Tina Fey, Amy Poehler, Kristen Wiig, Maya Rudolph, Amy Schumer : le Saturday Night Live est longtemps demeuré le meilleur catalyseur d’humour outre-Atlantique et a permis à d’hilarantes humoristes de se faire une place au soleil dans un milieu encore et toujours très masculin. Mais loin de ce show mastodonte, d’autres voix à part arrivent à émerger à Hollywood pour reformer les rangs de l’humour au féminin version Gen Z.
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En passant de l’ombre à la lumière en à peine plus d’une année, un trio a récemment retenu notre attention : celui formé par Ayo Edebiri, Rachel Sennott et Molly Gordon, amies à la ville, qui, ensemble ou séparément, ont œuvré aux meilleures productions américaines de l’année. Shiva Baby, The Bear, Bottoms, Répétition générale : à 28 ans à peine, elles forment le Cinematic Universe le plus cool du moment.
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Cringe et impeccable timing comique
Tout commence à NYU où Ayo Edebiri et Rachel Sennott côtoient ensemble les bancs de la Tisch School of the Arts et se lieront d’amitié lors d’un open mic où Sennott inscrira Edebiri sans son consentement. Ça partait mal, mais l’une riait fort et l’autre pas et elles se sont immédiatement trouvées. Molly Gordon ne passera que deux semaines à l’université, qui suffiront cependant à poser les premières pierres de ce clan de cinéma aussi drôle et queer que freak qui n’aura de cesse de se recroiser devant ou derrière la caméra.
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Rachel Sennott et Ayo Edebiri chaufferont leur voix dans les comedy clubs de Brooklyn ou Manhattan et sur Internet dans la websérie Ayo and Rachel Are Single pour Comedy Central où elles théorisent ensemble sur les dernières tendances dating absurdes tout en esquissant les contours de leurs futurs personnages, un savant mélange de cringe et d’impeccable timing comique.
Alors que la première observe avec mordant les névroses de sa génération sur Twitter, Instagram ou YouTube et accepte frénétiquement tous les courts-métrages étudiants, dont celui d’une certaine Emma Seligman, la seconde s’active derrière le petit écran. Edebiri est d’abord assistante de production sur Broad City (également sur Comedy Central) et sert le café à Abbi Jacobson et Ilana Glazer, autre duo de New-Yorkaises un peu zinzin de dix ans leurs aînées, créatrices et actrices de cette série mémorable. Elle intègre ensuite les équipes d’écriture des séries What We Do in the Shadows, Dickinson et Big Mouth où elle tient de petits rôles et participe à presque tout ce qui se fait de plus drôle à l’écran.
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Loin des amphithéâtres, Molly Gordon prend des cours du soir en théâtre à NYU et gagne sa vie en tant que serveuse chez Balthazar, une brasserie française de New York. Enfant de la balle (elle est la fille du réalisateur Bryan Gordon qui a réalisé de nombreux épisodes de séries dont les monuments d’humour Freaks and Geeks, The Office ou Curb Your Enthusiasm), Molly Gordon a donc déjà quelques cartes en main. C’est sur les conseils de son amie la merveilleuse Beanie Feldstein qu’elle auditionne pour Booksmart, le teen movie nouvelle génération d’Olivia Wilde, dans lequel elle décroche le rôle d’Annabelle, alias Triple A, la cool girl “qui fait d’incroyables branlettes et qui a 1560 au SAT”.
Elle réalise également le court-métrage semi-autobiographique Répétition générale (Theater Camp en VO) avec Ben Platt, son meilleur ami d’enfance rencontré lors de l’un de ces fameux stages d’été option théâtre. Fans précoces de comédies musicales, ils formeront avec Beanie Feldstein et Noah Galvin la joyeuse petite troupe des Theater Geeks of America et joueront leurs créations dans des maisons de retraite de la côte Ouest.
La stupidité en tant qu’acte politique
Amitié et fidélité sont le nerf de ce club de cool kids qui continuent de travailler en famille. En 2020, Emma Seligman transforme son court-métrage Shiva Baby en un long-métrage du même nom et offre à nouveau le rôle principal à Rachel Sennott, devenue amie proche, cette fois-ci sur grand écran. La réalisatrice enferme son héroïne au bord de la crise de nerfs dans un huis clos claustrophobique le temps d’une réunion de famille juive très inquiète pour son avenir amoureux et professionnel, la confrontant à la pression sociale et familiale sans lui laisser le moindre répit. À ses côtés, Molly Gordon y est Maya, sa parfaite ex-petite amie.
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Mais dans la tête d’Emma Seligman et Rachel Sennott germe depuis plusieurs années le scénario de Bottoms, une comédie façon Fight Club lesbien, qu’elles finissent par accoucher après six ans de développement, non sans avoir embarqué à bord de cette teen comedy des plus absurdes leur amie Ayo Edebiri, entre-temps devenue l’un des visages de la série événement The Bear où elle excelle en sous-cheffe ambitieuse. Devant la caméra d’Emma Seligman, les deux actrices incarnent des lycéennes queers et peu populaires qui lancent un club de self-défense, dissimulé sous un prétexte de sororité, dans l’espoir de séduire des cheerleaders, très belles et très hétérosexuelles – en apparence.
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Totalement surréaliste, avec énormément d’humour et d’insolence tout en assumant sa bêtise et sa violence, Bottoms se permet tout, même des blagues sur le viol, dans un numéro d’équilibriste politiquement incorrect qui appuie là où ça fait mal. Avec ce film, les deux actrices semblent avoir trouvé leur créneau, celui d’un humour un peu bordélique et cringe qui parle de ce qu’elles connaissent, où la stupidité est fièrement revendiquée comme acte politique.
Le jour de la diffusion du premier épisode de la première saison de The Bear, Ayo Edebiri commence le tournage de Répétition générale de son amie Molly Gordon qui adapte en long-métrage son court du même nom. Cette dernière n’aurait dû être créditée qu’en tant que scénariste, afin de déléguer la réalisation du film à un cinéaste plus expérimenté, mais elle convaincra finalement la productrice Jessica Elbaum – également productrice de Will Ferrell que Gordon admire depuis son tout premier visionnage d’Anchorman à l’âge de 11 ans – rencontrée sur le tournage de Booksmart de lui laisser les manettes de la coréalisation avec Nick Lieberman.
Et bien lui en prit, car Répétition générale est une véritable petite merveille d’humour absurde. Dans ce mockumentaire un peu gênant façon Parks and Recreation et à l’ambiance estivale de Wet Hot American Summer, Gordon a rassemblé ses souvenirs d’enfance pour nous plonger dans le joyeux tumulte d’une colonie de vacances très queer où la liberté et l’expression artistiques sont les priorités de professeurs très dévoués et de theater kids très motivés. Edebiri y incarne une professeure experte en rien qui ne partage pas la passion générale pour la comédie musicale.
Elles ne le savent pas encore mais les deux amies se retrouveront à Chicago sur le tournage de la saison 2 de The Bear, où Molly Gordon sera recrutée pour jouer la petite amie du boyfriend d’Internet Jeremy Allen White sans même passer d’audition ni de “chemistry test” avec l’acteur. C’est Christopher Storer, le créateur de la série, qui la voudra pour interpréter la chirurgienne amoureuse après l’avoir fait tourner dans quelques épisodes de Ramy, qu’il a également produite.
Cette semaine, Ayo Edebiri a remporté, en quelques jours seulement, ses premiers Golden Globe, Critics Choice Award et Emmy Award pour sa performance dans la deuxième saison de The Bear et a mis le monde à ses pieds grâce à son évident talent mais aussi ses discours inspirés, ses looks fabuleux et son compte Letterboxd – le meilleur – où elle élabore des listes très spécifiques (“amazing farts” ou “it’s so hard to be a woman on vacation…”) et des reviews très à propos.
Bientôt, Edebiri rejoindra un autre Cinematic Universe, celui de Marvel, en intégrant l’équipe de ses plus fameux anti-héros dans Thunderbolts. Mais on espère surtout qu’elle continuera d’étendre son propre Cinematic Universe avec ses deux amies, celui dans lequel nos weirdos préférées ne s’excusent ni d’être drôles ni d’être bruyantes et ont le cran de transformer chacune de leurs absurdes idées en délicieux ovni queer et insolite.