Face aux bombardements détruisant leur pays et tuant leurs compatriotes, leurs ami·e·s et leurs voisin·e·s de Palestine, la diaspora libanaise s’est retrouvée de nouveau bien impuissante. Afin d’essayer d’apporter une aide concrète aux victimes des bombes israéliennes, un collectif de photographes a mis en place une vente de tirages à prix réduits dont les bénéfices seront reversés, via l’organisation Mon Liban d’Azur, aux déplacé·e·s au Liban : “C’est un quart de la population, c’est énorme”, précise Yasmine Chemali, directrice du Centre de la photographie de Mougins et conservatrice à l’origine de la vente Photographers for Lebanon, que nous avons rencontrée.
Publicité
Publicité
Konbini | Bonjour Yasmine, peux-tu nous expliquer comment est né le projet Photographers for Lebanon ?
Yasmine Chemali | Cela faisait un an qu’on s’attendait à ces bombardements au Liban, que cela allait suivre Gaza. On [la diaspora franco-libanaise, ndlr] est tous présent·e·s sur les réseaux sociaux, on se suit. […] Au mois de septembre, lors des bombardements israéliens, notamment au moment des bombardements sur Dahieh, quand la guerre est entrée dans les esprits, on a gelé, on n’était plus capables de réfléchir, de sourire. On était assez abattu·e·s, avec toujours la même colère en toile de fond – je dis “on” parce que c’est un sentiment commun à beaucoup de Libanais·es, aux Franco-Libanais·es.
Publicité
On savait que la situation allait durer, la société civile s’est organisée – comme d’habitude, elle porte tout sur son dos –, donc nous, à distance, on s’est demandé ce qu’on pouvait faire. J’ai été contactée par une photographe qui me suivait, Emma Zahouani Burlet, qui m’a dit qu’elle voulait lancer une vente en ligne pour rassembler de l’argent. J’en ai parlé avec Randa Mirza et Lara Tabet, deux photographes libanaises, et on a monté un groupe de réflexion.
Qui sont les photographes sélectionné·e·s ?
Publicité
On a cherché des photographes avec des sensibilités différentes pour proposer des œuvres variées. L’idée était qu’ils offrent une image chacun, de maximum 20 centimètres sur 30 pour que ça rentre dans une enveloppe cartonnée. Là, on s’est limitées à une centaine de photographes, mais il y a eu un vrai élan de générosité, on a des artistes sur liste d’attente encore. Les photographes en question n’ont pas forcément de lien direct avec le Liban même s’il y en a beaucoup qui sont venu·e·s au Liban parce que c’est un pays qui a toujours été une terre d’accueil, et une terre d’accueil artistique. On leur a laissé le champ complètement libre concernant le choix de leur image.
Que signifie pour vous cette vente ?
Publicité
Au sein de la diaspora, on a tous des discours qui vont dans le même sens : on est muselé·e·s depuis plus d’un an. Personnellement, j’ai très mal vécu le fait de ne pas avoir le droit de parler de ce qui se passe à Gaza. Ça rend schizophrène d’essayer de concilier vie sociale et personnelle, comme si tout allait bien, face à ce qui se passe vraiment. Ce projet nous apaise un peu parce qu’on essaie de faire quelque chose qui a du sens. C’est une petite goutte mais on essaie d’être utile et ça fait du bien, d’un point de vue égoïste. Être engagé·e au sein d’une communauté, c’est essentiel. Ça permet de se rassurer sur notre humanité. Ce qui se passe actuellement, c’est quasiment irréel. Tout ce qu’on voit, c’est atroce, et tout ça se déroule sous nos yeux. On vit un conflit, un massacre à distance, le mot génocide a évidemment tout son sens, ce n’est pas un mot que je vais barrer de mon langage. On se doit d’être engagé·e.
Publicité
La vente de Photographers for Lebanon est ouverte jusqu’au 25 novembre 2024.