pour sa première exposition personnelle au Palais de Tokyo, Chloé Bensahel crée une installation interactive composée de trois nouvelles tapisseries de sa série The Transplants (2021). Réalisées avec des matériaux végétaux, et notamment des plantes exotiques et invasives comme le lin, le mûrier, ou l’ortie, ses œuvres permettent d’imaginer comment l’histoire d’un territoire dans sa relation à l’hospitalité de corps étrangers se raconte aussi par les plantes. Hybrides, les créations textiles multimédia de Chloé Bensahel sont également ‘cyborg’, pour citer la philosophe Donna Haraway et sa lecture féministe du potentiel émancipateur des technologies.
Publicité
L’artiste mêle techniques traditionnelles de tissage français et nouvelles technologies, grâce auxquelles elle programme la capacité de ces tapisseries à chanter. Au contact du toucher du public, elles s’activent, s’illuminent et entonnent ici un chant byzantin interprété par la chorale La Tempête, avec laquelle Chloé Bensahel a collaboré pour cette exposition. Le chant et le toucher réveillent la mélancolie et la gloire de ces vécus transplantés, et nous invitent à plus d’écoute, d’empathie et de reconnaissance à l’égard de ce que nous percevons péjorativement comme Autre car trop étranger à nous-mêmes.”
Jusqu’au 30 juin 2024.
“La France sous leurs yeux”, à la BnF, à Paris
“La Bibliothèque nationale de France consacre une grande exposition aux travaux des 200 photographes, collaborateur·rice·s régulier·ère·s de la presse nationale et internationale, missionné·e·s par le ministère de la Culture en 2021 pour établir un panorama de la France au sortir de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19. À travers une sélection de plus de 400 clichés, cette exposition souligne la variété des approches choisies par les 200 lauréat·e·s, et raconte ainsi la France des années 2020. Son ampleur marquera l’histoire du photojournalisme.“
Jusqu’au 23 juin 2024.
“Paolo Roversi”, au Palais Galliera, à Paris
“L’exposition Paolo Roversi au Palais Galliera dévoile cinquante ans de photographies, et révèle comment l’artiste s’est emparé de la mode pour créer une œuvre unique. Il s’agit de la première monographie consacrée au photographe à Paris. D’origine italienne, Paolo Roversi s’installe à Paris en 1973. Depuis, il travaille pour des magazines prestigieux comme Vogue. Sa carrière est marquée par sa collaboration avec les plus grands créateurs de mode, notamment Yohji Yamamoto, Romeo Gigli, Rei Kawakubo pour Comme des Garçons.
Dès ses années d’apprentissage, le choix du studio, de la chambre grand format et du Polaroid, définissent la manière de travailler et l’esthétique du photographe qui s’adapte au numérique avec succès. Sa signature est reconnaissable entre toutes : tonalités douces et sépia des noir et blanc à la lumière du jour, densité et profondeur des couleurs à la lumière de la lampe torche. Au fil des années, Paolo Roversi cherche, invente son propre langage photographique, accueillant les hasards et les accidents comme des opportunités de se renouveler.
Les plus grand·e·s mannequins sont passé·e·s devant son objectif, posant toujours avec simplicité ; leur présence est intense. Chacune de ses photographies de mode est un portrait. Paolo Roversi se tient à la fois au cœur du système et à distance, loin des courants éphémères de la mode. À la recherche de la beauté, il construit une œuvre singulière sur laquelle le temps n’a pas prise. Cette exposition, qui réunit 140 œuvres dont des images inédites, des tirages Polaroid, des archives, dévoile le parcours professionnel et artistique d’un photographe de mode exceptionnel. Entraînant le public de l’ombre vers la lumière, la scénographie fait du Palais Galliera le studio de l’artiste, un espace imaginaire, le théâtre de tous les possibles.”
Jusqu’au 14 juillet 2024.
“Mondes souterrains”, au Louvre-Lens
“Que se passe-t-il sous terre ? À quoi ressemblent ces mondes qui nourrissent nos imaginaires depuis la nuit des temps ? En réponse à nos questionnements que suscitent toutes les formes de vie sous terre, réelles ou rêvées, l’exposition propose une exploration sensible de ces mondes souterrains. Tour à tour effrayants et inspirants, ils sont souvent le miroir de nos sociétés et de l’âme humaine. Des profondeurs obscures aux mondes mythiques, jusqu’aux univers foisonnants des contre-cultures, la réalité des sous-sols est multiple.
Ces 20 000 lieux sous la terre, explorés par les spéléologues, les mineurs ou les usager·ère·s du métro, passionnent tout autant la littérature et le cinéma, de Dante à Quentin Tarantino. Dans un parcours de plus de 200 œuvres ouvert aux arts de toutes époques et civilisations, des gravures de Gustave Doré aux sculptures poétiques d’Éva Jospin, l’exposition invite à un fabuleux voyage, de l’ombre vers la lumière.”
Jusqu’au 22 juillet 2024.
Bonus : le Grand Bal Masqué du Château de Versailles, à Paris
“Pour sa douzième édition, Le Grand Bal Masqué du Château de Versailles se réinvente et vous invite à découvrir les richesses des royautés du monde. Sous la direction artistique du chorégraphe Aziz Baki, danseur·se·s, performeur·se·s et artistes vous feront vivre une soirée inédite, totalement fantasque, où tout devient possible.
Un événement d’exception placé sous la thématique de la célébration des richesses, des coutumes et des traditions royales du monde entier. Revêtez votre plus beau costume baroque et votre indispensable masque pour une soirée clubbing hors du commun et dansez jusqu’au bout de la nuit, de l’Orangerie jusqu’au Bosquet de la Salle de Bal pour un after inoubliable.”
Samedi 8 juin.