Chagrin et poids du deuil : Vishal Kumaraswamy reproduit les rituels funéraires indiens

Publié le par Pauline Allione,

© Vishal Kumaraswamy

Dans ses œuvres expérimentales, l’artiste visibilise le poids du deuil et l’énergie vitale qui émane des processions funéraires.

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Vishal Kumaraswamy appartient à la communauté dalit, une communauté considérée comme “hors caste” en Inde et victime de nombreuses discriminations. Ce n’est que pendant les processions funéraires qui suivent un décès que le système des castes s’efface et que les Dalits ont accès à l’espace public, habituellement dominé et hiérarchisé, le temps d’enterrer leurs mort·e·s.

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Dans son projet ಮರಣ Marana [Décès], visible à l’Église des Frères Prêcheurs dans le cadre du Prix Découverte Fondation Louis-Roederer des Rencontres de la photographie d’Arles, Vishal Kumaraswamy décortique et retranscrit le chagrin et le pouvoir du collectif qui émane de ces formations. Visible jusqu’au 27 août, l’exposition est présentée par l’espace social artistique, transféministe, anticaste et antiraciste Party Office de New Deli.

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En collaboration avec deux artistes-interprètes, l’artiste établi à Bengaluru en Inde a commencé par reconstituer et étudier les mouvements collectifs effectués lors d’une procession funéraire dans la rue. “Pour moi, les mouvements s’apparentent à des héritages en tant qu’outils de joie, de célébration, d’affirmation et de résistance. Les mouvements individuels eux-mêmes sont un amalgame de danse, de mouvements d’assemblage, d’immobilité et de mouvements fluides en conversation avec les motifs rythmiques des tambours”, détaille l’artiste dans une interview donnée au média Asap Art.

<em>ಮರಣ Marana [Décès]</em>, 2022-2023, traitement génératif des images par Emilia Trevisani. (© Vishal Kumaraswamy)

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Chagrin et joie collective

C’est ensuite avec des scanners 3D et l’usage de la photogrammétrie que l’artiste a transformé les données récoltées pour créer des vidéos générées numériquement et donner une nouvelle dimension à ces mouvements. “Les visuels révèlent l’affaissement et la compression du corps, accablé sous le poids du deuil, tandis que les mouvements de danse répétitifs symbolisent le cycle de la vie et de la mort. Ils livrent une réflexion sur les aspects sonores – le son du parai – et métaphysiques de l’événement”, détaille Tanvi Mishra, commissaire de l’exposition.

Dans ಮರಣ Marana [Décès], le corps dalit ne fait pas qu’exprimer son chagrin : téléporté dans des espaces flottants numériques, il s’émancipe du traitement quotidiennement réservé à la communauté et des violences liées au système de castes pour s’emparer de l’espace public.

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<em>ಮರಣ Marana [Décès]</em>, 2022-2023, traitement génératif des images par Emilia Trevisani. (© Vishal Kumaraswamy)
Konbini, partenaire des Rencontres de la photographie d’Arles.