Pas de Festival de Cannes sans polémique ni scandale. Chaque année apporte son lot de drama sur le tapis rouge. Mais au-delà des clashes circonscrits au petit milieu du cinéma, cette édition a été émaillée par plusieurs happenings et autres manifestations, invitant ainsi des revendications très politiques des marches du Palais jusque dans les rues cannoises. Toutes les caméras du monde sont braquées sur la Croisette durant ces deux semaines, un contexte propice pour faire passer son message.
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L’Ukraine en sang
L’image a fait le tour du monde. Ce dimanche 21 mai, lors de la montée des marches pour le film Acide, une femme vêtue d’une robe aux couleurs du drapeau ukrainien, jaune et bleu, s’arrête sur le tapis rouge, se retourne et, comme tant d’autres, prend la pose pour les photographes. Mais la voilà qui farfouille dans son décolleté et sort, dans chaque main, deux poches de faux sang qu’elle brandit au-dessus de sa tête. Après quelques tâtonnements, elle parvient à les déchirer et se retrouve maculée d’hémoglobine. Elle a immédiatement été évacuée par les services de sécurité. Son identité n’a pas été révélée, et elle ne portait pas d’autre message que cette image, aussi symbolique que marquante, laissée après son passage.
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Baby on board
Quelques jours avant, pour la projection du film de Catherine Corsini Le Retour, une activiste du collectif féministe radical Scum fait irruption sur le red carpet. Enceinte, elle est vêtue d’une robe rouge, dont une partie amovible sur le devant laisse découvrir son ventre sur lequel sont peints un code-barres et le mot “surrogacy” (gestation pour autrui, en français). Elle aussi a été exfiltrée, avec poigne, loin des festivités. Sur ses réseaux, le groupe reprend ensuite la vidéo de son intervention avec le hashtag #STOPSELLINGUS (“arrêtez de nous vendre”) pour s’opposer à la GPA, considérée, pour ces militantes, comme une marchandisation du corps des femmes.
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Cette même activiste était présente, l’an dernier, sur ce même tapis, où elle apparaissait cette fois-ci habillée d’une simple culotte couverte de faux sang, et sur sa poitrine, peinte aux couleurs du drapeau ukrainien, on pouvait lire : “Stop raping us” (“arrêtez de nous violer”). Un message voué à dénoncer les viols et “tortures sexuelles” commis par les forces russes envers les femmes ukrainiennes depuis le début de la guerre.
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Patriarcannes
Au petit matin, le dimanche 21 mai, des collages féministes commencent à apparaître aux abords du Palais des festivals. Les militantes, appartenant au tout jeune collectif Tapis rouge colère noire, constitué de cinéastes et technicien·ne·s du cinéma, dénoncent “la complicité du Festival envers les agresseur·se·s et les harceleur·se·s sexuel·le·s, physiques et moraux”. Sur les murs, des messages épelés en noir sur fond blanc avec des feuilles format A4 : “Sous le tapis la violence”, “Patriarcannes”, “Équipe opprimée, film nominé” ou encore un laconique “La honte”. De la tribune d’Adèle Haenel annonçant son départ du milieu du cinéma, aux accusations de viol et d’agressions sexuelles concernant Gérard Depardieu, ou encore la présence très controversée de Johnny Depp à l’ouverture du festival, les raisons de leur colère ne manquent pas.
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Dress code discriminant
Dimanche 21 mai encore, Leah, actrice, se faisait une joie d’assister au nouveau film de Martin Scorsese Killers of the Flower Moon. N’ayant pu obtenir de billet en avance pour cette projection très demandée, elle se dirige vers la file “Last minute”, l’option de la dernière chance. Étant en situation de handicap, elle est prioritaire pour entrer dans la salle. Et même là, les places sont chères : il n’y a que six sièges réservés aux personnes à mobilité réduite dans le Palais des festivals. Mais elle n’aura même pas cette opportunité puisqu’un membre de la sécurité, constatant qu’elle avait des baskets aux pieds, les seules chaussures qu’elle peut mettre, lui refuse le passage. Le dress code de Cannes — smoking noir pour les hommes, robes longues et talons pour les femmes — n’est pas seulement strict, il est binaire et discriminant. À moins d’être Kristen Stewart qui, en 2018, avait retiré ses Louboutin pour monter les marches pieds nus (shocking!), impossible de contourner cette règle d’un autre temps.
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Coupez (le gaz et l’électricité) !
Ce mardi 23 mai, plusieurs restaurants de La Croisette ont été privés de gaz et d’électricité. La tuile, quand il faut nourrir tout ce beau monde qui prend d’assaut les terrasses et paillotes cannoises durant le festival. Le commissariat central n’avait plus de jus non plus. Durant plusieurs heures, c’était le black-out. L’action a été revendiquée par la CGT qui proteste contre la réforme des retraites. Trois employés de GRDF et Enedis ont été pris en flagrant délit et placés en garde à vue dans la foulée. Parallèlement à ces coupures, une centaine de manifestants de la CGT étaient réunis ce même jour autour de la gare de Cannes.