Le projet d’archivage de Léa Michaëlis est étroitement lié à son histoire personnelle. Elle a débuté la photographie vers ses neuf ans, “en photographiant [son] père jusqu’à son décès”. Habituée à documenter ses proches, elle s’est mise à immortaliser son couple naissant. À mesure qu’elle s’épanouissait dans sa propre histoire d’amour, sa compagne l’aidant à “affirmer [son] coming out lesbien”, elle a eu envie “de rendre compte de la tendresse des amours lesbiennes et saphiques”.
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Qu’il s’agisse du “parcours de la lesbienne qui ‘sait depuis toujours qu’elle est lesbienne’, comme celle qui s’est ignorée durant longtemps”, la photographe s’est mis en tête de “rendre compte de la diversité du coming in et du coming out au sein d’une même communauté”, de créer “de l’archive, pour garder une trace de ces amours qui existent dans une société où l’hétérosexualité est surreprésentée”.
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C’est en constatant le relatif manque d’archives concernant les amours lesbiennes et saphiques que l’artiste a souhaité montrer “plus de représentations de l’amour et moins d’individus seuls”. Convaincue par l’importance de la diversité des représentations, que ce soit “l’âge, l’origine, les histoires, les lieux, le fait de ne pas forcément être valide, blanc·he, mince ou cis”, Léa Michaëlis a lancé un appel sur les réseaux sociaux et a tout simplement décidé de donner une place à tout couple volontaire.
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“Je n’avais pas envie que le projet coche des cases artificiellement et, en ne refusant personne, la diversité était là.” En plus des réseaux, l’artiste a “sollicité des associations” et fait marcher le bouche-à-oreille afin de rencontrer des “couples plus âgés”.
Pour la photographe, l’important résidait plutôt dans la nécessité de “montrer que la diversité des couples lesbiens et saphiques est la même que celle des couples hétéros” : “Ces romances n’ont ni modèle ni norme […]. Elles sont plurielles et singulières.”
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“J’accorde une importance particulière à témoigner de ces histoires d’amour, de ces parcours de vie et récits qui se déploient dans tous les espaces, dans les villes comme dans les campagnes.” Cette dernière précision est d’importance, car l’artiste sait pertinemment qu’il est souvent “plus difficile de se rencontrer et de s’identifier comme appartenant à une communauté” loin des grandes villes.
Intimité, confiance et émotions
Une fois la prise de contact effectuée via les réseaux vient le temps des séances photo. Y prime une volonté d’intimité, traduite par “des images travaillées en lumière naturelle et sans artifices qui, par leur chromie douce, représentent la tendresse des amours lesbiennes et saphiques”. Si les images sont en couleur, c’est pour trancher avec les habituelles archives en noir et blanc.
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Afin que les couples soient à l’aise, Léa Michaëlis les photographie chez eux – ou chez l’une des deux personnes : “L’enjeu est de pouvoir être dans un endroit qui les incarne et qui leur ressemble.” Une grosse partie du travail de la photographe consiste alors à capter cette intimité en images et à sortir les couples lesbiens et saphiques de “la marge” à laquelle ils sont contraints :
“Quand j’arrive chez les couples, nous démarrons toujours par l’entretien, qui dure environ une heure. D’abord, pour que cela brise la distance entre le couple qui a son intimité, et moi qu’il ne connaît pas. Et aussi, pour qu’ensuite, lors de la prise de vue, le couple se rapproche, et que se recrée une intimité en ma présence après l’entretien qui, généralement, est très fort et riche en émotions.
Au quotidien, dans une relation, on peut avoir l’habitude de se dire notre amour, mais généralement peu de se l’expliquer l’un·e à l’autre. Le temps d’échange que nous avons, le couple et moi, avant la prise de vue, sert à révéler la profondeur de leur relation.”
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Le “lien de confiance” créé entre les modèles et la photographe vient également du fait que cette dernière est elle aussi lesbienne, et donc “concernée”. “Je suis sensible aux différents parcours de coming in et coming out, étant donné que ce sont des choses qui me parlent, et ce même si je n’ai pas traversé tout ce que les couples me confient.”
Dans un souci d’inclusion, Léa Michaëlis a nommé son projet Sapphic Lovers : “Je voulais […] que les personnes non binaires, qui ne se disent pas forcément lesbiennes, mais sont parfois perçues comme telles, puissent parler de leurs expériences. Je voulais aussi insérer la dimension du couple (exclusif ou non) dans le projet, pour réussir à entrer en connexion avec des personnes qui partagent déjà un lien et une intimité, et pouvoir documenter cela.”
Pour le moment, une trentaine de couples a rencontré l’artiste, a posé pour elle et a partagé leurs histoires, qu’elle se chargera de retranscrire en seconde partie d’année, lorsqu’elle mettra une halte à ses rencontres. Les mots contribueront à faire grossir cette archive et à mettre en lumière les pluralités d’histoires, de chemins, prouvant que la seule règle, c’est qu’il n’y en a pas.
Vous pouvez retrouver le travail de Léa Michaëlis sur son site et sur son compte Instagram.