Le 10 septembre dernier sortait The Melodic Blue, le premier album de Baby Keem. Rappeur très en vogue depuis quelques années aux États-Unis, ce dernier est parvenu à livrer un projet réussi et consistant, s’imposant comme bien plus qu’un rookie, mais comme un candidat sérieux au moment d’établir les top albums en fin d’année.
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Car si Baby Keem, le cousin de Kendrick Lamar, a su, avec The Sound of Bad Habit et plus récemment Die for My Bitch, faire naître de gros espoirs, le rappeur de Californie est parvenu dans cet album à trouver une harmonie parfaite pour ouvrir facilement son univers musical à un large public, le tout en restant fidèle à sa formule. Sûr de ses forces, percutant dans ses flows, solide sur ses propres prods et, avec parcimonie, touchant dans ses textes.
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Un dégradé de couleur harmonique
The Melodic Blue semble déjà être la consécration d’un album cohérent qui représente parfaitement l’univers de Baby Keem. Après des projets très prometteurs, certains étaient curieux de voir comment il allait, sur un plus long format, réussir à se renouveler dans ses voix, ses flows, et s’il allait parvenir à passer le cap d’un premier album qui marquerait le public.
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Ce qui fait la richesse de The Melodic Blue, c’est avant tout la qualité des prods. Et ça, Baby Keem n’y est pas étranger. Impliqué dans la composition de 14 des 16 morceaux, le rappeur et producteur (une double casquette qui le caractérise) donne une homogénéité à son propos et s’offre ainsi la possibilité de parfaitement accompagner ses textes.
La mission n’était pourtant pas facile, tant l’album alterne entre morceaux puissants, démonstrations techniques, mélodies, morceaux mélancoliques et ambiance rétro années 1980 (sur le titre “16” notamment). Cette hétérogénéité n’est, finalement, à l’image de la cover, qu’un dégradé de toute la palette artistique qu’il a maniée (et domptée) sur The Melodic Blue.
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Le renouveau dans le contenu s’est aussi ressenti sur la capacité de Baby Keem à rester captivant sur les longs morceaux. Lui qui s’adonnait à des titres avoisinant les deux minutes auparavant, il a totalement revu sa formule (avec brio) sur des morceaux comme “Lost Souls”. Encore une fois, les changements d’instru et les évolutions de prod jouent un rôle essentiel dans la narration du quotidien de Hykeem. Le tout chapeauté par un Kendrick Lamar que l’on sent au cœur de la construction (il est présent sur trois titres et son influence se ressent énormément sur certains passages).
Baby Keem, à cœur ouvert derrière sa carapace
“One day, I’ll tell you how my life was unfortunate, for now, I’ll tell you how fast these Porsches get.”
“Un jour, je te raconterai comment ma vie a été difficile, pour l’instant, je te raconte à quelle vitesse vont ces Porsche.”
– “Scapegoats”
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Ces deux mesures résument bien l’état dans lequel se trouve Baby Keem. Visiblement torturé par un passé difficile, il ne peut s’empêcher d’extérioriser ses plaies encore ouvertes. Sans pour autant s’attarder dessus, ses confessions au compte-gouttes comblent petit à petit le mystère autour de son passé. C’est pourquoi l’ego trip représente une majeure partie de ses textes. Jouissant de son nouveau statut de célébrité, l’enfant de Los Angeles ne se prive pas de rejoindre ses collègues rappeurs dans la fierté d’appartenir au star-système.
Pour autant, il serait réducteur de résumer Baby Keem à cette facette-là. Justement, sur ce disque, il laisse une porte entrouverte sur un passé douloureux, qu’il évoque sur certains titres comme “Issues”, “Scars” ou “16”. Il se confie sur l’alcoolisme de sa mère, sur son abandon quand elle est partie en cure de désintoxication, sur la pauvreté dans laquelle il a grandi. Une volonté de se libérer de ses démons, qu’il ne parvient pas à sortir de sa tête. Cette ascension sociale le perturbe et le perd dans les relations qu’il noue depuis sa célébrité.
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“Bitches is my scapegoat, who I made this tape for? I tell the story two years later, for now, the case closed.”
“Les ‘bitches’ sont mes boucs émissaires, pour qui j’ai fait cet album ? Je raconte l’histoire deux ans plus tard, pour l’instant, l’affaire est close.”
– “Scapegoats”
Un des sujets principaux de l’album sont ses relations avec les femmes. Lui qui laisse entendre sur l’excellent “Scapegoats”, morceau central, qu’il a été brisé il y a deux ans, préfère se tourne vers des relations superficielles plutôt que de s’engager à nouveau, de peur de raviver un passé qui l’a blessé. Keem s’avère émouvant, triste et mélancolique derrière ses exubérances et démonstrations de réussite.
L’album US de l’année ?
Au milieu de tout le cinéma auquel nous avons eu droit cet été, entre les sorties de Kanye West et Drake, Baby Keem s’est fait plus discret. Laissant uniquement la musique parler. De quoi s’attirer la sympathie de nombreux auditeurs, fatigués de la saga des deux plus gros vendeurs de l’année, dont les albums ne firent d’ailleurs pas l’unanimité. Face à ces mastodontes qui occupent l’espace médiatique, Hykeem s’est fait une petite place et laisse son album démontrer son talent.
Certes, l’album comporte des défauts : quelques longueurs, parfois des redondances sur des vocaux et des flows, des featurings pas toujours utilisés de la meilleure manière (on pense à celui avec Travis Scott). The Melodic Blue a pourtant de quoi plaire à chacun tant la maîtrise et la diversité musicale sont au rendez-vous. Du surpuissant “Family Ties” au planant “Lost Souls” jusqu’au fantastique “16”, Baby Keem vient de toquer à la porte des plus grands et, après son apparition sur Donda le mois dernier, il deviendra à coup sûr une tête d’affiche du rap américain.