Cannes : The Apprentice, un biopic sur l’ascension de The Donald sans tambour ni trumpette

Publié le par Adrien Delage,

© Metropolitan FilmExport

Pour son retour à Cannes deux ans après Les Nuits de Mashhad, Ali Abbasi revient avec un biopic fade qui ressemble vraiment à un film de commande.

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The Apprentice, c’est quoi ?

La tendance des biopics, relancée en fanfare avec le succès mondial de Bohemian Rhapsody en 2018, a finalement gagné le Festival de Cannes, et même en Compétition officielle. Cette année, Ali Abbasi (Shelley, Border) présente The Apprentice sur un scénario du journaliste et écrivain Gabriel Sherman, qui revient sur les jeunes années de Donald Trump en tant que promoteur immobilier à New York et sur sa relation particulière avec l’avocat Roy Cohn.

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Le film se déroule à New York entre les années 1970 et 1980, alors que Donald Trump tente de sortir de l’ombre de son père, Fred Trump, promoteur immobilier de renom dans la Grosse Pomme. Pour creuser son trou dans le monde du business, le futur président des États-Unis peut compter sur son ami et mentor qui a le bras long, spécialiste des coups bas et de la corruption, qui va jusqu’à faire des affaires avec les mafieux de l’époque.

The Apprentice raconte l’ascension fulgurante de Donald Trump alors que la ville de New York traverse une grave crise immobilière. De ses premiers serrages de main douteux avec le parrain Fat Tony jusqu’à la construction de la Trump Tower, en passant par sa relation conflictuelle avec sa femme Ivana Zelníčková, le film dévoile les coulisses qui ont fait de The Donald un as des affaires mais aussi une véritable ordure et l’une des figures les plus controversées de l’histoire contemporaine des États-Unis.

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© Metropolitan FilmExport

Pourquoi c’est meh ?

The Apprentice s’ouvre sur un morceau rock énervé des Velvet Underground, dans un bar prisé et clandestin de New York. Là, un jeune Donald Trump à l’œil hagard, reclus dans son coin, y fait la rencontre du puissant et charismatique Roy Cohn. C’est le début d’une relation de mentor à élève qui va aider le jeune promoteur immobilier à prendre confiance en lui pour fonder un véritable empire entre Manhattan et Atlantic City. Le début, prometteur, punk, énergique et joliment éclairé avec un filtre rétro, nous laisse penser qu’Ali Abbasi a emprunté le style mordant et satirique de Steven Soderbergh ou d’Adam McKay pour raconter son histoire. Le soufflé retombe rapidement quelques minutes plus tard, alors qu’on se rend compte de la fadeur et du manque d’originalité global de ce biopic conventionnel.

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Pourtant, le duo principal est assez savoureux à l’écran (pas en réalité, évidemment, où on se demande comment deux enflures pareilles ont pu régner sur New York et même sur une puissance mondiale pour l’homme au teint orangé). Sebastian Stan, le Soldat de l’hiver du Marvel Cinematic Universe, se glisse dans la peau de Donald Trump en évitant de cabotiner à l’excès, avec juste ce qu’il faut de mimiques faciales pour composer le personnage. Le travail sur les prothèses et les perruques est vraiment bon et permet à Stan d’exprimer son talent au-delà d’être un membre de l’équipe B des Avengers.

En face, on retrouve le method acting exacerbé mais toujours aussi convaincant de Jeremy Strong, éternel Kendall Roy de Succession dans nos cœurs. La dynamique de leur tandem fonctionne alors que la balance s’inverse au fil du film et de la montée en puissance de Trump, qui va devenir de plus en plus solitaire et exécrable avec son mentor une fois ses galons gagnés. Les dialogues ne manquent pas de piquant et de second degré, surtout lorsque Abbasi s’amuse à glisser quelques vannes anachroniques sur les futures ambitions présidentielles de Donald Trump, au détour d’un séjour dans sa tour d’ivoire située sur la Cinquième avenue.

Une fois ces quelques réjouissances de jeu et d’insolence passées, on se rend compte que The Apprentice n’apporte pas grand-chose au monde des biopics et que certaines séquences nous interrogent véritablement sur le point de vue d’Abbasi et de Gabriel Sherman. Oui, ils font passer Donald Trump pour un être humain abject, prétentieux et surtout profondément vil par moments, mais la mise en scène (assez plate d’idées au demeurant) du réalisateur dano-iranien le transforme aussi en une sorte d’antihéros américain, voire de martyr vis-à-vis de son père froid et autoritaire. Comme si on allait plaindre l’homme qui a laissé son frère mourir de son alcoolisme chronique ou qui viole sa femme lors d’une dispute conjugale, séquence au montage problématique qui ferait passer le male gaze pour du féminisme.

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La morale de l’histoire, tuer ou être tué, littéralement exprimée comme le credo de Trump au détour d’une discussion intime avec Ivana, renvoie l’Amérique à ses clichés les plus néfastes et pernicieux. Faut-il donc abandonner tout sens moral, toute forme de compassion humaine pour atteindre ses objectifs et devenir un milliardaire antipathique, raciste, homophobe et misogyne, autoproclamé roi de New York ? The Apprentice, qui se termine sur un zoom interminable dans l’œil cupide de l’entrepreneur véreux alors que les gratte-ciel de la Big Apple se réfléchissent dedans, nous laisse dans la bouche le goût amer d’une histoire de rêve américain écœurante dont on se serait bien passés.

On retient quoi ?

L’acteur qui tire son épingle du jeu : Sebastian Stan est très bien, mais Jeremy Strong est vraiment un cran au-dessus.
La principale qualité : La qualité des prothèses et des perruques portées par Sebastian Stan.
Le principal défaut : La mise en scène plate, décevante de la part d’Ali Abbasi, digne d’un film de commande.
Un film que vous aimerez si vous avez aimé : Vice d’Adam McKay, Les Affranchis de Martin Scorsese, French Connection de William Friedkin et la téléréalité… The Apprentice.
Ça aurait pu s’appeler : Empire State of Trump.
La quote pour résumer le film : The Apprentice, qui se termine sur un zoom interminable dans l’œil de l’entrepreneur véreux alors que les gratte-ciel de la Big Apple se réfléchissent dedans, nous laisse dans la bouche le goût amer d’une histoire de rêve américain écœurante dont on se serait bien passés”.

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