Plus tard, en observant les réussites musicales des dernières années, nous leur avons remarqué un trait commun, persistant. Un truc simple à la délicate frontière de l’art et de la communication, qui leur facilite la vie. La chose n’était-elle pas reproductible ailleurs ? D’autres pouvaient-ils profiter de ces observations ? De la réflexion qui ensuivit, mûrie sous les rayons de notre expérience du game, est né l’article sous vos yeux.
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Nous espérons qu’il répondra aux discussions que nous avons pu avoir au fil des ans avec certains artistes et leurs entourages sur leurs problématiques de comm’. Les pros y trouveront peut-être aussi matière à réflexion… On ne prétendra pas ici réinventer la roue. Simplement décliner des méthodes utilisées par et pour les marques, mais peu usitées dans la musique. Peut-être parce qu’on pense que c’est un produit à part.
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Or ce n’est pas tellement le cas.
Nous l’avons construit en quatre parties. Pas longues.
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- Partie 1 — Il ne s’agit pas de musique. Où l’on chassera les restes d’un vieux mythe.
- Partie 2 — Fuir le mou. Où l’on verra une des raisons de l’engluement des groupes dans les internets.
- Partie 3 — Savoir ce que l’on vend. Où comme souvent, on constatera que les Stones ont encore beaucoup à nous apprendre.
- Partie 4 — Le bon cheval. Où l’on déchiffrera les raisons de l’excitation.
Ce guide n’est pas conçu pour :
- Expliquer quoi faire niveau musique. D’ailleurs on n’en parlera pas.
- Caresser dans le sens du poil les idéalistes chastes et purs s’il en reste.
- Donner des recettes miracles ou des raccourcis paresseux.
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Ce guide est plutôt pensé pour :
- Faire réfléchir aux bonnes questions à se poser au bon moment.
- Aider à établir des bases de communication solides pour grandir dessus.
- Vous révéler le sens de la vie : … 42. La réponse est 42.
Il ne s’agit pas de musique
Difficile à entendre, mais pour présager de l’avenir d’un projet, la musique est presque toujours accessoire. Pour cause, écrire des chansons correctes a toujours été un prérequis. Une condition nécessaire mais pas suffisante : les stocks d’invendus sont pleins de pépites injustement oubliées. L’erreur classique : penser que ce que l’on considère comme de la qualité prévaudra, s’imposera comme une évidence. C’est faux. L’esprit humain, subjectif, baigne dans des centaines de biais cognitifs de ce genre.
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Comme toutes les luttes d’idées, le succès musical est affaire de contexte. D’attrait d’une offre aux yeux d’une demande à un moment T. De réceptivité du public (et des médias) pour un message : l’insaisissable air du temps. Or cette compatibilité a en général peu de choses à voir avec la qualité académique d’un morceau ou s’il est sympa à écouter. Beaucoup plus avec l’imaginaire global véhiculé par un projet. La fameuse idée derrière l’idée. On y reviendra…
L’exemple typique : avant de devenir le ringard le plus cool d’Internet grâce au déjà mythique Kung Fury, David Hasselhoff était un acteur des 80s perdu dans notre siècle. Pourtant “True Survivor”, hype d’avril 2015, clone le reste de sa kitschographie… Hashtag Air du Temps.
Fuir le mou
Le but est donc de construire sa communication pour qu’elle puisse tirer parti des mouvements de l’imaginaire collectif. Une technique de base dans la publicité.
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Or, comment un groupe et/ou son entourage, jusqu’à un assez haut niveau, conçoit-il ses supports de comm’ ? Pour l’avoir vécu, les mecs sortent de studio et on se pose la question :
“On fait quoi maintenant pour l’artwork? Et le clip? – Je connais machin, il a fait le dernier XXX. – Il pourrait nous faire un truc? – Je pense. Il est pas pote avec bidule en plus? – Si. Ok, cool!”
C’est ainsi que se jettent régulièrement les bases marketing d’un projet. En demandant à machin s’il ne peut pas nous faire un truc. D’autant plus qu’il a fait le dernier bidule. Ce n’est pas qu’on n’arrive jamais de cette manière à un résultat pertinent. Ni que celui-ci soit toujours dysfonctionnel. Mais il débouche trop souvent sur le fruit de multiples réinterprétations et un manque de parti pris artistique fort, lisible, tranché… Bref : c’est mou.
Yseult, ex-candidate Nouvelle Star. Musique chouette, talent présent, promo en béton armé… Mais une comm “sympa”, toute en mollesse…
On dispersera ce résultat médian dans la blogosphère, en espérant que ça prenne… Là où tout le monde fait de même, chaque jour… Avec les mêmes outils de promotion… A peu près de la même façon…
Sauf à imposer sa visibilité à coups de budget media lossless, lancer ce type de projet gratuit dans le sable mouvant d’informations du Web, c’est lui donner de la semoule à pédaler. On le voit chaque jour. Même à haut niveau. Comment dans cette configuration développer un staying power (comme l’appelle les Ricains) permettant à un projet de surnager dans le vacarme ? A surtout s’ancrer durablement dans les mémoires?
Savoir ce que l’on vend
Aussi évident que cela puisse paraître, peu de groupes savent correctement répondre à ces questions simples : “Qui es-tu?” et “Qu’est-ce que tu fais?”. La plupart galèrent avec des banalités sur leurs rencontres ou leurs enregistrements – dont on se fout. C’est flagrant dans la version courte de la quotidienne d’Alcaline. Les réponses sont plates, d’un mou consommé…
“Alors on s’est formé à la fac, on s’est tout de suite compris et on a commencé à faire de la musique ensemble. Puis on a rencontré Joël, ce fut le déclic et on s’est enfermé six mois en studio. On fait de la pop mélodique qui fait danser les gens”
La non-réponse typique. Vous observerez la prochaine fois à quel point ces elevator-pitch, sensés donner sa chance à l’artiste de donner envie, sont anti-climaxiques. C’est parce qu’on s’attache à faire les choses bien. Faire propre. Faire pro. On essaie de soigner la façade après avoir fignolé la boutique. Mais on ne se pose que trop rarement la question de ce que l’on vend vraiment.
Keith Richards disait “Les Rolling Stones, c’est de la rébellion en boite”. Ce fond de commerce assumé décode l’essentiel de toutes les légendes et autres histoires borderline qu’ont eux-mêmes propagé les Stones à leur sujet, souvent juste avant d’avoir un truc à vendre. On touche là du doigt l’essentiel, un truc simple et compliqué valable bien au delà de la musique :
“Un artiste décolle et pérennise sa carrière quand il réussit à incarner une idée plus grande que lui.”
Cette phrase peut paraître obscure, sur-intellectualisée ou pseudo-engagée. C’est pourtant la substance même de ce que nous voudrions transmettre. Laissez-nous donc l’illustrer, l’exemple étant ici plus parlant.
Fauve a réussi à symboliser l’envie d’évasion d’une génération aliénée. Christine & The Queens personnifie une réflexion sociétale soft sur le genre. Stromae ? une autre, douce-amère, sur la place de l’Homme post-patriarcal. Avant ça : Nirvana ? La revanche des weirdos dans les US d’MTV. Les Beatles ? L’insouciance adolescente dans un austère UK d’après-guerre. Oasis ? La grande gueule ouvrière glamourisée par la Cool Britannia. Brassens ? La libération des mœurs sous De Gaulle. Etc, etc, etc…
C’est cette idée derrière l’idée du projet qu’il faut comprendre et maîtriser. Les trajectoires personnelles n’intéressent que peu. Les gens aiment les histoires, ils adhèrent à des visions, se souviennent de symboles. Consciemment bâtie ou non, les artistes à succès ont en commun cette symbolique qui les dépasse. Leur travail reflète une conception originale et personnelle du monde. Celle-ci est la boussole qui oriente leurs choix de communication : nom, logo, fringues, son, artworks, clip, site, scéno, etc…
Mais qu’est-ce qui rend cette vision pertinente, accrocheuse ?
Le bon cheval
Toutes les idées ne jouissent pas de la même portance dans l’imaginaire collectif à un moment T. Le concept d’Union Européenne était par exemple sexy dans les 80s. Il a malheureusement moins le vent en poupe aujourd’hui. Plutôt qu’user ses forces à contre-courant il faut comprendre et s’imprégner de l’air du temps. On cherchera alors à y trouver une traction et en tirer parti.
Le monde des idées évolue dans une lutte permanente. L’idéologique dominante y est la proie de courants de pensées qui la concurrencent et finissent parfois par s’y substituer. La meilleure traction est ainsi à chercher dans la remise en cause d’un statu quo bien choisi. Pas dans la poursuite gratuite d’un effet de mode. Cette subversion* est la meilleure source d’excitation, de différenciation, d’adhésion. C’est ce qu’il faut chercher à alimenter.
Pour ce faire, ne pas hésiter à radicaliser son propos. A être dérangeant ou violent pour être saillant. A amplifier certains traits du projet pour qu’il soit facilement lisible. Commencer à s’offrir quelques haters est un excellent signe : le contraire de l’amour n’est pas la haine, mais l’indifférence.
Conclusion
Comme promis, nous n’avons pas réinventé la roue. La plupart des concepts exposés ici explicitent des réflexions in fine assez instinctives. Certaines choses vont sans dire, mais vont mieux en les disant. A l’opposé, loin de nous l’intention de vouloir décourager en complexifiant une discipline faite d’intuitions. Nous espérons simplement offrir des pistes, un début de méthode pour aider à mieux présenter son projet, surtout pour nos amis artistes moins entourés. Et leur éviter certains écueils.
Pour faire un petit récapitulatif, avant de se quitter :
- Sortir de ses biais cognitifs. La qualité ne s’impose pas d’elle-même, déso de briser le mythe.
- Chercher à challenger un statu quo bien choisi ; auquel on apportera une alternative par son art et sa créativité. Tout faire dans et selon cette direction.
- Bien choisir cette dernière pour profiter de sa portance et de sa persistance dans les courants de la noosphère.
- Ne pas chercher à faire un truc lisse pour faire pro. Etre violent dans sa communication. Sauf à embrasser des thèses nazies, il ne vous arrivera rien. Haters gonna hate.
- Enfin comme disent nos amis anglo-sexy : Have some fun with it.
On pourrait parler encore longtemps de ce vaste sujet, mais ça ferait sans doute trop long en cette ère de capacité d’attention limitée. Si vous voulez qu’on en parle ensemble, pourquoi pas: passez-nous un message.
Bonne chance.
Cet article de Mathieu Aribart et Jérémy Mahieu pour l’Agence Brass est originellement paru sur la plateforme participative Medium. Il a été édité et mis en page par Theo Chapuis.