Des centenaires du monde entier témoignent des leçons tirées de leur longue promenade à travers la vie.
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“Le secret de la longévité ? L’eau, le fromage et le vin !” ; “Comme les hommes ne sont pas tous bons, il ne faut pas se précipiter pour se marier” ; “Je ne mange pas de sucreries ; le plaisir que procure une dose de sucre est infime comparé au bonheur d’être en bonne santé” ; “Le secret ? Rire, rire et encore rire ! […] Sois actif, sors, fais la fête, danse, joue de la musique et embrasse la vie !”. Voici quelques-uns des conseils récoltés par la photographe Arianne Clément au fil de ses voyages à travers les “zones bleues”, “ces endroits qui sont réputés pour la vitalité et le bien-être de leurs aïeuls”, explicite-t-elle.
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L’artiste, qui se décrit comme une “photographe d’aînés”, a rencontré des centenaires vivant dans la péninsule de Nicoya, au Costa Rica ; dans l’archipel d’Okinawa, au Japon ; en Sardaigne, en Italie ; dans la communauté religieuse des adventistes du septième jour de Loma Linda, en Californie, et sur l’île d’Icarie en Grèce. Dans ces endroits, précise Arianne Clément, l’espérance de vie est “exceptionnellement longue, non pas parce que ces gens auraient gagné à la loterie de la génétique, mais plutôt en raison de leur mode de vie”.
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Les rencontres photographiques menées par l’artiste ont eu lieu entre 2017 et 2019. Elles revêtent une forme d’enquête bien qu’elles aient été effectuées de façons très différentes, note-t-elle : “Je suis restée au Costa Rica presque deux mois, ce qui m’a permis de passer beaucoup de temps avec mes modèles, de les voir plusieurs fois et de développer avec eux une profonde amitié. J’ai même habité quelque temps chez un centenaire qui avait proposé de m’héberger. À l’inverse, au Japon, j’ai dû faire appel à une interprète qui a organisé toutes mes rencontres avec les aînés. Le cadre était strict ; nous avions 50 minutes pour prendre les photos et faire une entrevue“.
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“Dans tous les cas”, insiste-t-elle, elle avait chevillée au cœur l’intention de “créer un lien sincère” en faisant “preuve de transparence quant à [ses] intentions” en démontrant au modèle “de l’intérêt pour son histoire” tout en transmettant “beaucoup de respect et de chaleur humaine”. Une fois sur place, Arianne Clément improvisait les séances, réalisées “en lumière naturelle en utilisant les éléments accessibles sur place (outils, accessoires, vêtements, etc.) à la manière de la photographie documentaire”.
Un projet intense
Ces deux années de rencontres ont profondément bouleversé la photographe et son mode de vie, qu’elle a changé assez dramatiquement, glisse-t-elle : “Ma famille et moi avons déménagé à la campagne sur un petit domaine surnommé ‘la petite zone bleue’. Nous tentons d’y mettre en pratique les enseignements des zones bleues ; nous avons adopté une diète essentiellement végétale, nous travaillons beaucoup à l’extérieur pour l’entretien de notre jardin et de notre terrain, nous tâchons de ralentir autant que possible pour profiter de la vie. Nous pratiquons plusieurs formes d’arts (musique, peinture, sculpture) et nous avons adopté la pratique d’une forme de shabbat non religieux pour nous ‘obliger’ à prendre une journée de repos par semaine. Plus que jamais, le message des aînés est précieux ; ceux-ci vous invitent à simplifier, à suivre le rythme de la nature, à prendre soin des autres, à cultiver la bienveillance et le contentement…”
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C’est pendant le confinement, alors qu’elle pensait à toutes les vieilles âmes rencontrées les trois années précédentes, qu’Arianne Clément a décidé d’exposer son travail sur les zones bleues, intitulé “Comment vivre 100 ans” près de chez elle, dans la région canadienne de Montérégie : “Alors que le monde était plongé dans un chaos sans pareil, je les imaginais là, mes aînés des zones bleues.” Les grands portraits en noir et blanc des centenaires sont présentés entre les arbres et les feuilles, dans une “majestueuse forêt primaire”.
La photographe jugeait crucial d’installer ses portraits dans la nature, afin d’honorer les paroles et conseil des seniors, mais aussi afin de “tenter un parallèle entre les derniers vestiges de forêt primaire en Montérégie – une région du Québec fortement transformée par l’agriculture et l’urbanisation – et les zones bleues, derniers vestiges de modes de vie menacés par la modernisation et les changements climatiques”.
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“Cela exprime également une inquiétude vis-à-vis des changements climatiques qui frappent la planète, incluant les zones bleues qui se situent sur des territoires menacés aujourd’hui par la hausse du niveau des océans, les canicules et les incendies de forêt qui en résultent. Par exemple, en juillet 2023, des records de chaleur ont été atteints en Sardaigne avec des températures de 48 degrés Celsius et de nombreux villages ont été évacués en Icarie à cause des incendies qui dévastent la région. Mes portraits sont confrontés aux aléas de la météo et aux intempéries, qui font en sorte que la dégradation à venir des œuvres prend également part au processus artistique de cette exposition.”
L’artiste considère son exposition comme “un tableau vivant” où “le regard que l’on porte sur les œuvres est différent suivant les heures, les jours et les saisons”.“Contrairement aux environnements stables et contrôlés des salles de musées, les photographies se retrouvent exposées à diverses luminosités, au vent, à la pluie, à la neige, au verglas, etc. Cet incessant changement de décor renvoie à l’impermanence de la vie et de la nature.”
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De quoi profiter du vent dans ses cheveux, du soleil sur sa peau, de la pluie sur son crâne, bref, de quoi profiter de tous les petits indices qui nous rappellent que nous sommes en vie face à des visages qui témoignent de leur longue balade à travers celle-ci.
L’exposition “Comment vivre jusqu’à 100 ans” est visible dans la forêt de Montérégie jusqu’à l’automne 2025. Vous pouvez retrouver le travail d’Arianne Clément sur son site et sur Instagram. Nous avions déjà parlé du travail de la photographe sur les sexualités des personnes âgées précédemment, avec ses sériesVieillir queeretL’Art de vieillir.