Critique écrite durant le Festival de Cannes 2023, le 20 mai, et mis à jour pour la sortie en salle du court-métrage.
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Strange Way of Life, c’est quoi ?
La séance a démarré par une introduction du casting et du cinéaste mais avant ça, Thierry Frémaux a démarré la séance en expliquant qu’il avait échangé avec Pedro Almodóvar l’idée qu’il faudrait que Cannes, chaque année, diffuse des courts-métrages de grand·e·s auteur·rice·s, d’habitué·e·s de la Compétition officielle.
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On trouve l’idée particulièrement bonne – elle permettrait à certains cinéastes bloqués avec des financements compliqués ou autre de faire de petits films, et elle permettrait aussi de valoriser un art trop souvent regardé de loin, qui est important et auquel de grands noms pourraient faire du bien.
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C’est exactement là-dedans que s’inclut le nouveau film de Pedro Almodóvar, donc, Strange Way of Life. Un court conçu entre deux longs, financé par la toute récente boîte de production d’Yves Saint Laurent (qui produit au passage tous les sublimes costumes). C’est aussi l’un des tout premiers films en anglais du cinéaste espagnol – après un autre court-métrage, The Human Voice, porté par l’immense Tilda Swinton.
C’est un western mais signé Almodóvar, donc sous la forme d’une romance, et pas n’importe laquelle : Jake (Ethan Hawke), shérif d’une petite bourgade, voit revenir Silva (Pedro Pascal), une vingtaine d’années après leur séparation. Un ancien amant et une passion qui n’est jamais partie, et ce, malgré un crime qui lie les deux…
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Pourquoi c’est bien ?
Il est sans doute plus difficile d’écrire un court qu’un long-métrage, et plus encore pour des cinéastes habitués des écrans géants. Il faut réussir à créer des personnages, les rendre un minimum attachants, construire une histoire, tout ça en trois, quatre, cinq, voire six fois moins de temps qu’à l’accoutumée.
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C’est peut-être la plus grande faiblesse du film : non habitué à l’exercice, Almodóvar se retrouve obligé de faire des dialogues très condensés mais résumant au mieux la situation. Il n’y a pas la place à l’ambiguïté, on doit savoir vite quel est le passif entre les deux personnages et pourquoi ils se retrouvent maintenant. Cela peut paraître assez peu naturel. Mais on lui pardonne volontiers.
Déjà parce qu’on n’oublie pas que c’est le premier objet filmique de l’immense cinéaste (actif depuis bientôt quarante-cinq ans, s’il vous plaît) dans la langue de Shakespeare. Bien que parlant très bien l’anglais, ce dernier doit quand même écrire des lignes de dialogues dans une langue étrangère. Pas simple.
D’autant plus que dans la bouche de notre nouveau duo préféré, tout sonne bien. On avait peur au vu du trailer de ne pas croire à l’alchimie de ce vieux couple, alors qu’elle est pourtant évidente. Il faut dire que ça se joue beaucoup dans les regards, l’intensité de certaines phrases et une gestuelle sensuelle. Comme souvent chez Almodóvar.
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Car il faut le souligner et l’appuyer : malgré cette langue, malgré ces acteurs hollywoodiens d’une grande envergure, malgré le fait qu’il se soit approprié un genre phare de l’histoire du cinéma américain (le western hollywoodien), c’est du pur Almodóvar.
Déjà, par la reprise d’un thème cher à son auteur, à savoir une histoire d’amour homosexuelle sincère bien que perturbée. Mais dans la mise en scène aussi. Les couleurs vives qu’on lui connaît sont bien là. Plus encore, la composition du cadre, ces plans sur le visage qui prennent toute la place de l’écran, ces plans où chacun prend la moitié de l’image (un en fond, l’autre devant) sont également présents. Du pur Almodóvar, donc, ce qui n’était pas simple.
La réelle frustration est qu’on en aurait bien pris le triple ou le quadruple.
On retient quoi ?
L’acteur qui tire son épingle du jeu : Le duo, vraiment incroyable
La principale qualité : Du pur Almodóvar
Le principal défaut : Peut-être pas assez pensé comme étant un court-métrage
Un film que vous aimerez si vous avez aimé : la réponse évidente est Le Secret de Brokeback Mountain, ou peut-être plus précisément l’excellent The Power of the Dog de Jane Campion, mais il faut surtout aimer le cinéma de Pedro
Ça aurait pu s’appeler : Te quiero, yo tampoco
La quote pour résumer le film : “Quand Pedro Almodóvar s’attaque au western, il le transforme en romance maudite entre deux immenses acteurs, et c’est évidemment sublime.”