Dans le 7e arrondissement parisien, Roxane Mesquida et Sophie Levy présentent leur première collaboration, dans l’intimité d’une petite salle de cinéma d’art et d’essais en cette soirée d’octobre. L’assemblée vient de découvrir Méduse, premier long-métrage de la réalisatrice. Ce dernier, tourné en 24 jours il y a trois ans, a été malheureusement grièvement blessé par la pandémie. Un retard couplé d’un embouteillage de films à distribuer — alors même qu’il a été récompensé par une quarantaine de prix lors de festivals à travers le monde
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Finalement, le grand écran a pu accueillir Méduse. Un huis clos tout en tension entre deux sœurs qui cherchent comment s’aimer et se détester. Clémence, la cadette, interprétée par Anamaria Vartolomei, souffre d’un handicap physique qui la confine dans l’immense maison familiale où elle vit seule avec sa sœur aînée Romane, interprétée par Roxane Mesquida.
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Chacune cherche à s’émanciper de l’autre, surtout quand arrive Guillaume (Arnaud Valois), un pompier amoureux de Romane qui s’impose la mission d’aider Clémence à réduire son handicap, piquant à vif la jalousie de sa sœur, jusqu’à l’implosion.
Un film intime, paranoïaque et envoûtant porté par ses deux actrices.
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“Dès mes cinq ans, on m’a dit que je ressemblais à Romy Schneider“
“Les personnages torturés ou pas très sympathiques seront toujours ceux que j’ai envie de jouer”, explique Roxane aux spectateurs, avant de continuer :
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“Je ne trouve pas l’inverse intéressant. Jouer quelqu’un qui sombre dans la folie et la jalousie me donne envie. Mais la raison principale pour laquelle j’ai fait ce film, c’est Sophie, j’aurais dit oui à n’importe quoi venant d’elle. Il y a des réalisateurs qui forcent les choses et qui ne se laissent pas aller avec les émotions qui arrivent. Avec Sophie, c’est l’inverse.
Déjà ce n’était pas démesurément intellectuel, on n’a pas parlé du personnage pendant trois heures. C’était une ambiance hypnotisante, un cadre de travail très particulier où toute l’équipe était en symbiose.”
Sophie Levy a rencontré sa muse il y a plus de dix ans. Elle lui avait envoyé sa première idée de scénario dans l’espoir qu’elle accepte de jouer un des rôles. Si ce premier film n’a finalement jamais vu le jour, une amitié nourrie d’admiration est née entre les deux femmes.
Fasciner les réalisateurs, c’est ce qui a forgé la carrière de Roxane Mesquida, dont le regard profond et magnétique envoûte une salle en un regard. Elle a 13 ans quand elle est repérée par Manuel Pradal qui prépare le film Marie Baie des Anges, alors qu’elle se balade avec sa mère dans son village du Sud de la France. En un casting réalisé sur le bord de la route, Roxane est embauchée. Pourtant loin d’elle l’idée d’être actrice, au contraire.
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“Dès mes cinq ans on m’a dit que je ressemblais à Romy Schneider”, raconte-t-elle dans un documentaire diffusé sur feu TF6 en 2010. “Étrangement, à tous mes anniversaires, on m’offrait des livres sur sa vie, dont je connaissais, du coup, la fin tragique. Je croyais que toutes les actrices se suicidaient, je me disais que ça devait être un métier horrible.”
Une filmographie à part
Aujourd’hui âgée de 41 ans, Roxane, prénommée ainsi par ses parents en hommage à la chanson de The Police, a passé le tiers de sa vie sur les plateaux de tournage, de Gossip Girl à Kaboom!, en passant par ceux des films de Quentin Dupieux, Alexandra Cassavetes et Kim Chapiron.
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Cette filmographie décousue, radicale, intrigante et riche, Roxane la doit d’abord à une rencontre : celle avec la réalisatrice Catherine Breillat à la fin des années 1990, autrice de plusieurs films très sulfureux, comme Romance, avec Rocco Siffredi. Mais ne dites pas ce mot à Roxane, qui a collaboré trois fois avec elle durant les années 2000, dans À ma sœur!, Sex Is Comedy et Une vieille maîtresse.
Dans chaque film, tous dérangeant à leur manière, Roxane tourne une scène où elle se fait dépuceler. Un autre genre de cinéma de coming of age. Pas trop difficile ? “La difficulté est dans l’ennui”, confie-t-elle en interview en 2008,“pas du tout dans l’interprétation d’un personnage, surtout quand on travaille avec Catherine”.
Roxane fait une confiance absolue à Catherine Breillat, que la critique française juge très controversée à l’époque. Encore aujourd’hui, l’actrice en parle pourtant avec passion quand un spectateur lui parle de ces films vieux de 20 ans :
“Catherine ne forçait pas le déroulé d’une scène. Parfois en tournant, des choses qu’elles n’avaient pas écrites sortaient naturellement et elle les gardait.”
La réalisatrice lui donnera un conseil quasi prémonitoire : “faire un film avec moi, ce n’est pas un plus mais un moins. Apprends l’anglais et va aux US, là-bas ils vont t’aimer“. C’est exactement ce qui est arrivé.
À peine débarquée à Los Angeles, Roxane rencontre un réalisateur avec qui elle rêve de tourner, Gregg Araki. Il lui offre le rôle de Lorelei dans le délirant Kaboom!. Pas mal comme premier projet Outre-Atlantique pour la jeune Française.
Mais c’est avec Gossip Girl que la carrière de Roxane Mesquida prend un tournant populaire et complètement nouveau. En quelques épisodes où elle interprète un membre fictif de la famille royale de Monaco, elle devient la Frenchie qui vit le rêve américain aux yeux des Français, comme elle l’expliquait, toujours à TF6 :
“Comme il n’y avait pas de cinéma dans mon village, je regardais beaucoup de séries TV enfant, j’étais obsédée par ça. Tourner dans une série, c’était un rêve.”
Ce sera sa seule parenthèse aussi grand public, mais pas des moindres puisque aujourd’hui encore, on lui parle de la série. Après avoir joué une princesse monégasque, Roxane s’installe définitivement à Los Angeles où elle vit un temps dans l’ancienne résidence de Charlie Chaplin. Elle alterne entre films français et productions américaines et collabore une deuxième fois avec Gregg Araki pour la série déjantée Now Apocalypse, quand elle ne travaille pas avec Quentin Dupieux (on a pu la voir dans Rubber, Wrong Cops et Réalité).
Complètement libre, imprévisible et décomplexée dans ses choix de rôle, Roxane Mesquida est surtout une amoureuse du cinéma, adepte de l’application pour cinéphiles Letterboxd, à tel point qu’elle offre un petit scoop aux spectateurs du cinéma Reflet Médicis en cette douce soirée d’octobre : elle a écrit un scénario.
“Je fais ce métier depuis 28 ans et j’ai récemment réalisé que j’enviais plus les réalisateurs que les autres acteurs. Avec ce retour en France, j’espère pouvoir porter mon projet de film… et en tourner ici, car le cinéma français m’a énormément manqué.”