La télévision nationale chinoise CCTV a diffusé un morceau de rap pédagogique contre la corruption qui sample le président Xi Jinping, ou “Big Daddy Xi”.
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Il était un temps, pas si lointain, où propagande rimait avec discours enflammés, parades militaires grandiloquentes, slogans peints sur les façades en lettres capitales et mythologie patriotique étoffée à longueur de films. En 2015, faire de la bonne propagande, c’est avant tout créer du contenu viral. Lundi 28 décembre, la chaîne de télévision d’Etat chinoise CCTV s’est donc fendue d’un morceau de hip-hop pour diffuser son message au bon peuple.
Le Groupe de réforme a deux ans, c’est 2 minutes 44 de flow paresseux en mandarin pour célébrer le deuxième anniversaire du comité de réformes mis en place et présidé par Xi Jinping, le président chinois, et ânonner les grandes lignes de son ambitieux programme politique. Et si le dirigeant ne prend pas lui-même le mic pour cracher son feu lyrique, des samples de ses plus belles punchlines sont néanmoins saupoudrées sur l’instru.
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“Assainis, assainis, assainis”
Comme le détaille le Guardian, le morceau est un concentré des grands chantiers politiques du régime chinois, de sa croisade contre la corruption endémique du pays à sa soi-disant “guerre contre la pollution” – “Assainis l’eau. Assainis l’air. Assainis le sol. ASSAINIS ASSAINIS ASSAINIS ASSAINIS”, martèle le MC- en passant par sa politique de libéralisation économique et de fluidification de l’administration. Entre deux mesures, un Xi Jinping samplé scande “que les souhaits du peuple deviennent nos actions”.
Grâce à une traduction approximative mandarin-anglais du South China Morning Post, on comprend mieux le calvaire qu’a dû vivre le MC désigné, Wu Wenduo, pour donner de la crédibilité à des phases aussi tranchantes que “la création de la Banque d’investissement asiatique, pour accélérer le développement d’infrastructures” ou “le principe de large consultation, contribution commune et partage des bénéfices / fait avancer le progrès en Asie et en Europe”, et la raison pour laquelle ce morceau est à peu près aussi agréable à l’oreille que la lecture à haute voix d’un rapport annuel de la Cour des Comptes sur un beat de boîte à rythme.
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650 millions d’internautes, 920 vues
Bilan de l’opération, deux jours plus tard : 920 vues (dont la nôtre) sur Sina, le Youtube chinois. Dans un pays qui compte 649 millions d’internautes, soit dix fois la population française, la contre-performance est exceptionnelle. Si certains sympathisants (probablement fanatiques ou malentendants) du régime ont salué la créativité de l’initiative, la majorité des réactions relevées sur le réseau social Weibo oscillait entre le sarcastique et le franchement hostile.
Il faut dire que ces temps-ci, les Chinois voient se multiplier les tentatives de propagande foireuses de leur gouvernement, qui mettait en ligne en octobre dernier une vidéo venue de l’espace pour promouvoir son dernier plan quinquennal – à sa décharge, pas vraiment le genre de sujet à faire se lever les foules. A sa sortie, le site Quartz expliquait que toutes ces vidéos étranges provenaient de la même société de production, Fuxing Road Studio, également responsable de l’incursion ratée de Xi Jinping dans la niche musicale du hip-hop de propagande. Peace out, bro.
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