L’art, ce monde impitoyable… Comment devient-on artiste ? Comment infiltre-t-on le monde si fermé de l’art contemporain, des institutions muséales, des galeries chics du Marais ? Comment vit-on de son art et est-ce qu’on peut même vivre d’art et d’eau fraîche ? Face à ces questions déterminantes, que nous pose souvent notre jeune audience, on s’est dit qu’il serait bon de demander directement aux concernées, à des femmes qui ont “percé”, qui se sont fait une place dans un milieu élitiste et compétitif.
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Pour ce troisième article “Comment t’as percé ?”, Audrey Hoareau, curatrice et commissaire d’exposition indépendante (devenue entre-temps directrice du Centre régional de la photographie Hauts-de-France), a accepté de répondre à nos questions. Rencontre.
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Konbini ⎥ Peux-tu te présenter en quelques mots et nous raconter ton parcours ?
Audrey Hoareau ⎥ J’ai 39 ans, je suis commissaire d’exposition indépendante spécialisée en photographie et je viens de m’installer dans le nord de la France. J’ai fait des études de communication et des métiers de l’exposition, un parcours plutôt court avec un DUT (deux ans) complété par une licence professionnelle. J’avais envie et besoin d’être rapidement active.
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Mon école, c’est le musée Nicéphore Niépce à Chalon-sur-Saône, l’une des plus importantes collections publiques dédiées à la photographie, mon premier emploi. J’y ai travaillé pendant douze ans, dans le service des collections. C’est là que j’ai tout appris : l’histoire de la photographie, les enjeux de monstration et de conservation… Je crois à la formation “sur le tas”.
Parle-nous du métier de curatrice et commissaire d’exposition. En quoi ça consiste ? As-tu su très jeune que tu voulais faire ça ?
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J’ai toujours été passionnée par la culture et les arts. Je me sentais attirée par ces domaines, pourtant très éloignés de mon milieu d’origine. Le commissariat est un ensemble d’interventions qui mènent à la concrétisation d’un projet sous la forme d’une exposition ou d’une publication. Chaque projet est spécifique et suscite un niveau d’implication propre. Il peut s’agir d’accompagner un·e artiste, par nature souvent trop seul·e.
Cela inclut des phases d’editing (quelles photographies choisir et pourquoi ?), de production (quelles formes donner au travail photographique ?), de scénographie (comment penser la mise en espace ?), et de rédaction aussi. Il m’arrive aussi de travailler sur des archives d’auteur·rice·s disparu·e·s. Là, l’enjeu est de relire et parfois même de réhabiliter une œuvre – par exemple, celle de René Maltête qui fait l’objet d’une monographie qui est sortie aux éditions du Chêne. Ou encore sur des corpus d’images anonymes comme la collection Jean-Marie Donat, avec qui je prépare une exposition au CENTQUATRE-PARIS pour décembre prochain.
“Je crois à la formation ‘sur le tas’.”
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Comment as-tu eu connaissance de ce métier et des moyens pour y accéder ?
J’ai grandi dans la campagne en Bourgogne. Personne ne m’a donné de clefs pour cette orientation. J’ai tâtonné puis trouvé ma voie. Aujourd’hui en ligne, les informations sont accessibles plus facilement. Il faut être curieux·se, ouvert·e. Le stage est la meilleure porte ouverte sur le monde du travail, c’est ainsi que j’ai mis un pied dans le secteur de la photographie. Le métier de commissaire s’est surtout développé ces dernières années comme beaucoup d’autres métiers indépendants. Notre monde d’aujourd’hui nous permet de créer des jobs sur mesure en freelance. J’encourage vivement les jeunes à emprunter la voie de l’entrepreneuriat.
Quels ont été les obstacles rencontrés sur ton chemin ?
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Je ne relève pas de difficultés particulières, j’ai toujours essayé de tirer parti de mes faiblesses. Ma nature positive m’a beaucoup aidée. Certaines rencontres professionnelles ont été déterminantes. Dans nos milieux, le réseau est un atout précieux qu’il faut faire évoluer en permanence. Je reconnais avoir eu beaucoup de chance dans mon parcours. Les étapes se sont succédé naturellement jusqu’à ce nouveau poste. Je viens d’être nommée à la direction du Centre régional de la photographie Hauts-de-France.
“J’ai grandi dans la campagne en Bourgogne. Personne ne m’a donné de clefs pour cette orientation. J’ai tâtonné puis trouvé ma voie.”
Quelles sont les leçons que tu as apprises et les conseils que tu donnerais à des jeunes ?
Au fur et à mesure des projets, j’ai appris à être exigeante et à soigner les moindres détails. J’ai aussi réalisé avec le temps l’importance de prendre le temps : regarder un travail dans son ensemble, les photographies, les archives, les textes… Cette immersion est nécessaire pour prétendre pouvoir parler d’un·e artiste ou d’une œuvre. J’ai le sentiment d’apprendre chaque jour à forger ma propre vision, à affirmer mes goûts et ce que je me sens prête à défendre. La carrière est un cheminement très personnel qui repose sur les capacités et les volontés de chacun·e, mais si je peux me permettre deux conseils, je dirais aux jeunes de travailler les langues. La maîtrise de l’anglais m’a ouvert tant de perspectives ! Et de façon plus générale, de saisir les opportunités. Parfois, la vie choisit pour soi.