L’année dernière, la nomination en compétition officielle au 70e festival de Cannes des films Okja et The Meyerowitz Stories avait provoqué de vives réactions. Créations de Netflix, ces réalisations de Bong Joon-ho et Noah Baumbach étaient en effet exclusivement dédiées à la plateforme et ne pouvaient pas être diffusées au cinéma. En lice pour la Palme d’or, ces deux longs-métrages contrevenaient à la législation française, qui exige une carence de trois ans entre la projection sur grand écran et la diffusion par téléchargement.
Publicité
Le délégué général de la manifestation, Thierry Frémaux, estime que le choix d’avoir malgré cela fait concourir ces films en compétition officielle était une “erreur”. Il est revenu sur le sujet dans un entretien pour Le Film français, publié ce vendredi 23 mars : “L’an dernier, lorsque nous avons sélectionné ces deux films, je pensais convaincre Netflix de les sortir en salles. J’étais bien présomptueux. Ils ont refusé.”
Publicité
Cette controverse est le reflet des rivalités qui durent entre les exploitants des salles de cinéma et le géant du streaming, qui ont des philosophies antinomiques et donc inconciliables. Thierry Frémaux avait d’ailleurs déploré que les productions Netflix “perdues dans les algorithmes de la plateforme n’appartiennent pas à la mémoire cinéphile”.
Le réalisateur Pedro Almodóvar – président du jury cette année-là – avait lui-même confié “ne pouvoir concevoir que la Palme d’or soit remise à un film que le public ne pourra voir en salles”. Mais fini le traitement de faveur. Si le magnat du streaming s’est invité aux compétitions américaines avec son film Mudbound (nommé quatre fois aux Oscars), il ne pourra plus fouler le tapis rouge en France.
Publicité
En effet, le conseil d’administration du festival vient de rappeler l’obligation pour tout film en compétition de sortir dans les salles obscures françaises. Si l’année 2017 a marqué une entorse exceptionnelle à la règle, cette dernière sera désormais dûment appliquée : Netflix, ainsi privée de la course à la convoitée Palme d’or, ne connaîtra pas son heure de gloire cannoise cette année.
Autres changements annoncés
Pour l’édition 2018, qui se déroulera du mardi 8 au samedi 19 mai prochain, d’autres mesures ont été prises. Pour commencer, les avant-premières réservées à la presse, organisées dans la matinée de la projection officielle (qui a lieu en début de soirée), ne seront plus systématiquement séparées de cette dernière.
Publicité
Si l’idée est, selon Thierry Frémaux,“de redonner toute leur attractivité et tout leur éclat aux soirées de gala” et de maintenir le suspense intact, cette mesure modifie cependant le travail des journalistes qui ne pourront plus découvrir les films en amont.
Autre bouleversement majeur pour les chanceux détenteurs d’accès aux projections : les selfies seront interdits pour les spectateurs sur le tapis rouge, en raison de “la trivialité et le ralentissement provoqués par le désordre intempestif créé par la pratique”, qui nuit à la qualité de la montée des marches et, en définitive, au festival tout entier.
Une pratique que le délégué général juge “ridicule” et a tenté de faire interdire depuis plusieurs années. Il justifie cette mesure auprès du magazine Le Film français : “Cette pratique va à l’encontre de ce qui a fait la gloire de Cannes. Une certaine élégance, une réserve. Une ferveur pour les films, l’excitation d’une séance à venir. Un peu de secret. Il faut préserver ça.”
Publicité
Enfin, la 71e édition aura une attention toute particulière à la place accordée aux femmes dans l’industrie cinématographique, dans la lignée du mouvement #MeToo. Le festival a d’ailleurs choisi la talentueuse Cate Blanchett pour présider son jury.