En 1999 sortait le premier volet de Matrix, réalisé par un duo encore inconnu, mettant en scène Keanu Reeves et Carrie-Anne Moss, de nouveaux modèles de héros et d’héroïnes à Hollywood ainsi qu’une inversion des rôles genrés à l’écran, dans un film qui changera à jamais la face du cinéma d’action.
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Avec “De ‘Matrix’ à ‘Sense8’, la révolution Wachowski”, disponible en replay sur France.tv Slash jusqu’au 28 décembre 2024, le réalisateur Thibaut Sève propose un décryptage de l’œuvre artistique et de la carrière révolutionnaire de Lana et Lilly Wachowski grâce à des témoignages et à des images d’archives de leurs rares apparitions médiatiques.
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Créatrices transgenres — elles ont respectivement fait leur coming out trans en 2012 et en 2016 — Lana et Lilly Wachowski ont questionné les identités de genre et proposé une imagerie LGBTQIA+ nouvelle à l’écran, faisant figure d’exception et de véritables failles dans la matrice du cinéma américain. Grâce à leur regard visionnaire et à leur sens de l’expérimentation, elles ont piraté le système de l’intérieur et mené une carrière hors du commun.
Si leur talent fut évident dès leur premier scénario, acheté par Hollywood, leur subversion antisystème effraie les studios qui en confiront la réalisation à des cinéastes plus mainstream qui en dénatureront le fond. Les sœurs Wachowski passeront par la suite derrière la caméra pour garder la mainmise sur leurs scénarios et inscrire leurs idées révolutionnaires à Hollywood. C’est ainsi qu’elles réaliseront Bound, leur premier long-métrage sorti en 1996, mettant en scène un couple de femmes lesbiennes et gangsters et un des premiers films à représenter le sexe saphique à l’écran que les sœurs tourneront en plan-séquence afin que la scène ne puisse pas être découpée et dénaturée par les studios.
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Grâce au succès de Bound en festival, elles bénéficieront d’un budget dix fois supérieur pour réaliser Matrix, d’abord analysé par le prisme du danger que constituent les nouvelles technologies, mais regorgeant en réalité de sujets sociétaux et politiques en son cœur plus profond, calquant notamment son récit sur l’histoire la communauté noire aux États-Unis. Si la question frontale de la transidentité a été refusée par Warner, leur trilogie est aujourd’hui revisitée par ce prisme de lecture et vingt ans après la sortie du premier opus, les Wachowski confirmeront que Matrix était bel et bien allégorie de la transidentité.
Mal à l’aise face aux médias, les deux sœurs changeront une nouvelle fois les règles de la machine hollywoodienne et déserteront l’espace médiatique après la sortie du second volet de Matrix, refusant de faire la promotion de leurs films auprès de la presse et d’apparaître dans les festivals, même les plus prestigieux, laissant ainsi aux fans le loisir de s’approprier leurs récits.
Avec Speed Racer, gros échec commercial qui repoussait les limites visuelles, et Cloud Atlas, une fresque au croisement du commercial et de l’artistique réalisée avec des acteurs stars qui attireront les financiers, elles seront une nouvelle fois les seules à faire le pont entre un cinéma bis qui réinvente le médium et l’industrie hollywoodienne qui impose ses codes moraux et visuels.
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Lâchées par les studios traditionnels, elles seront recrutées, en 2016, par un nouveau venu dans le paysage cinématographique : Netflix, pour le compte duquel elles réaliseront Sense8, dont le tournage débutera au lendemain du massacre d’Orlando, la plus grande tuerie de masse visant des personnes LGBTQIA+ de l’histoire des États-Unis. Avec cette œuvre de la maturité trans, étendard de la convergence des luttes qui leur permet de rester en phase avec la jeune génération, elles vont sortir de leur silence pour embrasser leur rôle de porte-parole de la cause trans. Mais Netflix annulera la série à la fin de la saison 2 pour des raisons budgétaires et les Wachowski fermeront alors leurs bureaux à Chicago pour se retirer de l’industrie.
Elles y reviendront séparément, Lilly en tant que scénariste sur la série Work in Progress, Lana en tant que réalisatrice d’un inattendu quatrième volet de Matrix en 2021, s’engageant cette fois-ci derrière la caméra en militant pour des équipes techniques avec davantage de diversité et d’inclusivité, continuant ainsi d’ouvrir des portes. Les deux sœurs, aussi intransigeantes dans leurs combats sociétaux que dans leur esthétique expérimentale, sont une heureuse anomalie hollywoodienne qu’il est temps de redécouvrir grâce à ce passionnant documentaire.