Avec le puissant “PILULE”, TH épingle les peurs d’une jeunesse désenchantée et questionne son rapport à la parentalité

Publié le par Sandra Gomes,

© Hunt

Le titre sorti il y a quelques mois a enfin le droit à un clip intense, à la hauteur d’un des morceaux les plus forts de l’année.

A voir aussi sur Konbini

“Je sais même pas si j’peux t’mettre au monde

J’veux pas t’accoucher au milieu des bombes”

Publicité

Après les premières notes d’une prod magistrale et planante signée BBP, c’est sur ces mots que démarre un morceau qui va venir vous prendre aux tripes. Au menu, le désespoir dans lequel évoluent les jeunes générations connectées à l’actualité du monde, aux premières loges du grand chaos dans lequel on vit.

Publicité

TH est un rappeur qui a fait sensation cette année. Après plusieurs sorties remarquées depuis l’année dernière, il enfonce le clou avec le projet E-TRAP, un joli ovni qui confirme que TH est à prendre au sérieux. Le morceau “PILULE” est quelque peu différent de ce qu’on entendait de lui jusqu’à présent. Il faut savoir déchiffrer l’écriture surprenante de TH pour en apprécier toutes les nuances et complexités mais ce titre a la particularité d’être sans équivoque.

Publicité

L’histoire qui y est contée est celle d’une grossesse qui intervient par surprise dans la vie d’un couple qui ne sait pas si donner la vie dans un monde en déclin est un vrai cadeau. Peser le pour et contre de créer une descendance, c’est un sujet de plus en plus présent chez les jeunes, témoins directs de l’inflation, de la difficulté d’accès au logement, des guerres, famines, crises climatiques et autres joyeusetés géopolitiques que nous ne savons plus regarder autrement qu’avec désenchantement tant l’on sait que l’on ne fera plus jamais marche arrière.

TH choisi de s’adresser directement à cette “petite graine” et délivre une interprétation si poignante que l’on avoue devoir parfois skipper ce morceau de peur de se retrouver les yeux embués en public.

“Joindre les deux bouts, pour nous, c’est d’jà assez difficile
J’sais même pas si j’parle avec mon garçon ou ma fille
À l’intérieur de moi, trop d’questions pour que tu ne manques de rien”

Publicité

Se pose alors la question de l’avortement, cette pilule qui viendrait tout “finir”. Ce morceau a été d’ailleurs considéré à tort comme un morceau sur la responsabilité de l’IVG, sujet malheureusement toujours sensible et un droit pour lequel il ne faudra jamais arrêter de se battre, mais il est davantage question de la responsabilité de faire des enfants.

“Mon espèce en train d’s’éteindre annonce le signal radio sur les ondes”

Le dernier rapport de l’INSEE révélait une chute du taux de natalité de 6,6 % en 2023 par rapport à 2022, un des niveaux les plus bas depuis la Seconde Guerre mondiale. “La force d’une nation réside aussi dans sa capacité à générer une natalité dynamique” déclarait Emmanuel Macron le 8 mai dernier dans un entretien du magazine ELLE. Serait-il encore intéressant de s’intéresser aux questions urgentes d’une population qui a de moins en moins de raison d’espérer un avenir meilleur.

Publicité

Les nouvelles générations sont aussi plus libres de se réapproprier les codes établis depuis des millénaires et de remettre en question l’obligation de se reproduire. On peut également y voir une conséquence de la libération de la parole et la quasi irréductibilité de connaître une agression dans sa vie.

On a interrogé des personnes qui, comme TH, se questionnent sur leur désir de parentalité et déclarent pour l’instant, ne pas envisager d’avoir d’enfants dans leur vie.

“Les contextes environnementaux, politiques et économiques à venir n’ont pas l’air radieux donc je suis persuadée de ne pas avoir envie de mettre un innocent au milieu de tout ça.” Pauline, 26 ans.

Publicité

“Déjà, avoir un enfant, ça coûte très cher. C’est un sacrifice financier énorme. Ensuite, c’est super chronophage, c’est une obligation de lui dédier énormément de temps et j’ai déjà du mal à comprendre comment je fonctionne, à gérer ma santé mentale alors si j’ai encore moins de temps pour le faire parce que je dois m’occuper de lui… Mais la raison principale je pense que c’est que lui, il n’a rien demandé et je veux pas lui imposer le fait de vivre dans un monde aussi pourri que le nôtre. Je veux pas non plus qu’il regrette son existence parce que dans le monde qui nous attend, ça va arriver de plus en plus, et ce sera à cause de mon égoïsme.” Rafael, 28 ans.

“La forte probabilité de me retrouver mère célibataire ou avec un père incompétent me terrorise. Au-delà de l’environnement économique, juste l’humain me fait peur et la perspective qu’il arrive quelque chose à mon enfant, peu importe son genre et peu importe qu’il soit victime ou agresseur, m’angoisse.” Shaïla, 27 ans.

Nul doute que ce morceau touchera, questionnera peut-être, et prouvera, encore une fois, que le rap est un des puissants reflets instantanés de la jeunesse.