L’été dernier, l’évènement cinématographique était la sortie de Tenet, le nouveau film de Christopher Nolan. “Tenet va-t-il sauver le cinéma ?”, voici la question qui a fait les gros titres de la presse spécialisée tout l’été, au cœur d’une année inédite qui a changé la face du cinéma.
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Fort heureusement, l’été 2021 aura été plus mouvementé pour le septième art. Entre jauges strictes puis mise en place du pass sanitaire, l’industrie aura également pu compter sur le Festival de Cannes et des blockbusters français pour porter l’actualité cinéma cet été. Et au milieu de tout ce bruit, des longs-métrages plus confidentiels sont venus illuminer les salles obscures grâce à leur humour, leur verve ou leur sensibilité. Attachez vos ceintures, voici tout ce qu’il s’est passé au cinéma cet été.
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Joli mois de mai
Le 19 mai dernier, les salles ont rouvert leurs portes au grand public avec des jauges très strictes, qui se sont ensuite assouplies avant d’être totalement levées le 30 juin dernier. Et dès la réouverture des salles obscures, le public français est retourné en masse dans les cinémas qui ont accueilli 8,5 millions de spectateurs en seulement un mois.
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Dès la première semaine, après plus de six mois de diète, plus de 2,2 millions de spectateurs étaient au rendez-vous, malgré la jauge à 35 % et le couvre-feu. L’an dernier au même moment, c’était principalement les cinéphiles qui retournaient au cinéma. Mais cet été, le public était bien plus varié : Adieu les cons, la comédie césarisée d’Albert Dupontel, Conjuring : Sous l’emprise du diable, un film d’horreur, le manga Demon Slayer : Le Train de l’infini ou Tom et Jerry pour les familles, tous figuraient dans le Top 10 de la reprise.
Puis le 21 juillet dernier, le pass sanitaire a fait son entrée, semant à nouveau le trouble dans les cinémas de France. Fin juillet, le box-office français a accusé une lourde chute de 71 %, suite à son extension aux milieux culturels, faisant craindre le pire aux professionnels du secteur. Mais finalement, la catastrophe industrielle sera évitée et en août, le box-office a repris des couleurs. Deux semaines après la mise en place du pass sanitaire, la baisse des entrées avait été enrayée et à part Eiffel de Martin Bourboulon décalé au 13 octobre, aucun nouveau report ne fut à signaler.
Car pour faire ronfler la machine cinéma cet été, les professionnels ont pu compter sur deux temps forts, le Festival de Cannes, exceptionnellement décalé début juillet et surtout, la sortie de blockbusters français très attendus.
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Un été en demi-teinte
En juillet, les salles obscures ont vu se mêler longs-métrages cannois et quelques blockbusters américains. Depuis plusieurs années déjà, dans une volonté de démocratisation, le Festival de Cannes projette les films sélectionnés en compétition en simultanée de leur sortie dans les salles obscures.
Cette année, le film évènement sur la Croisette était Annette, dernier long-métrage de Leos Carax, près d’une décennie après Holly Motors et première grosse claque du Festival, qui a ouvert les festivités cannoises en même temps que sa sortie en salles le 7 juillet.
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Le jour de sa sortie, le film réunissait 41 000 spectateurs et signait ainsi le meilleur démarrage de la carrière du réalisateur, loin devant Holy Motors qui, en 2012, n’avait fait que 8 000 entrées le premier jour d’exploitation. Au total, le film a réuni près de 265 000 spectateurs.
Sorti le même jour dans les salles françaises (et deux jours avant les États-Unis), Black Widow a explosé le box-office en frôlant le million d’entrées en première semaine, sans faire cependant trop d’ombre à la petite Annette. Deux jours plus tard, le vendredi 9 juillet, dans la foulée de sa projection à Cannes, Benedetta de Paul Verhoeven sortira au cinéma et cumulera 111 000 entrées en première semaine.
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Le troisième film cannois révélé quasi simultanément aux festivaliers et au grand public fut Titane, second film de la Française Julia Ducournau, sorti le 14 juillet en salles et sacré Palme d’Or trois jours plus tard, le 17 juillet. Film radical qui a autant remué que convaincu jury et festivaliers, Titane a cependant bénéficié de l’effet Palme d’Or et en première semaine, il a attiré 55 214 spectateurs en salles, se hissant ainsi dans le top 5 des meilleurs résultats la semaine de sa sortie.
Mais l’entrée en vigueur du pass sanitaire a assombri le merveilleux destin du long-métrage. Au lendemain de son sacre à Cannes, 20 000 curieux sont allés voir le film en salles mais à partir du 21 juillet, date de l’entrée en vigueur du pass, les entrées quotidiennes se sont effondrées à 5 000. Face à lui, la sortie de l’éléphant Fast and Furious 9 qui a démarré sur les chapeaux de roues, n’a pas arrangé les affaires de Titane. Cette neuvième ode aux grosses cylindrées a tout pulvérisé sur son passage et a amassé plus d’un million d’entrées en France en première semaine.
À l’aube du mois d’août, un autre blockbuster très attendu sortait dans les salles françaises : The Suicide Squad, le nouveau film de James Gunn. Si les critiques ont été globalement positives et que le cinéaste a réussi à (en partie) faire oublier le volet original sorti en 2016, sa réception en France a été une déception, avec à peine 700 000 entrées depuis le 28 juillet – comparativement aux plus de deux millions d’entrées du film de David Ayer. Malgré cette injustice, Warner prouve qu’il est possible de proposer un cinéma de super-héros grinçant, fun et con sur les bords, à différencier de la formule parfaitement huilée de la machine Marvel.
En août, c’est le cinéma hexagonal qui fait fonctionner les projecteurs. Le 21 juillet fut une journée à marquer d’une pierre blanche pour les fans de Kaamelott. Après près d’une décennie d’attente, le long-métrage d’Alexandre Astier est enfin sorti en salles et son succès au box-office sera proportionnel aux années d’attente puisque le film s’est offert le titre de plus gros succès cinéma depuis le début de la pandémie. Après cinq semaines d’exploitation, 2 300 000 billets ont été achetés et malgré le pass sanitaire, la fan base de la saga, la plus solide dans la fiction française, était au rendez-vous jusque dans l’espace puisque même Thomas Pesquet a eu droit à sa copie personnelle du film.
En cette fin d’été, Kaamelott continue donc de devancer le nouvel opus OSS, Alerte rouge en Afrique noire, sorti le 4 août en salles. Malgré la popularité de la franchise et la présence de Pierre Niney au casting, ce troisième volet a signé le moins bon démarrage de la saga. En première semaine, il a engendré 685 878 entrées, contre 1 090 269 entrées pour Rio ne répond plus et 835 334 entrées pour Le Caire, nid d’espions avant lui. Mais le film, qui a lui aussi nécessairement souffert de la mise en place du pass sanitaire, réalise néanmoins le 4e meilleur démarrage de 2021. Un beau score pour un contexte aussi difficile et pour le retour, 12 ans plus tard, d’un personnage culte.
Enfin, à la fin de l’été, après d’incessants reports, Bac Nord, le film d’action français du marseillais Cédric Jimenez est enfin sorti dans les salles obscures. Porté par le trio d’acteurs Gilles Lellouche, Karim Leklou et François Civil, le thriller consacré à l’affaire qui a fait vaciller la police marseillaise a rassemblé 483 381 spectateurs dès sa première semaine en salles. Précédé d’une polémique cannoise après qu’un journaliste irlandais a reproché à l’équipe du film de jouer le jeu de l’extrême droite en représentant les habitants des cités comme des “des bêtes“, le film continue de faire parler de lui.
Alors qu’il devrait franchir le million d’entrées d’ici peu et a été acheté par Netflix pour une diffusion hors du territoire français, Marine Le Pen s’est récemment fendue d’un tweet, appelant ses abonnés à découvrir ce film qui est “la réalité” selon la présidente du Front National.
Hong Kong et Sidney… Die et Sète
S’ils n’ont pas attiré les foules dans les cinémas, d’autres films ont su réenchanter les salles obscures, chacun à leur façon. Le 21 juillet dernier, aux côtés du mastodonte d’Alexandre Astier, ressortait In the Mood for Love, le film phare de Wong Kar-wai, en version restaurée. Vingt ans après sa présentation à Cannes, l’envoûtante idylle de Mme Chan et M. Chow a charmé les rétines de 30 000 spectateurs cet été. Un beau succès pour un film de patrimoine.
Sélectionné l’an dernier à la Mostra de Venise, couronné du prix Marcello-Mastroianni du Meilleur espoir pour Toby Wallace mais sorti le 28 juillet dernier, Milla est l’un des grands sacrifiés la pandémie. Injuste destinée, car ce premier film australien est une merveille. Dans un agencement de séquences de vie disparates, il chronique le quotidien de Milla, une adolescente australienne atteinte d’un cancer, qui change d’humeur comme de perruques et que ses parents, imparfaitement humains, tentent de protéger envers et contre tout.
Milla porte son uniforme immaculé, s’applique à ses cours de violon et prend son traitement avec soin, mais va également s’éprendre de Moses, un petit voyou à la gueule cassée profondément attachant qui parviendra à se faire une place dans la famille malgré les réticences des parents de Milla. Aussi lumineux sur le fond que sur la forme, Milla et son irréprochable casting adulte et adolescent n’a définitivement pas fait le bruit qu’il mérite
Après Hong Kong et Sidney, direction Die puis Sète pour la fin de notre été de cinéma. Prochain arrêt : la Drôme provençale avec À l’Abordage de Guillaume Brac, une comédie estivale comme on en a rarement vu, d’abord dévoilée sur Arte avant une sortie en salles le 21 juillet. Derrière sa caméra, le réalisateur a suivi les tribulations estivales de Félix, Chérif et Édouard, leur chauffeur BlaBlaCar fils à maman, partis rejoindre Alma, l’amoureuse d’un soir de Félix, en vacances dans sa maison familiale drômoise.
Entre virées au parc aquatique, glaces à l’eau et soirées karaoké, de drôles de liens vont se créer entre tous ces protagonistes estivaux dans une comédie intelligente devant laquelle on rit. Beaucoup.
Terminus du voyage : Sète, ses huîtres, la danse et sa jolie romance. Avec Fragile, sorti le 25 août dernier, Emma Benestan a illuminé la fin de l’été. Par cette étonnante comédie romantique, son héros sensible et sa bande de comédiens spontanés, la réalisatrice renverse les codes du genre et le résultat est aussi réjouissant que rafraîchissant.
Ici, c’est Az, un jeune homme à fleur de peau, qui se retrouve le cœur en miettes après que sa petite amie, une actrice de série B, a refusé sa demande en mariage, la bague dissimulée dans une huître. Alors que ses copains ne cessent de le traiter de “fragile”, ce sont les femmes de son entourage, sa grand-mère, sa mère, sa sœur et surtout Lila, sa meilleure amie, qui vont l’aider à remonter la pente. Et c’est par la danse qu’il va trouver son salut. En convoquant le soleil du Sud, la verve marseillaise et une bonne humeur contagieuse, ce Grease de la Côte d’Azur a conclu notre été en beauté.