Avec Ricardo et la peinture, Barbet Schroeder réalise un film poétique sur l’art et l’amitié

Publié le par Konbini avec AFP,

© Les Films du Losange

"L’art est la mystique que je cherchais. J’espère qu’avec le film, on touche un peu à cela."

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Avec Ricardo et la peinture, en salle depuis mercredi, le cinéaste suisse Barbet Schroeder propose un film sans égal sur son ami le peintre franco-argentin Ricardo Cavallo, “saint” des temps modernes. “Je voulais faire l’exploration d’un ami de quarante ans et de la peinture”, confesse M. Schroeder, 82 ans, en recevant l’AFP à Paris. Le film est un voyage hors du temps dans le processus créatif de Ricardo Cavallo, 69 ans, qualifié de “Saint-François d’Assise des temps modernes” par le réalisateur.

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Personnage central aux cheveux gris bouclés, regard doux comme son sourire, le peintre né en Argentine, exilé en France en 1976 et qui vit depuis 2003 à Saint-Jean-du-Doigt (Finistère), est à la fois le sujet et le coauteur à son insu de ce long-métrage. “J’ai fait un autoportrait mais je ne crois pas que je pourrais trouver beaucoup de gens comme Ricardo et faire une série sur le Bien”, assure l’auteur de L’Avocat de la terreur (2007) sur Jacques Vergès, ténor du barreau qui a notamment défendu le criminel nazi Klaus Barbie. César du meilleur documentaire, cette série d’entretiens est le deuxième épisode d’une Trilogie du mal, dont les autres volets sont consacrés au dictateur ougandais Idi Amin Dada et au moine birman islamophobe et ultranationaliste Ashin Wirathu (Le Vénérable W, en 2017).

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“Au plus proche”

“Qu’il s’agisse du Mal ou du Bien, tout dépend pour moi du personnage principal qui est aussi en partie l’auteur du film. J’essaie toujours d’être au plus proche de la vérité du personnage ou de la personne que je suis en train de filmer”, explique le réalisateur. Tourné en 2022, Ricardo et la peinture suit le quotidien d’un artiste très discret, qui peint dans une crique des gabbros, rochers de la côte finistérienne vieux de 350 millions d’années.

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Chevalet et matériel de peinture sur le dos, celui qui, enfant, dessinait “tout le temps” s’y rend presque chaque jour, lorsqu’il n’est pas dans sa cuisine partageant un repas avec des ami·e·s, à l’école de peinture associative Blei Mor qu’il a fondée ou plongé dans ses livres. Le public “entre” dans ses tableaux monumentaux composés de petites “plaques” comme un puzzle, qu’il retravaille au long cours en extérieur. C’est “l’imagination active”, explique Ricardo Cavallo à l’AFP, parlant du film comme d’un “cadeau du Ciel venant de très loin” qui raconte “comment on peut vivre l’art dans l’atelier géant qu’est la nature, en le partageant avec les autres”. Il salue, amusé, le “courage” de son ami d’avoir fait un film “sur un artiste inconnu”.

Mystique

On découvre ses tableaux, exposés à ses débuts à Paris et New York, dans le Finistère (“mon pays”, dit-il), et dans la chambre de bonne qui lui servait d’atelier à Neuilly-sur-Seine, à son arrivée en France. Un dialogue simple, entrecoupé de silences, guide le public à travers l’histoire de l’art, au fil d’un récit parlant des découvertes du peintre et de ses modèles : Vélasquez, Delacroix ou les Portraits du Fayoum, plus anciens portraits peints sur bois et lin datant de l’Antiquité. “L’art est la mystique que je cherchais. J’espère qu’avec le film, on touche un peu à cela“, confesse le peintre, qui, adolescent, est parti en quête d’un maître spirituel dans les monastères d’Argentine et du Pérou.

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Barbet Schroeder l’a rencontré au début des années 1980 à Paris grâce à son “père spirituel”, Karl Flinker, prestigieux galeriste. “Il m’a dit : ‘Je veux te présenter un génie’, Ricardo. J’ai rencontré une personne extraordinaire, qui a des qualités humaines infinies. On est très rapidement devenus amis avec le rituel de l’amitié sud-américain de boire du maté ensemble et j’ai commencé à m’entourer de ses toiles”, ajoute-t-il. L’une d’elles accueille d’ailleurs le public à l’entrée de l’appartement où vit Barbet Schroeder à Paris.