Avec BAD BOY LOVESTORY, Theodora s’affranchit des codes et devient l’icône d’une génération décomplexée

Publié le par Sandra Gomes,

© Lea Esmaili

La mixtape a rapidement dépassé les millions de streams, on analyse ce projet qui rafraîchit et égaye les plateformes.

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Qui est Theodora ?

Le public alerte et aficionado de nouvelles sensations a découvert Theodora en décembre 2022 avec son premier coup d’éclat, le morceau “Le Paradis se trouve dans le 93”, petit bonbon acidulé au BPM élevé, où une voix aiguë et candide dresse le portrait de la précarité de la banlieue parisienne.

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Un premier vent de fraîcheur qui sonne encore comme une anomalie dans le paysage morne du rap français mais qu’elle viendra affirmer avec la sortie de son premier EP Lili Aux Paradis Artificiels, entièrement produit par Jeez Suave, son frère, beatmaker au talent versatile et plus complexe de projet en projet. Le tome 2 qui suivra plus tard viendra former une pièce originale, sorte d’épopée musicale d’une jeune femme désenchantée dans une ère où la solitude est reine mais où les peines se noient facilement dans les rythmes accélérés de l’hyperpop.

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On la recevait en mars dernier pour nous faire le premier bilan de son début de carrière et elle nous laissait déjà entrevoir une nouvelle ère à suivre.

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BAD BOY LOVESTORY

Nous voilà en novembre 2024, seulement un an et demi après la sortie du premier EP de Theodora, quand sort BAD BOY LOVESTORY. L’artiste a choisi un format mixtape, plus long que ses précédentes pièces ; sûrement une façon d’élargir son terrain de jeu. Encore plus de liberté, c’est la direction que semble avoir prise Theodora avec cette fois des sonorités aux influences majoritairement afro-caribéennes. De l’amapiano sur “FASHION DESIGNA”, du bouyon sur “KONGOLESE SOUS BBL”, du zouk sur “#IL” et du shatta sur “BIG BOSS LADY”, c’est un cocktail entraînant et festif qui dénote quelque peu avec ce qu’on avait entendu jusqu’à présent. La chanteuse laisse de côté la narration de l’anxiété sociale et de la solitude pour embrasser l’abandon de soi, l’affirmation et la prise de confiance, grâce à des prods aux propriétés galvanisantes signées notamment John Makabi, Mei et Mattu, Daddy Jo, ou encore et toujours Jeez Suave.

Au milieu de tout ça, quelques ovnis sonores apparaissent, comme UN MEILLEUR NOUS, une pop rétro, et MON CASQUE, du rock tout simplement, parce que pourquoi pas. Cette compilation de morceaux donne un tout qui peut être certes déroutant, surtout si on ne connaît pas encore la personnalité aux multiples nuances et décomplexée de Theodora, mais qui a la force d’exploiter l’exercice de la mixtape à son paroxysme et de faire déborder l’énergie d’une artiste en pleine ébullition créative.

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Nouvelle icône d’une génération ambiguë et décomplexée

S’il y a bien un mot qui a perdu tout son sens avec le temps, c’est “authentique”, et c’est pourtant le premier qui nous vient en tête à l’écoute du projet. Dans son sens originel, “authentique” ne veut pas simplement dire “vrai” mais signifie “s’exprimer et agir conformément à son ‘vrai moi'”, ce qui inclut ses propres pensées, émotions, besoins, valeurs, préférences et croyances. Transparente et sincère, voilà comment on pourrait définir simplement la musique de Theodora. Ce qu’il faut suivre lorsqu’on l’écoute, ce n’est pas une direction musicale précise et linéaire, mais elle. Peu importe la patte musicale qu’elle va choisir pour exprimer ses émotions, on ressent en premier le plaisir qu’elle prend à s’exprimer dans différents univers, mais c’est son identité qui brille et qui se démarque. Ce sont les histoires de Theodora que l’on a envie de suivre, ou pas, la proposition peut être clivante, mais est-ce que ce n’est pas plutôt un atout aujourd’hui et le signe qu’on ne fait pas de la musique générique ?

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BAD BOY LOVESTORY lui permet de passer à un autre chapitre, beaucoup plus joyeux, et entame une fête à laquelle on a tous envie de participer.

C’est ce qui fait de BBL un projet qu’il faut écouter, pour sa curiosité musicale, la manière dont Theodora s’amuse à piocher dans les genres qui l’ont influencée et surtout la dualité entre les joies et les peines exacerbées de quand on a 20 ans. Entre morceaux d’empouvoirement et moments d’introspection sensibles qui vont mettre des mots sur les peines de sa génération, on ne peut que s’attacher à cette nouvelle icône.

Et disons-le franchement : quel bonheur d’accueillir une jeune femme aussi prometteuse et rafraîchissante dans cette industrie musicale qui manque d’une représentation juste de ses auditeurs et auditrices. On te suivra partout, Theodora.

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