Charli xcx et Lorde viennent de sortir un morceau ensemble, “The girl, so confusing version with lorde”. C’est l’événement pop de l’année. Un tremblement de terre. La quintessence de pop culture. Du moins, si vous êtes gays.
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Pour comprendre l’excitation sans limite d’une bonne partie d’Internet, il faut se rendre compte de l’importance du dossier. En langage pop et queer, cette collaboration est une véritable épiphanie et est surtout le fruit d’une campagne promotionnelle de génie. On vous explique pourquoi.
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On vous faisait déjà l’éloge de tout le rollout de BRAT ici, donc inutile de vous refaire le dessin. Pour faire bref, ce sixième album de Charli xcx a exploité tous les codes d’Internet et de la viralité pour élever la chanteuse d’un rang de culte de niche à une sensation mainstream. Après avoir retourné les quatre coins de X/Twitter ainsi que les classements radio et les plumes critiques du monde entier (c’est l’album le mieux noté sur Metacritic cette année), BRAT continue d’affoler la Toile, et surtout les gays.
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L’histoire entre Lorde et Charli xcx remonte. Elles sont les rivales imaginaires d’Internet, qui ne cesse de s’amuser à les comparer et les confondre — en témoigne ce TikTok de notre troll préféré, Harry Daniels. Depuis une dizaine d’années, leurs deux carrières évoluent dans des terrains opposés, l’une siège sur les méandres distordus des canaux de niche pendant que l’autre tâte le plancher prestigieux des Grammys et des autres mondes mainstream. Pourtant leurs fanbases se ressemblent. Une fois encore, on y retrouve beaucoup de gays.
Leur relation, comme beaucoup de fans l’ont remarqué, est d’ailleurs au cœur du morceau “Girl, so confusing” de Charli xcx présent sur le disque BRAT, paru le 7 juin dernier. Dessus, Charli parle du fait qu’elles se connaissent sans savoir si elles s’apprécient vraiment et se demande si Lorde ne la déteste pas, si elles ne sont pas réellement les rivales qu’Internet a fait d’elles.
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“Les gens disent qu’on se ressemble, qu’on a les mêmes cheveux. On parle de faire de la musique ensemble, mais je ne sais pas si c’est honnête”, confiait Charli xcx, dans un morceau qui offrait à voir une forme de féminisme moins lisse et aseptisé, dans lequel deux femmes publiques peuvent assumer de douter l’une de l’autre, plutôt que de se serrer les coudes instinctivement sans y croire. Dans le morceau, Charli chante aussi : “Un jour, nous pourrions faire de la musique, Internet deviendrait fou”. Deux semaines plus tard, Internet est devenu fou.
Sur “The girl, so confusing version with lorde”, la chanteuse néo-zélandaise sort de sa torpeur pour donner de la voix et répondre à Charli xcx. Dans son texte, Lorde affirme qu’elle est la première étonnée d’apprendre qu’elle occupe l’esprit de Charli xcx et explique qu’elle était trop occupée à lutter contre ses propres démons (notamment son image d’elle-même) que pour s’inquiéter de sa “rivalité” avec Charli. Ce morceau, c’est la résolution d’un mystère d’Internet, d’un mythe pop qui a fait grandir tous les fantasmes des fans et surtout une bonne occasion de savourer de l’excellente synthpop : un grand jour pour les gays connectés.
L’Internet gay, refuge et sanctuaire
Évidemment, quand on dit “les gays”, on ne parle pas de tous les gays. Heureusement. Et puis ce serait cruel de vouloir généraliser et essentialiser l’expérience homosexuelle à un album de Charli xcx — quoique. Par “les gays”, on entend donc plutôt cette communauté d’hommes (et de femmes) homosexuel·le·s particulièrement présente sur les réseaux sociaux, notamment X/Twitter, et qui participe activement depuis plusieurs années au succès viral de plusieurs albums, spécifiquement ceux des chanteuses pop.
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Le rapport des “gays” avec l’Internet et la pop culture pourrait faire l’objet d’une série documentaire. Sans vouloir se lancer dans de la sociologie de comptoir, on peut facilement reconnaître que bon nombre de récits gays partagent un certain historique d’isolement, et de non-conformité au monde hétéronormé environnant. Dans cette optique, le monde connecté et sans limite d’Internet et l’univers imaginaire, coloré, et résolument féminin de la musique pop ont pu servir de refuge pour beaucoup de jeunes gays.
Ses figures, telles que Charli xcx et Lorde, ont constitué des modèles et des idoles auxquelles vouer un culte qu’on ne retrouve dans aucune autre scène musicale. Qui d’autre pleure pour la sortie d’un single ? Qui dépense autant d’argent pour s’assurer d’être le disciple le plus fidèle à son idole ? Qui va pouvoir casser sa tirelire pour les places front stage toujours plus impayables au fil des tournées ? Qui va suivre sa chanteuse préférée dans ses délires de rééditions infinies ? Trouvez-nous des fans aussi investis que les gays.
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Il y a aussi l’esprit de communauté, cher aux yeux de cette démographie en particulier, qui se matérialise ici en retweets, impressions et publications virales. Si tu n’as pas posté le morceau de Charli et Lorde sur ton compte X ou Instagram, tu n’es pas si gay que ça — l’auteur de ces lignes s’est levé à six heures du matin pour l’écouter et le poster en story dans la foulée, et n’a même pas honte de vous le dire.
Le faire pour les girls et les gays
Comme le chante l’icône Ayesha Erotica sur son “Yummy” de 2017 devenu culte : “I do it for the girls and the gays, that’s it” (“Je le fais pour les filles et les gays, c’est tout”). Pour les pop stars, leur avis semble compter plus que celui des autres, car les équipes marketing et RP le savent : si les gays veulent descendre un album, ils ne s’en priveront pas, et ça pourrait leur coûter cher.
Si leur avis compte, leur portefeuille aussi. Il n’y a qu’à voir les premiers rangs des concerts des grandes pop stars actuelles, les places les plus chères ont de grandes chances d’être l’apanage des fans gays. Ce phénomène est lié au concept de “capitalisme rose”, ou de “pink money” en anglais, qui consiste à cibler la communauté LGBTQIA+ dans ses campagnes pour pouvoir en tirer du bénéfice.
“Charli xcx et lorde qui sortent enfin une chanson ensemble, c’est comme le second avènement du Christ mais pour les gays.”
Récemment, dans les colonnes du Gay Times, Dua Lipa confiait ainsi à propos de son dernier disque Radical Optimism : “C’est très important pour moi que les gays l’apprécient”, tandis que Beyoncé a dédié tout son album RENAISSANCE à la communauté. Si on ne doute pas des intentions de l’une et de l’autre, il est légitime de souligner l’intelligence marketing de telles sorties, sans pour autant leur enlever le désir de réjouir leurs fans queers pour autant.
Si Charli xcx et Lorde sortent un featuring en plein mois des fiertés, ce n’est donc pas un hasard. Les deux chanteuses connaissent leur public, savent quelles communautés les suivent depuis le début, qui pourra déceler les sous-entendus et toutes les intentions d’un tel morceau. “The girl, so confusing version with lorde” est certainement ce qui est arrivé de mieux à l’Internet gay depuis le nude de Chris Evans. Et ça, ce n’est pas rien.