Bac 2024 : quand le cinéma répond aux sujets de philo

Publié le par Konbini,

Quand Interstellar, Ghibli, Avatar ou The Square vous aident à y voir plus clair.

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Ça y est, les bacheliers 2024 ont rendu leur copie de philo. La science, la vérité, la nature et l’art, autant de thématiques et d’enjeux de société qui trouvent des réponses ou un écho dans le cinéma. En 12 films, on vous aide à y voir plus clair. Deux heures, c’était le temps imparti pour faire nos preuves, d’Interstellar aux films des studios Ghibli.

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“La science peut-elle satisfaire notre besoin de vérité ?”

Selon l’auteur de SF Ray Bradbury, si “la science-fiction est de bon niveau, elle deviendra réalité. La science-fiction, c’est l’art du possible”. Film de science-fiction hautement philosophique, la trilogie Matrix, dont le premier opus est sorti en 1999, questionnait un monde dystopique où les humains vivent des vies de fiction, prisonniers d’une réalité virtuelle créée par la Matrice. Devenu une référence du genre, Matrix mêlait des questions philosophiques et métaphysiques pour différencier la réalité de la simulation, la vérité de l’illusion.

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C’est le moment de sortir votre meilleure analyse du mythe de la caverne, une expérience de pensée par laquelle une situation fictive mais crédible va permettre de distinguer le monde sensible et le monde intelligible, un cadre également posé par Matrix, qui interroge ainsi le spectateur par rapport à ce qui est réel et ce qui ne l’est qu’en apparence.

Dans Interstellar, Christopher Nolan mettait la fiction au service de la science pour illustrer le principe de relativité générale, selon laquelle l’espace et le temps sont liés, le temps formant la quatrième dimension, mais également que l’un et l’autre sont relatifs, qu’ils ne sont donc pas absolus et peuvent être déformés. Sur ce principe selon lequel la vérité du temps est malléable, Interstellar propose une odyssée spatiale et dramatique interrogeant les dimensions temporelles et affectives qui traversent nos vies.

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Ainsi, la vérité absolue du temps peut être détournée, soudoyée, bernée par des dimensions physiques qui le tordent mais aussi par les capacités émotives et intellectuelles des êtres humains à échapper au temps. Avec Interstellar, Christopher Nolan exprime donc une alternative optimiste à cette prison qu’est le temps : si le temps existe, il peut être reformulé, adapté, questionnant donc sa vérité.

En 1982, Ridley Scott se réappropriait dans Blade Runner la mythologie du romancier Philip K. Dick dans un grand film de science-fiction où, sur la planète surpeuplée de 2019, la population est encouragée à émigrer vers les colonies situées sur d’autres planètes tandis que pour effectuer des travaux pénibles ou dangereux ou pour satisfaire les besoins humains, des androïdes biosynthétiques à l’apparence humaine, appelés Replicants, ont été créés. Un des premiers films de SF à imaginer l’avenir en le prenant réellement au sérieux, Blade Runner posait des questions métaphysiques sur la définition de l’humain et ce qui le constitue.

Premier à exprimer au cinéma le scepticisme philosophique selon la chercheuse Sandra Laugier, questionnant la vérité de l’humanité et la réalité d’autrui, Blade Runner questionnait par une science-fiction très réaliste notre vérité humaine.

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“L’État nous doit-il quelque chose ?”

Si l’on pourrait répondre à la question par les récents événements qui ont agité la vie politique du pays, le cinéma a lui aussi largement questionné la politique.

En 2002, Steven Spielberg proposait Minority Report, un film dystopique lui aussi adapté de l’œuvre de SF de Philip K. Dick (genre décidément propice aux questionnements philosophiques et métaphysiques). Nous sommes en 2054 et les précogs, des humains mutants qui peuvent prédire les crimes à venir grâce à leur don de précognition, permettent à la ville de Washington d’éradiquer la criminalité.

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Dans ce film profondément politique, Spielberg proposait sa vision dystopique du futur où le crime serait condamné de façon préventive à l’aide de la science par l’État pour ainsi questionner le sens de la justice. Sorti post-11-Septembre, Minority Report se tenait également contre l’idéologie sécuritaire de l’Occident.

Cinéaste éminemment politique et chef de file de la fiction de gauche, Costa-Gavras racontait avec Z, sorti en 1969, cette période de montée du fascisme, camouflée en thriller pour mieux comprendre le mécanisme qui permet à un État soi-disant démocratique de manipuler la police et la justice. Dans un pays non identifié, est assassiné un député progressiste lors d’une manifestation pacifiste perturbée par des éléments provocateurs. Les militaires vont alors faire la loi pour lutter par tous les moyens contre les mouvements qui entacheraient les valeurs patriotiques.

“Toute ressemblance avec des événements réels, des personnes mortes ou vivantes n’est pas le fait du hasard. Elle est VOLONTAIRE”, précisait le cinéaste en colère, révolté par la mise à mort d’un rêve démocratique par la dictature.

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Rarement politique, Wes Anderson le fut avec son film d’animation L’Île aux chiens. En situant son action dans un Japon futuriste pour brouiller les pistes, où les chiens décrétés porteurs d’une grippe fatale étaient entassés sur une île façon décharge à ciel ouvert, le cinéaste livrait un récit d’anticipation et un conte philosophique, matinée d’une fable écologique et politique.

C’est au mépris de toute réalité scientifique, au prétexte d’une prétendue grippe canine, que l’État, incarné par le maire de la ville de Megasaki, va malgré lui permettre la survie d’un idéal démocratique sur cette île, lieu d’exil où le monde sera remis à l’endroit.

“La nature est-elle hostile à l’homme ?”

Avec Wild, Jean-Marc Vallée adaptait le récit de l’Américaine Cheryl Strayed qui a voulu guérir ses maux en marchant trois mois durant sur la Pacific Crest Trail, 1 700 km qui relient la frontière mexicaine à celle du Canada, espérant ainsi une forme de réparation de la part de la nature.

Dans le film, la nature à la fois immense, sauvage, magnifique, devient aussi menaçante et redoutable quand est accentué le contraste entre la frêle silhouette du personnage et l’immensité des paysages. Alternant les scènes d’efforts physiques extrêmes, de découragement puis de joie, la nature est dans Wild aussi thérapeutique que dévastatrice.

La nature est le motif le plus récurrent de l’œuvre de Hayao Miyazaki et l’un des piliers de sa filmographie. Les écosystèmes y sont souvent abîmés, détruits ou exploités par les humains et la nature se rebelle, souvent par des personnages devenus hybrides, des espèces qui racontent, elles aussi, le monde et qu’il s’agit d’écouter. Dans l’œuvre de Miyazaki, la nature n’est pas hostile à l’homme mais considérée comme un passage ou un refuge pour des personnages souvent en exil durant leur quête initiatique, hérité de culture shintoïste, selon l’essayiste Raphaël Colson.

Avec Avatar, James Cameron voulait proposer une analyse spirituelle de la question environnementale où l’humain est davantage hostile à la nature que l’inverse. Mais pour Frédéric Ducarme, chercheur en philosophie de l’écologie, la question environnementale renvoyée à la religion évacue toute dimension scientifique, matérielle ou politique de l’analyse. Autant de pistes de réflexions possibles quant à l’hostilité de la nature de l’homme envers l’homme ou de l’homme envers la nature.

“L’artiste est-il maître de son travail ?”

Dans The Square, portrait glaçant de l’hypocrisie du monde de l’art contemporain, un conservateur de musée d’art rassure sa conscience à grand renfort de galas humanitaires. C’est lorsque la performance d’un homme-singe à l’occasion de l’une de ces réceptions mondaines va trop loin échappant totalement au contrôle des commanditaires et devenant insoutenable, que surgissent les questionnements philosophiques du film.

N’est-ce pas justement quand il va trop loin et qu’il fait exploser les règles du jeu social que l’art devient intéressant ? Dès lors, l’accident ou la perte de contrôle ne sont-ils pas l’essence de l’art ?

Parler d’art, de travail et de génie, c’est certainement Milos Forman qui le fait le mieux dans Amadeus, son faux biopic de Mozart qui adopte le point de vue de son ennemi juré, Salieri, son concurrent à la cour de l’empereur Joseph II, qui nourrit à la fois de la haine, du mépris, de l’admiration et de l’envie pour le compositeur. Ici, l’art est une question de lutte, une opposition de deux talents et Amadeus raconte formidablement l’ambivalence du génie.

Non, l’artiste n’est pas maître de son travail, surtout quand les sentiments s’en mêlent. Dans Portrait de la jeune fille en feu, Marianne tombe amoureuse d’Héloïse en la peignant. Héloïse tombe amoureuse de Marianne à travers son regard. Dans le face-à-face de Marianne avec son modèle, il y a un rapport de pouvoir et Céline Sciamma de dépeindre ainsi une artiste maîtrisée, dépossédée, dépassée par son sujet.