Commémorations du 7 janvier : quand Charlie Hebdo se payait la tête de Johnny

Publié le par Théo Chapuis,

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Le choix de Johnny Hallyday pour chanter lors de la commémoration des attentats de janvier agace certains. N’était-il pas l’une des cibles favorites des dessinateurs de Charlie ?

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Le chœur de l’armée française et, surtout, Johnny Hallyday qui chantent pour l’hommage à Charlie dimanche 10 janvier ? Un blasphème de plus pour certains. Et pour cause : tout au long de sa carrière, le chanteur n’a pas été épargné par Charlie Hebdo. Caricature après caricature, il est même devenu une sorte de tête de Turc récurrente, symbole de la beauferie à la française.

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C’est Siné qui a dégainé le premier, lui qui fut l’un des piliers de la rédac’ historique de l’hebdomadaire satirique. Dans un édito intitulé “Jusqu’où ira l’ignominie ?”, il exprime sa colère de voir Charb et son équipe subir un tel “acharnement venimeux”, une telle “obstination mortifère” :

“Charb détestait Johnny Hallyday et c’est précisément à lui que nos ‘autorités’ on fait appel pour pousser la chansonnette en son honneur : quand il y a une connerie à faire, on peut compter sur nos responsables, ils ne la ratent jamais !”

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De son vivant, Charb avait émis le souhait que l’on diffuse “L’Internationale” à son enterrement, ce qui a quand même une autre gueule qu’une mélopée éculée bafouillée dans un micro par un vieux réactionnaire.

On comprend cet agacement tant les frasques du vieux rockeur hérissaient la team de Charlie et ses lecteurs. L’interprète de “Ma gueule” a été l’objet de nombreux crobards ne le montrant pas vraiment à son avantage dans les colonnes du journal, mais aussi parfois en une. L’une de nos préférées : “Voleur comme un Français, con comme un Belge, chiant comme un suisse”. Oui, c’est con. Mais c’était Charb, pas Plantu.

À en croire les dessins qu’il a laissés, Cabu non plus ne portait ni le chanteur, ni les célébrations militaires, dans son cœur. “Cabu décoré par l’Elysée ! Cabu célébré par l’armée ! Cabu chanté par Johnny, sa tête de Turc !” hurle la une du Canard enchaîné du 6 janvier. Entre autres pastiches, le dessinateur à la coupe de cheveux si caractéristique dénonçait son exil fiscal en Suisse d’un superbe “Toute la musique que j’aime, elle vient de là, elle vient du flouze”. Joli.

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Cabu avait même rassemblé, en 2011, tous ses croquis du chanteur dans un ouvrage intitulé Johnny c’est la France, compilation de cinquante années de crasses et de piques contre le “monument national”.

Que demande le peuple ?

Alors, pourquoi avoir choisi Johnny pour interpréter “Un dimanche de janvier” sur la place de la République en l’honneur (entre autres) de ces dessinateurs iconoclastes et potaches qui le détestaient ? Par souci de créer un rassemblement populaire, tout simplement. Après tout, De l’amour, le dernier disque du chanteur, était encore numéro un dans les charts de France, de Belgique et de Suisse en novembre dernier.

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Eh oui, Johnny ça fait peuple. Et la Mairie de Paris a, finalement, donné raison aux caricaturistes de Charlie Hebdo, implicitement : après tout comment nier que Johnny Hallyday soit l’artiste français à la longévité la plus époustouflante ? Il remplit toujours des Zénith près de soixante ans après ses débuts, lorsqu’il babillait des reprises francophones d’Elvis au Golf-Drouot dans la France de René Coty. Increvable.

De l’amour ?

Mais si les dessinateurs du journal satirique tout comme les chantres de “l’esprit Charlie” ne sont pas très Johnny, l’inverse n’est pas vrai : à l’issue de l’attentat qui décima la rédaction l’année dernière, le chanteur avait vite affiché son soutien d’une pancarte “Je suis Charlie” tendue face à un objectif photo. En novembre 2015, au moment de la sortie de son album De l’amour, le chanteur tenait même à partager au micro de BFMTV son affection pour le dessinateur Georges Wolinski :

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“Wolinski était quelqu’un que je connaissais un petit peu, que j’aimais bien, qui m’avait souvent fait des portraits qu’il m’envoyait. C’est quelqu’un qui m’aimait bien et que moi, j’aimais beaucoup.”

C’est triste, une histoire d’amour non partagé.