Le ton est donné dès l’entrée de “Basquiat Soundtracks”, qui court jusqu’au 30 juillet 2023. Le tableau grand format Anybody Speaking Words (1982), frappé du mot “opéra”, jouxte la cartographie des boîtes de nuit qui secouent le New York de la charnière 1970-80. Basquiat, né dans cette ville, les fréquentait assidûment, souvent sur le dancefloor, parfois derrière les platines.
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“Basquiat ne s’interdisait rien. Il écoutait autant Beethoven, la Callas, que Blondie, du rap ou Louis Armstrong”, présente à l’AFP Vincent Bessières, un des trois commissaires de l’exposition. Elle s’articule autour de quelque 70 œuvres signées de Basquiat – sans rapport, donc, avec l’autre exposition parisienne du moment, “Basquiat x Warhol, à quatre mains” à la Fondation Louis Vuitton.
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Différentes musiques, du hip-hop au classique, et des sons typiques de la Grosse Pomme, comme le bruit du métro, escortent le public au cours de sa déambulation. “On a mis la musique en mouvement dans l’exposition, car Basquiat n’était pas quelqu’un qui compartimentait les choses”, poursuit Vincent Bessières.
Madonna, Debbie Harry
L’artiste est lui aussi en mouvement, puisqu’on le voit au détour d’une salle, dans un extrait de film, marcher, clarinette à la main, devant des cinés porno ; ou, bombe en main, taguer d’un slogan-mantra, typique de son œuvre, un mur décrépi. Des images fusent de postes de télévision empilés, rappelant que l’époque était celle de l’explosion de la music video.
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Une pastille de MTV le montre d’ailleurs peignant en compagnie du musicien franc-tireur états-unien Arto Lindsay. Les visages du cercle de l’artiste défilent sur des Polaroid. On y reconnaît dans leurs jeunes années Madonna, qui fut une de ses petites amies, ou Debbie Harry, chanteuse de Blondie – Basquiat a fait de la figuration dans son clip “Rapture”.
L’ambiance club transpire dans plusieurs alcôves de l’exposition. Parmi des images en mode stroboscope, on voit Boy George, très anglais, théière et tasse en main dans le tumulte d’une boîte de nuit. Partout, la musique entre en résonance avec le travail de Basquiat. Les références à Charlie Parker, génie du jazz, se retrouvent dans plusieurs accrochages. “La musique est une des clés pour mieux comprendre sa démarche, son travail”, déroule M. Bessières.
King Zulu
Un écran tactile permet de découvrir les musiciens qui sont à la source du tableau King Zulu (1986). Racisme et préjugés touchant les artistes noir·e·s affleurent. Une de ses œuvres s’inspire des déboires du jazzman Thelonious Monk, en 1958, avec les forces de l’ordre en raison de sa couleur de peau et de leur racisme.
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La musique, Basquiat en écoutait, dans son loft-atelier, en club, mais il la pratiquait aussi. Il possédait une collection de près de 3 000 vinyles. Il fut ainsi brièvement leader et clarinettiste de Gray, groupe expérimental où on trouvait aussi le jeune Vincent Gallo, bien avant que celui-ci ne devenir acteur.
Basquiat a même produit pour son ami le rappeur new-yorkais Rammellzee un titre, “Beat Bop”, en 1983, dont il a dessiné aussi la pochette. “Il y a aussi cette idée qu’il se servait d’éléments, de photocopies par exemple, pour ses tableaux. Un procédé qui rappelle celui des samples, ces bouts de musique qu’on découpe, qu’on superpose, qu’on étire”, éclaire pour l’AFP le musicien français Chassol, un des artistes du cycle de concerts-événements présenté·e·s à la Philharmonie en parallèle de l’exposition.
Parmi la programmation, on note, entre autres, Mos Def, rappeur états-unien qui se fait appeler aujourd’hui Yasiin Bey. Le 12 août 1988, Basquiat est retrouvé mort d’une overdose à 27 ans dans son loft new-yorkais. Le soir même, il devait assister aux concerts des groupes de rap Run-DMC et Public Enemy.
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