Au cours du Festival de Cannes, Konbini vous fait part de ses coups de cœur.
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Men, c’est quoi ?
Alex Garland est un nom qui enchante les cinéphiles depuis presque deux décennies maintenant. Si l’on vous dit que c’est l’homme derrière certains scénarios de Danny Boyle comme Sunshine, 28 jours plus tard ou La Plage (trois pépites, vraiment), mais qu’il est également le papa du désormais culte Ex Machina, et du mésestimé Annihilation, cela devrait vous dire quelque chose. Une fois le personnage présenté, regardez le projet de plus près et vous comprendrez pourquoi l’attente était si haute.
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Men est donc sa troisième réalisation. Une production signée A24 (la boîte de prod la plus cool de la décennie, et dont les films se font de plus en plus rares dans les salles obscures francophones), avec la star montante Jessie Buckley, dans un film d’horreur claustrophobe qui raconte le séjour d’une femme venue s’isoler dans la campagne britannique suite à un événement traumatique, et qui va se trouver hantée par son passé.
Excité·e·s ? Vous avez raison.
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Pourquoi c’est bien ? (avec des petits spoilers, désolé)
Men prend par surprise le spectateur. Déjà parce qu’on pouvait s’attendre à un petit élément de SF par-ci, par-là — vu son auteur, cela aurait été logique. N’est présente qu’une angoisse fantastique, surréaliste, mais aussi plus minimaliste. Si l’on imagine que le film a été tourné pendant le Covid, on comprend alors un des éléments clés du film (c’est un spoiler en somme, notamment pour l’auteur de ces mots qui avait réussi à ne rien lire avant d’aller voir le film, mais c’est présenté dans le trailer, donc bon) : tous les hommes du village sont interprétés par Rory Kinnear.
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Si l’on regarde frontalement le film, un premier message semble évident : tous les hommes sont les mêmes. Littéralement. Métaphore d’une société patriarcale qui reproche aux femmes les mésactions des hommes – en l’occurrence ici, Jessie Buckley incarne une femme dont l’ex-mari, possessif et violent, meurt en voulant la rejoindre (ou se suicide, on ne saura jamais). Et tous la font culpabiliser. Elle veut s’isoler pour s’éloigner de ces ressentiments, mais tous les hommes du village lui rebalancent ça en pleine poire. Les hommes, tous les mêmes.
La sensation d’étouffement que veut provoquer le scénario est entretenue par une mise en scène d’une maestria déconcertante. Aucun plan n’est fixe, il y a toujours un léger zoom ou dézoom ou décalage sur le côté du cadre, très lent, qui suffit à empêcher d’avoir un cadre stable. Tout est en mouvement, le spectateur n’est jamais tranquille. La construction du récit, où, au fil des craintes du personnage, nous est contée l’histoire personnelle de son couple, épouse parfaitement l’angoisse latente qui se fait de plus en plus intense.
Puis intervient le dernier tiers, quand l’horreur devient frontale et non plus latente. Le “home invasion” devient alors quelque chose de bien plus grand. Garland s’amuse à perdre son audience. À questionner l’origine du mal, à interroger la nature humaine et masculine, avant de lier le tout à l’ex-mari de Buckley – qui serait alors soit un homme comme les autres, soit la culmination de siècles de patriarcat. Le tout dans un body horror qui rendrait jaloux un David Cronenberg. Une fin qui va décontenancer, mais d’une audace folle, comme peu d’auteurs peuvent se le permettre, et qui risque de vous hanter un bon bout de temps.
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On retient quoi ?
L’actrice qui tire son épingle du jeu : Jessie Buckley
La principale qualité : un fond aussi puissant qui épouse autant la forme, toujours très impressionnant
Le principal défaut : il faut aimer la manière qu’a Garland d’écrire ses fins de scénarios, comprendre qu’il soulève des questions sans nécessairement y répondre
Un film que vous aimerez si vous avez aimé : Mother! de Darren Aronofsky, et le cinéma de Lars von Trier
Ça aurait pu s’appeler : Tous les mêmes (mais ça fait très comédie française, on vous l’accorde)
La quote pour résumer le film : “Un film angoissant et terriblement actuel”