Bac de français : on te sauve si t’as pas lu La Peau de chagrin de Balzac

Publié le par Michel Sarnikov,

(© Konbini)

Un résumé et surtout des clés pour mieux comprendre l’œuvre de Balzac.

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Tu as “oublié” de lire La Peau de chagrin et le bac de français, c’est demain ? Pas de panique, on te résume le livre, et au passage, on te donne quelques pistes de lecture qui feront, à n’en point douter, leur petit effet auprès des interrogateurs.

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Alors…

Balzac, c’est le roi du roman français. Tout le monde s’accorde à le dire, parce qu’il a été le premier grand écrivain réaliste. Ce qui revient à dire qu’il a plus ou moins inventé le roman tel qu’on le connaît aujourd’hui.

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Avec sa Comédie humaine, cette œuvre colossale constituée de plus de 90 romans alors que tu as déjà du mal à terminer un message WhatsApp, Balzac a voulu décrire la société dans les moindres détails, dans toute sa grandeur et toutes ses bassesses, décrire l’essor du capitalisme et de sa petite bourgeoisie, ainsi que la chute de la noblesse, dans tous les sens du terme.

Son titre de big boss, il l’a obtenu à la sueur de son front : pour écrire ses romans, il ne dormait presque jamais, buvait tous les jours du café par hectolitres, prenait des douches glaciales dès qu’il commençait à piquer du nez… Bref, un peu comme vous en ce moment à cause du bac, mais à l’échelle d’une vie.

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Honoré de Balzac a donné sa vie à la littérature. Tant et si bien qu’il en meurt de fatigue en 1850, à 51 ans, et que sur son lit de mort, il appelle Horace Bianchon, un personnage de médecin qu’il a lui-même inventé. Mais avant tout ça, avant qu’il ne commence vraiment la Comédie humaine, il écrit un récit fantastique, en 1831 : La Peau de chagrin.

Ça parle de…

Raphaël, un jeune homme qui perd ses dernières économies dans un casino. C’est le coup dur : en plus d’être dépressif, maintenant il est pauvre. “Qu’à cela ne tienne”, se dit-il, “ça part en suicide”. Mais avant de se jeter dans la Seine, comme il fait bon, il décide de se balader un peu sur les quais.

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À ce moment-là, Raphaël incarne très bien le désemparement des jeunes de l’époque : on leur a promis gloire et grandeur avec Napoléon, mais tout ce qu’il leur reste, ce sont des rêves brisés. Un peu comme nous avec le progrès : on nous a promis des voitures volantes et des robots, mais finalement, le soleil va devenir un laser de la mort et on va tous mourir dessous. Un peu tristoune.

Bref, Raphaël se balade et tombe par hasard sur un magasin d’antiquités. Il entre, fouille un peu, regarde à droite, à gauche, et tout à coup, sorti de nulle part, bim, un vieux. Il raconte un peu sa vie puis il sort un morceau de cuir sur lequel est écrit quelque chose en sanskrit, une vieille langue dans laquelle tous les trucs flippants sont toujours écrits.

Ce que le texte raconte, c’est que le propriétaire du morceau de cuir verra tous ses vœux exaucés. Et là, Raphaël se dit : “C’est très délicieuse, vraiment, haja le top.” Mais le truc, c’est qu’à chaque vœu exaucé, le morceau de cuir rétrécira un peu, encore et encore, et qu’une fois que le morceau de cuir aura tout à fait disparu, son propriétaire mourra.

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Le vieux met en garde le jeune homme contre cette “peau de chagrin”, mais de toute façon, Raphaël est désespéré : qu’a-t-il à perdre ? Allez, il en a rien à foutre : il prend la peau de chagrin et il filoche.

En sortant de chez l’antiquaire, il croise de vieux amis avec lesquels il part faire la fête. Pour quelqu’un qui allait se tuer, en fin de compte, il s’en sort pas si mal. En fin de soirée, Raphaël se met à raconter sa vie : il parle de son enfance difficile, de ses difficultés financières, de sa vocation d’écrivain… Bref, ça part en flash-back. Ou en analepse, ça sonne mieux.

Et pendant cette analepse, il parle de deux femmes : d’un côté, il y a Pauline, une gadji adorable, douce, magnifique, pleine de vertus, aux petits soins pour lui – bref, pour un gadjo cisgenre hétéronormé, c’est le feu absolu – ; de l’autre côté, il y a Fœdora, qui est froide, vénale, mystérieuse, et qui passe son temps à le bolosser, à le faire tourner en rond…

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Et bien entendu, ce débile de Raphaël, il tombe follement amoureux de qui ? De Fœdora, la vilaine bourgeoise nulle qu’il ne va, en plus, jamais pécho. Raphaël parle aussi de son pote Rastignac, et si ce nom vous dit plus ou moins quelque chose, c’est normal, c’est parce que ce personnage apparaît dans plusieurs romans de La Comédie humaine. Il fait des caméos, quoi.

Fin du récit de Raphaël et de l’analepse : pour la faire courte, amoureusement ou financièrement, la vie de Raphaël n’est pas rose du tout. C’est la raison pour laquelle il pensait à se suicider, au départ. Il déprime vénère quand soudain, il se souvient qu’il a la peau de chagrin ! Et il se dit qu’en fait, c’est simple, il a juste à faire un vœu pour que tout s’arrange.

“Je souhaite avoir mille milliards de francs”, dit-il un peu avant qu’un homme entre dans la salle et lui annonce qu’il hérite précisément de mille milliards de francs. Tout le monde est content, on fait encore plus la fête, mais Raphaël regarde la peau de chagrin, elle a rétréci…

Et là, c’est le début de la fin : on retrouve notre pauvre Raphou quelques mois plus tard, très riche, très polo Ralph Lauren, mais aussi très enfermé chez lui parce qu’il a peur de souhaiter quoi que ce soit et que la peau de chagrin rapetisse encore et qu’elle tue son propriétaire, lui… Et il a tellement fait de vœux que maintenant, elle est très, très petite.

Il va quand même au théâtre et là, il tombe par hasard sur Pauline. Vous vous souvenez, la meuf trop kawaii, trop petite puce d’amour en sucre d’orge ? En la regardant, il se rend compte de la boulette qu’il a faite en ne lui mettant pas le grappin dessus quand il en avait l’occasion. Du coup, il fait le vœu que Pauline tombe amoureuse de lui.

Mais la peau de chagrin ne rétrécit pas. Get it? Son vœu était déjà exaucé. En plus, Pauline lui annonce qu’elle est devenue très riche entre-temps, ce qui pousse Raphaël à se dire que s’il avait choisi la chouette fille dès le départ, au lieu de courir après les zouzs toxiques et la gloriole, il aurait toujours eu tout ce qu’il désirait.

Raphaël se rend compte que la peau de chagrin continue de rétrécir, il tente de la faire grandir par tous les moyens, mais rien n’y fait. Il tombe malade et, quelque temps plus tard, meurt, contre Pauline, avant même d’avoir pu la demander en mariage.

Et c’est intéressant parce que…

Création et destruction s’y affrontent.
Comme le dit l’antiquaire à Raphaël en guise d’avertissement, “vouloir nous brûle et pouvoir nous détruit ; mais savoir laisse notre faible organisation dans un perpétuel état de calme”. La Peau de chagrin met en scène un homme qui se laisse consumer par ses désirs, par l’argent, par l’ambition, par le “vouloir” et le “pouvoir”.

Aux énergies destructrices de la peau de chagrin, du désir insatiable et mortel s’opposent les énergies positives du “savoir”, de l’art, de la création. À la sombre Fœdora, qui incarne la société capitaliste dans toute sa brutalité et sa vanité, s’oppose une lumineuse Pauline, promesse de sagesse et de bonheur.

C’est la peinture d’une société aliénante.
Par l’argent, par le jeu, par l’ambition, la société corrompt ses membres et les piège : Raphaël en est l’illustration parfaite. En s’abandonnant à ses désirs, en acceptant la peau de chagrin, il signe un pacte avec le diable et son arrêt de mort. Il finira par trouver le calme et refuge contre le sein de Pauline, mais seulement à la fin du récit et dans la mort.

Le réalisme y pointe le bout de son nez.
En 1831, quand Balzac publie ce texte, le courant réaliste n’existe pas encore. Pourtant, même si La Peau de chagrin relève du genre fantastique, on devine les premiers signes de vie du réalisme en littérature : de longues descriptions, précises et minutieuses, des inventaires exhaustifs, des considérations sur l’économie, l’argent, les classes sociales, bref, comme dira Balzac à propos de sa Comédie humaine, le début de l’“histoire naturelle de la société”.