Comment le photojournalisme peut s’emparer des IA sans fausser la vérité de l’information ?

Publié le par Konbini avec AFP,

© Glenn Carstens Peters/Unsplash

Lors d’une conférence au festival Visa pour l’image, les photojournalistes se sont demandé comment profiter des IA sans dénaturer leur travail.

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L’intelligence artificielle peut être très utile aux photojournalistes mais constitue aussi une menace pour l’information vraie si des limites claires à son usage ne sont pas définies, selon un débat au 35e festival Visa pour l’image, à Perpignan. “Nous ne pouvons pas arrêter le développement de ces technologies”, a souligné Laura Morton, photojournaliste états-unienne, qui l’a constaté de visu lors d’un reportage sur la ruée vers l’ouest des États-Unis et le fourmillement dans la Silicon Valley d’expert·e·s travaillant sur l’IA.

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Partant de là, elle a insisté sur le fait que les acteur·rice·s du Web, “les grandes plateformes, doivent assumer la responsabilité […] que ces images ne soient pas disséminées d’une manière erronée”. Et, comme la plupart des intervenant·e·s, journalistes et acteur·rice·s d’Internet à ce débat, elle a souligné l’importance de “l’humain” quant à la mise en œuvre et les utilisations de l’IA. Plusieurs images ainsi générées ont été projetées sur grand écran pendant la table ronde : sur la guerre en Ukraine, le séisme en Turquie, l’ex-président états-unien Donald Trump ou le travail du photographe Michael Christopher Brown avec 90 Miles sur la traversée de Cubain·e·s vers la Floride, situation qui n’a pas été photographiée.

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Du faux hyperréaliste

Pour le photojournaliste suisse Niels Ackermann, son confrère “n’a pas voulu flouer les gens, a été transparent sur son travail”, et “c’est un bon moyen de nous réveiller en disant que maintenant, on est dans une époque où on peut créer des photos qui sont totalement réalistes et qui incarnent le faux”. “Là, il y a quelque chose de très dangereux”, a-t-il estimé, soulignant l’importance de l’éducation afin de “se demander d’où vient” une photo et d’éviter le risque de ne “plus regarder les images” parce qu’“on partira du principe que c’est faux”.

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Au-delà de celles créées de toutes pièces, Alexandre Lavallée, cofondateur de Glossia, plateforme de services d’IA, a estimé que “ce qui est plus perfide”, c’est la capacité d’ainsi “modifier des images […], changer des éléments” en partant d’une base réelle et que “c’est ça, le danger”. Le secrétaire général de Google France Benoit Tabaka a tenu à préciser que “l’IA, ce n’est pas l’IA générative”, qu’elle est “déjà présente dans la vie de tous les photographes”, dans leurs appareils pour “l’autofocus, l’ajustement de la lumière” et aussi “les retouches automatiques” dans les téléphones portables.

Mais les acteur·rice·s du Web développent des outils pour détecter les images générées par l’IA, a-t-il ajouté, insistant sur la “traçabilité”, le fait d’inscrire une empreinte, ou watermark, sur les photos, afin de les “labelliser” et “d’informer immédiatement le public” qu’il s’agit de “situations qui n’ont jamais existé”. Pour Thierry Meneau, chef du service photo du quotidien économique Les Échos, au-delà de l’importance de développer des outils technologiques, il y a “l’humain”, des iconographes doté·e·s d'”une culture de l’image, qui leur permet de détecter […] des détails” suscitant le soupçon sur la véracité de ce qui est montré.

Facteur humain et IA

Notons que l’IA peut aussi servir à restaurer des images anciennes, à numériser comme métadonnées les indications de l’époque inscrites à la main ou à analyser des photos aériennes pour détecter la présence de mines ou de pistes d’atterrissage clandestines. Plusieurs intervenant·e·s pensent aussi que l’IA peut être une issue de sortie de la crise à laquelle sont confrontés les médias traditionnels, du fait de la désaffection des lecteur·rice·s et du boom des contenus gratuits sur Internet.

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Ainsi, Grégoire Lemarchand estime que “c’est peut-être une chance” pour les grandes agences de photo qui pourraient “ajouter un tag pour les images vraies”, un “sans IA”, et ainsi économiquement “capitaliser sur le vrai”. “Le faux est devenu tellement simple à générer qu’il se crée […] un marché fantastique pour les vecteurs de vrai […] pour les médias […] qui ne savent pas comment monétiser leur existence à l’heure du Web”, a ajouté Niels Ackermann. Thierry Meneau a renchéri, estimant que les médias doivent être en alerte, “regarder ce qui se fait”, car “l’IA générative va entrer dans nos rédactions”. À partir du moment où les journalistes font “du vrai, il n’y a pas de raison qu’on utilise l’IA”.