Au cours du Festival du cinéma américain de Deauville, Konbini vous fait part de ses coups de cœur.
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C’est quoi ?
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Une seule image avait été dévoilée. Une seule image où l’on voyait Riz Ahmed, les cheveux blonds, une paire de baguettes à la main, torse nu, le regard interrogateur, derrière une batterie. Depuis le moyen City of Tiny Lights, c’est la première fois que l’acteur britannique se retrouve en tête d’affiche d’un long-métrage, passé entre temps par une collaboration avec Jacques Audiard (Les Frères Sisters), deux énormes blockbusters (Rogue One ainsi que Venom) et surtout un rôle titre dans la géniale série HBO The Night Of. Le voilà de retour avec Sound of Metal, présenté en compétition au festival de Deauville.
Quand on pense à la dernière grande évocation d’un batteur au cinéma, Whiplash de Damien Chazelle émerge logiquement. Si une certaine violence peut lier les deux longs-métrages, elle est ici différente dans sa formulation : dans Whiplash, elle est avant tout humaine, tant le personnage incarné par Miles Teller est soumis au diktat d’un chef d’orchestre sadique (J.K. Simmons) dans un environnement musical ultra-concurrentiel, où la moindre faute de tempo peut tuer votre carrière de batteur de jazz.
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Dans Sound of Metal, le milieu est différent : Ruben fait partie d’un groupe avec Lou (incarnée par Olivia Cooke, déjà vue notamment dans Katie Says Goodbye ou Ready Player One). Elle est chanteuse, guitariste et surtout sa partenaire dans la vie depuis quatre ans. Lui, il est batteur et ancien toxicomane.
Ils traversent les États-Unis avec leur maison sur roues, enchaînant les concerts dans des petites salles. Jusqu’au jour où tout s’effondre : Ruben souffre soudainement d’une forte perte auditive, lui empêchant d’entendre. En quelques minutes, la nuance de sons laisse place à des bourdonnements insatiables, amenés par un long larsen devenu acouphènes.
Aidé par Lou, il est rapidement pris en charge par une petite communauté religieuse dont les membres sont sourds et anciens toxicomanes. À sa tête, Joe (l’extraordinaire Paul Raci), un ancien vétéran qui a perdu l’ouïe lors de la guerre du Vietnam.
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À la baguette de ce film, Darius Marder, dont la carrière l’a vu être l’assistant réalisateur de The Place Beyond the Pines, le long-métrage de Derek Cianfrance – qui a notamment pour point commun la promotion d’un acteur principal, ici nommé Ryan Gosling, dont la chevelure a tiré vers le blond option tatouages sur tout le corps.
Mais c’est bien ?
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Avec un terreau scénaristique pareil, le cinéaste, dont c’est le premier film, aurait pu tomber dans de nombreux pièges. Celui d’un film sentimental où l’amour entre Ruben et Lou aurait été le principal arc narratif. Celui d’un film qui aurait témoigné de la descente aux enfers d’un ancien musicien toxicomane devenu sourd, comme pour mieux cocher des cases dramatiques, à travers une victime qui ne s’en sort pas.
Le cinéaste évite au contraire la violence de ces sentiments pour suivre le parcours d’un Riz Ahmed qui impressionne, incarnant progressivement un Ruben résilient et en proie à un mal qui ronge non seulement ses oreilles mais sa psychologie, celle d’un homme tiraillé par ses envies, sa détresse et ses difficultés à se maîtriser.
La particularité de Sound of Metal, c’est le plongeon que fait le spectateur avec Ruben. Si on le suit évoluer dans les rues, tenter d’expliquer ses symptômes dans une pharmacie ou se remettre à fumer, Darius Marder réussit à ce qu’on ressente un minimum ses sensations, grâce à un travail intelligent sur le son réalisé par Nicolas Becker.
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En lieu et place d’une bande-originale qui aurait guidé manuellement le spectateur, le cinéaste fait le choix de moduler les perceptions sonores ténues de son personnage principal pour mieux entrer dans sa tête. Si l’expérience est encore plus forte, s’approchant au plus près des pensées du personnage qu’on essaye de deviner à travers le visage de Riz Ahmed sur lequel la caméra s’appesantit, elle est sublimée par des personnages secondaires forts, que ce soient Lou (Olivia Cooke), Joe (Paul Raci) ou encore le Français Mathieu Amalric, qui incarne avec justesse le père de Lou.
En résulte un long-métrage poignant qui, et c’est très rare, met la lumière sur les sourds et les malentendants. On pense immédiatement à l’épisode “New York I Love You” dans la série Master of None d’Aziz Ansari, suivant trois personnages dont Maya, une jeune femme sourde, avec un point de vue inédit : le son est coupé pour mieux se mettre à sa place. Comme dans cet épisode, Sound of Metal est une humanisation sublime d’une communauté méconnue. À travers elle, Riz Ahmed prend aux tripes.
Qu’est-ce qu’on retient ?
L’acteur qui tire son épingle du jeu : Riz Ahmed.
La principale qualité : une proposition sonore intelligente.
Le principal défaut : on cherche encore.
Un film que vous plaira si vous avez aimé : plutôt une série, avec l’épisode “New York I Love You” dans la deuxième saison de Master of None.
Ça aurait pu s’appeler : The Place Beyond The Ears.
La quote pour résumer le film : “Riz Ahmed est impressionnant”