En mai dernier, le comité de sélection du festival de Cannes repêchait in extremis Le retour de Catherine Corsini pour le faire concourir en compétition officielle, et ce malgré des accusations concernant ses conditions de tournage. Selon les informations de Mediapart, le parquet de Paris a ouvert une enquête après une plainte pour “agression sexuelle” à l’égard d’un coordinateur de cascades. Le média a décidé d’enquêter pour retracer l’histoire de ce tournage.
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Deux signalements de violences sexuelles
À l’automne dernier, alors que le tournage du film est encore en cours en Corse, le CCHSCT Cinéma (Comité central d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la production cinématographique) décide d’ouvrir une enquête en raison de “plusieurs remontées d’informations faisant état de situations de travail susceptibles d’avoir un effet sur l’état de santé des salariés”. Selon Valérie Lépine-Karnik, présidente du CCHSCT, c’est “la première fois qu’une investigation de ce type est menée par le CCHSCT”.
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En cause, deux signalements décrivant des faits pouvant être considérés comme des violences sexuelles de la part d’un cascadeur sur deux actrices, dont une mineure. Les deux jeunes femmes dénoncent “des mains sur le bas [du] dos, à plusieurs reprises, et une fois la main sur [les] fesse[s]“ et “des comportements de frotteur du métro”.
La production a procédé à une enquête interne et a conclu à la non-nécessité de prendre des sanctions à l’encontre du cascadeur. L’une des deux actrices sera limogée et se verra proposer 2 500 euros de dommages-intérêts pour réparer le “préjudice moral” en l’échange de ne “rédiger aucun témoignage visant à être produit en justice”, à “n’avoir aucun propos visant à dénigrer le film” ni “aucun propos diffamatoire concernant la personne de Catherine Corsini”. Elle ne signera pas le document et déposera une plainte pour agression sexuelle au parquet de Paris.
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Un conflit de générations
Le parquet de Paris a également ouvert l’enquête concernant le tournage du Retour en raison d’un signalement du Centre national du cinéma (CNC) concernant une scène de masturbation simulée impliquant une actrice mineure qui n’a pas été déclarée à la commission des enfants du spectacle comme l’exige la loi. Le CNC a décidé de supprimer l’avance sur recettes du long-métrage. De son côté, Catherine Corsini a expliqué à Mediapart que la version jouée ne figurait pas au scénario car elle a été “décidée en fin de tournage”.
Mais outre ces faits passibles de poursuites, l’enquête de Mediapart révèle également des conditions de tournage “horribles” et “chaotiques”, des “comportements inappropriés [de la part] de la réalisatrice” et des départs de techniciens en série. Face à ces accusations, la réalisatrice reconnaît un tempérament “vif” et “intense” mais déplore une “nouvelle génération [qui] n’a plus la même énergie, la même envie que les ‘anciens’, une jeunesse ‘plus assez punk’ mais plutôt à cheval sur des principes ou des horaires”.
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Dans cette affaire, Mediapart pointe également un dilemme moral pour les membres de l’équipe qui ont hésité ou refusé de témoigner en raison de la notoriété de la réalisatrice et de son engagement féministe dans une industrie encore très masculine. Mais surtout, elle illustre parfaitement ce “conflit de générations et ce désaccord profond sur l’industrie du cinéma”.
Avant la projection officielle de son film au festival de Cannes, la réalisatrice Monia Chokri avait elle aussi choisi d’évoquer cette question dans un discours puissant — et plus que bienvenu — qui dénonçait “une espèce de violence” dans les rapports humains dans le cinéma, particulièrement français, ainsi que “la mythologie du fameux génie, cette notion de distinction entre l’œuvre et l’individu” et “les humiliations, les dénigrements, les colères qu’une personne ordinaire ne peut pas se permettre”.