Des œuvres de la célèbre sculptrice polonaise Magdalena Abakanowicz ont été mises aux enchères à Varsovie, parmi lesquelles des figures hantées sans tête ayant appartenu à l’acteur états-unien Robin Williams, des textiles mystérieux ou des portraits ressemblant à des masques. Nées du traumatisme et de l’impuissance de la Seconde Guerre mondiale, ces œuvres sont d’une actualité brûlante dans le contexte des conflits actuels, estiment les organisateur·rice·s de l’exposition et de la vente aux enchères.
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“Abakanowicz n’impose pas de récit. Cela a un effet thérapeutique car cela vous permet de vous confronter à l’œuvre par vous-même”, a déclaré à l’AFP Wiktor Komorowski, commissaire de l’exposition qui se tient à la maison de vente aux enchères Desa Unicum à Varsovie. “C’est très actuel aujourd’hui, alors que nous attendons un changement et une résolution de certaines situations”, a-t-il déclaré à l’AFP, se référant aux conflits en Ukraine et à Gaza. La pièce maîtresse de l’exposition, Caminando, est un groupe de vingt personnages en bronze creux, grandeur nature, sans tête, ni bras ni sexe, qui avancent tous d’un pas.
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Ces clones anonymes ont auparavant appartenu au comédien Robin Williams décédé en 2014 et se trouvaient dans son jardin. Lors d’une vente précédente, ils ont été vendus pour plus de 8 millions de zlotys, soit deux millions de dollars. Selon Mme Abakanowicz, morte en 2017, ces imposantes masses dépourvues de tête provenaient de la “conviction que l’art n’est pas une décoration mais une confession, une confrontation, un avertissement”. “La conscience terrifiante de la foule qui, tel un organisme sans tête, détruit ou vénère sur commande”, a-t-elle ajouté faisant allusion à son expérience personnelle.
Née en 1930, l’artiste a vécu l’invasion de la Pologne par l’Allemagne nazie, le bombardement de Varsovie et le stalinisme. Elle n’avait que 9 ans lorsqu’elle a vu sa mère perdre une main sous les obus allemands. Pour Renata Blazniak-Kuczynska, une admiratrice d’Abakanowicz qui a bravé la neige pour voir la collection, ces silhouettes sans tête qui défilent sont inquiétantes, mais au final optimistes. “Pour moi, elles disent : ‘je suis un témoin de l’histoire, je vais de l’avant'”, a déclaré à l’AFP cette architecte d’intérieur de 49 ans. “Quoi qu’il arrive, il faut se relever et se concentrer sur la suite, sur ce que je peux faire, ce que je contrôle, n’est-ce pas ?” Outre ces figures sans tête, dont Abakanowicz a réalisé plus de 1 000 exemplaires, Desa Unicum met également aux enchères des œuvres plus rares de l’artiste. Il s’agit notamment de peintures et de pièces tissées appelées Abakans, dont quelques-unes n’ont jamais été exposées auparavant.
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