S’il y a bien une pièce atemporelle que tout le monde possède dans son armoire, c’est bien un col roulé noir, qu’il soit en laine ou en polyester. Ce col roulé coupé plutôt bas porte un nom en anglais : le “turtleneck”, littéralement “cou de tortue”. Et il y a une personne dans ce monde, que vous connaissez très bien, qui a amorti cette pièce pendant une trentaine d’années et ce, jusqu’à la mort : il s’agit de Steve Jobs.
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Sauf qu’on oublie souvent la genèse de cette pièce iconique et le designer qui lui a donné vie. Il s’agit du couturier japonais Issey Miyake, qui s’est éteint le 5 août dernier, à l’âge de 84 ans. L’occasion de revenir sur l’histoire d’une amitié tissée dans les mailles d’un pull monochrome.
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Quand Steve Jobs voulait faire comme les grands
C’est en 1981, lors d’un rendez-vous avec le directeur de Sony, Akio Morita, au Japon, que le magnat de la tech commença à avoir des envies d’uniformes. Avant cela, il préférait nettement se balader en costard-nœud pap’ mal assorti, qui lui donnait un air morne, traditionnel, à l’étroit.
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Mais pourquoi avoir choisi Issey Miyake pour répondre à ses velléités d’uniformes ? Tout simplement parce que Jobs est un homme de goût qui fait attention aux détails. La biographie sobrement intitulée Steve Jobs, écrite par Walter Isaacson, nous apprend que Sony avait commissionné le créateur de mode pour imaginer un uniforme que tous ses salarié·e·s portaient : une veste futuriste en nylon dont les manches pouvaient être retirées en un zip.
Le site Forbes rapporte que la grande entreprise japonaise s’est mise à fournir des uniformes à ses employé·e·s par besoin : après la Seconde Guerre mondiale, les Japonais·es manquaient de textile et de vêtements, donc les patrons étaient obligés de fournir des uniformes de travail.
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Lors du rendez-vous avec le président de Sony, ces costumes réalisés pour le 35e anniversaire de l’enseigne ont tapé dans l’œil de Jobs, qui a contacté à son retour Issey Miyake afin qu’il conçoive un uniforme pour son équipe. Le créateur japonais qui a fait ses études à Paris devait donc imaginer une veste similaire à celle des employé·e·s de Sony. Petit bémol : cette idée n’a pas plu au personnel un peu trop relax de la Silicon Valley ; le jeune patron d’Apple s’est fait huer quand il a annoncé que tout le monde devrait désormais porter une veste de costard.
Plus la conception avançait, plus l’amitié entre les deux créateurs grandissait et plus Steve Jobs abandonnait l’idée d’imposer un uniforme à son équipe californienne. Apprenant à se connaître dans l’intimité de leur salon, il finit par demander à Issey Miyake un uniforme que lui seul porterait afin d’impressionner ses fans lors de ses mythiques keynotes. Il voulait paraître plus sobre, classe, actif, moderne, avant-gardiste, voire gourou. Ces adjectifs figuraient d’ailleurs probablement dans le brief.
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Jobs aimait particulièrement les pulls minimalistes du styliste ; ce dernier s’est mis à lui en produire plus de cent. “C’est ce que je porte, j’en ai assez pour le reste de ma vie”, a confié l’entrepreneur à son biographe. Les designers d’Issey Miyake se rappellent que Jobs portait déjà quotidiennement cet uniforme en 1989. My Clothing Archive rapporte que “le modèle original a été retiré de la production en 2011” suite à la mort de Steve Jobs, et que la marque a “sorti un nouveau modèle créé par Yusuke Takahashi en 2017”.
Le grand styliste japonais ne le savait pas, mais il venait de créer l’une des pièces les plus emblématiques de sa carrière. Cette pièce épurée aux coutures apparentes deviendra également la signature de Steve Jobs, une signature aussi importante que son logo à la pomme croquée ou ses lunettes rondes à la monture fine.
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