Au cours du Festival de Cannes, Konbini vous fait part de ses coups de cœur ou revient sur les plus gros événements de la sélection.
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Le Livre des solutions, c’est quoi ?
Michel Gondry s’était fait discret depuis Microbe et Gasoil, sorti en 2015, tandis que sa dernière apparition au Festival de Cannes remonte à The We and the I, en 2012. Cette fois, il intègre la prestigieuse sélection de la Quinzaine des cinéastes avec Le Livre des solutions, récit tragicomique et semi-autobiographique où Pierre Niney prête ses traits à une version jeune du cinéaste français.
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Marc (non, pas celui de La Flamme ou du Flambeau) est un réalisateur maniacodépressif en pleine crise. Il est lâché par ses producteurs qui lui reprochent de faire un film trop long, trop expérimental et surtout trop inconsistant. Car Marc a un problème : il est terrifié à l’idée de regarder le montage de son long-métrage, jusqu’à en faire des crises d’angoisse.
Pour reprendre le contrôle de son film et le terminer comme il l’entend, Marc décide d’emmener ses rushs et toute son équipe dans un petit village des Cévennes où vit sa tante Denise. Là, il retrouve sa créativité, mais ce foisonnement d’idées inédites le rend anxieux et incontrôlable. Pour se recentrer, il décide d’écrire le Livre des solutions, un ouvrage salvateur censé apporter une réponse à chaque problème du quotidien.
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Pourquoi c’est bien ?
Au cours du festival, on a vu des films brillants mais particulièrement durs : The Zone of Interest de Jonathan Glazer, qui revient sur l’horreur d’Auschwitz ; Black Flies de Jean-Stéphane Sauvaire, qui explore le quotidien infernal des ambulanciers new-yorkais ; How to Have Sex de Molly Manning Walker, réflexion féministe sur la culture du viol dans l’univers de l’adolescence… Comment vous dire que, au milieu de ce cinéma glaçant et réaliste, Le Livre des solutions apparaît comme une bouffée d’air frais dans la plus pure tradition des films burlesques de Michel Gondry, du genre à se taper le cul par terre si vous me permettez l’expression.
On a assisté à la projection dans une salle à l’unisson, à rire aux éclats et à applaudir sur les moments de grâce de Pierre Niney, absolument génial et truculent en réalisateur au bout du rouleau. Gondry, son parrain historique lors des César, lui offre sûrement son rôle le plus intimiste, puisque Le Livre des solutions est une fable certes tragicomique mais qui revient en partie sur la vie du réalisateur français et ses galères à l’aube de sa carrière – difficile de ne pas voir des références à L’Écume des jours, sa dernière très grosse production que l’on imagine facilement comme étant le point de départ du récit ici. Mais au lieu de s’apitoyer sur ses débuts difficiles, Michel Gondry nous montre la facette la plus créative (et, quelque part, névrosée) de son cinéma, à base de “camiontage” et autres inventions farfelues dont il a le secret.
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La plus grande force de ses films est le retour en enfance qu’ils proposent. Comme un homme atteint du joyeux syndrome de Peter Pan, Gondry capte la naïveté attendrissante de l’âme humaine, symbolisée par les caprices absurdes de Marc, son personnage métafictif névrosé – malade même, puisque médicamenté. À la manière d’une symphonie cacophonique, le récit atteint son paroxysme dans une scène hilarante et surréaliste où Pierre Niney fait jouer un orchestre au rythme de son corps. Une séquence hallucinée mais si drôle qu’elle résume toute la beauté du cinéma de Michel Gondry : la force de l’imaginaire et du lâcher prise.
La morale du Livre des solutions se résume dans une célèbre punchline d’Orelsan apparue dans “Notes pour trop tard” : “Si tu veux faire des films, t’as juste besoin d’un truc qui filme”. Comme dans sa comédie barrée Soyez sympas, rembobinez, où deux employés d’un vidéoclub décident de refaire les films de façon artisanale après avoir détruit l’intégralité des VHS, Michel Gondry multiplie les idées et créations visuelles pour nous embarquer dans son imaginaire : montage en stop-motion, séquences animées (le fameux renard qui veut bâtir son salon de coiffure, à mourir de rire), cadrages surprenants à travers un trou dans une feuille d’arbre… Il s’éclate et on s’éclate devant ce cinéma art plastique, sa marque de fabrique depuis son premier long, Human Nature.
Si Pierre Niney excelle dans son ton comique, il est également très bien entouré, à commencer par Blanche Gardin, monteuse imperturbable qui lâche autant de punchlines acérées que Picasso peignait de chefs-d’œuvre. Dans les rôles secondaires, on veut aussi souligner le pauvre Carlos, incarné par le discret et attendrissant Mourad Boudaoud, running gag le plus drôle du film (à cause d’une sombre histoire de toux chronique, on ne vous en dira pas plus).
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Mais notre cœur a surtout fondu pour la tante Denise, sorte de mère spirituelle pour Marc (et probablement en référence à la propre maman de Gondry), campée par Françoise Lebrun. Parce que Marc aura beau tenter de soigner son anxiété, de composer une BO à l’improviste, voire de résoudre les crises géopolitiques avec son naïf Livre des solutions, la réponse à nos questions se trouve en réalité dans l’entre-soi et nos relations aux autres.
Et en fin de compte, c’est sûrement ça, le plus beau message de ce Gondry burlesque, tendre et inspiré.
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On retient quoi ?
L’acteur qui tire son épingle du jeu : Pierre Niney, habité et truculent
La principale qualité : ses punchlines hilarantes
Le principal défaut : ses vingt dernières minutes un peu plus faibles
Un film que vous aimerez si vous avez aimé : Soyez sympas, rembobinez de Michel Gondry, les scènes avec le docteur Juiphe dans La Flamme et Le Flambeau
Ça aurait pu s’appeler : Triste le matin, manipulé l’après-midi
La quote pour résumer le film : “Le Livre des solutions apparaît comme une bouffée d’air frais dans la plus pure tradition des films burlesques de Michel Gondry, du genre à se taper le cul par terre si vous me permettez l’expression.”