Au cours du Festival de Cannes, Konbini vous fait part de ses coups de cœur.
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Fumer fait tousser, c’est quoi ?
Il existe des cinéastes capables de pondre des films plus vite que leur ombre. De Woody Allen à Éric Rohmer en passant par Takashi Miike, chacun avec un style bien à lui, on connaît des réalisateur·rice·s aimant enchaîner les productions sans attendre. Quentin Dupieux en fait bien évidemment partie. Depuis 2018, il a pondu cinq longs-métrages – rien que ça.
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Tandis que l’on attend en salles Incroyable mais vrai pour le 15 juin prochain, l’artiste présentait à Cannes un autre long-métrage : Fumer fait tousser. L’histoire d’un groupe de super-héros au pouvoir du tabac (oui, vous avez bien lu), incarnés par Anaïs Demoustier, Gilles Lellouche, Oulaya Amamra, Jean-Pascal Zadi et Vincent Lacoste.
Ces derniers sont envoyés en retraite par leur leadeuse, une souris qui bave doublée par Alain Chabat, pour ressouder le groupe. Sur place, chacun va raconter des histoires… On va essayer de ne pas en raconter le contenu, qui constitue la force du film, mais disons qu’on y croise Grégoire Ludig, Doria Tillier, Adèle Exarchopoulos, Jérôme Niel, Blanche Gardin, Raphaël Quenard ou encore un poisson…
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Pourquoi c’est bien ?
Souvent, dit-on des films de Dupieux, ils sont “petits”. Parfois dans un sens plutôt mauvais et valorisant peu son travail, comprendre des films “mineurs”. Parfois pour souligner l’attrait du réalisateur pour les récits courts (ses derniers projets ne dépassaient pas 1 h 20), avec des postulats forts qui se résolvent plus vite qu’on ne le pense. Ce qui peut désarçonner, décevoir ou surprendre, justement.
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Fumer fait tousser est la quintessence de ce deuxième aspect du cinéma de Dupieux. Épousant frontalement son amour pour les courts-métrages, le réalisateur inclut, avec ces histoires d’horreur, trois petits films dans le grand. Parfois les interrompant pour revenir dans le récit initial, parfois en laissant le spectateur quinze minutes sans les protagonistes. Et cela lui réussit, évidemment. Le ton n’est pas que juste, il est équilibré, et Dupieux sait donner l’épaisseur nécessaire aux personnages quand il faut, et s’arrêter quand il faut.
Ce geste accompagne l’autre évidence du film : Fumer fait tousser est une vraie fausse déclaration d’amour à la télévision des années 1980. Car si les super-héros semblent tout droits sortis d’un sentai type Power Rangers (les costumes, l’attitude, la tronche des méchants tout en plastique), l’aspect histoires d’horreur autour du feu rappelle Les Contes de la crypte. Sans parler de la souris Chabat, évoquant fortement Téléchat de Roland Topor.
L’intelligence de Dupieux est, pour une fois, d’essayer de profiter de ce contexte de conte grotesque rétro-futuriste pour raconter quelque chose de notre époque. L’écologie, le fait de ne pas assez s’écouter (surtout quand on est une femme), le féminisme, la volonté vaine de revenir à un temps où tout était mieux… Pessimiste ? Absolument. Le seul moyen de s’évader du quotidien est l’horreur des récits autour du feu. Et la fin, tournant en boucle, en demeure la preuve ultime.
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Difficile de tout résumer sans vous gâcher le plaisir, mais il y a beaucoup de choses qui se dégagent ce long-métrage, qui est peut-être le meilleur de la lancée made in France de Dupieux depuis 2018. Et ce n’est pas rien. Fumer fait tousser n’est pas qu’excessivement drôle, il est surtout beaucoup plus malin qu’il n’y paraît, voire assez mélancolique.
On retient quoi ?
L’acteur·rice qui tire son épingle du jeu : difficile à dire, mais on ne peut qu’adorer Gilles Lellouche en faux Tony Stark
La principale qualité : l’intelligence de ce que veut raconter Dupieux, qui épouse la forme du récit
Le principal défaut : il faut aimer son cinéma pour apprécier le film
Un film que vous aimerez si vous avez aimé : les derniers films de Quentin Dupieux, tout simplement
Ça aurait pu s’appeler : Tales from the Tobacco Force
La quote pour résumer le film : “Comme quoi, les petites histoires de Quentin Dupieux peuvent être grandes”
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