Si vous êtes attentifs, vous avez dû remarquer que dès ses premiers films, Guillermo del Toro faisait de l’animation. Ne se contentant pas de son amour des effets pratiques et d’une plastique si particulière, le cinéaste mexicain avait inclus de la stop-motion à proprement parler dans Cronos, dans Hellboy 2 (avec un monstre qui sortait d’une grotte), ou même dans Pacific Rim. C’est sans parler de son travail en tant que consultant créatif sur Kung Fu Panda 2 ou de producteur pour Le Chat potté ou Les Cinq Légendes.
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Un an après la sortie du colossal Pinocchio sur Netflix et alors que le Mexique est mis en avant cette année, il était logique que le Festival international du film d’animation d’Annecy invite le réalisateur. Ce mardi 13 juin et près d’une heure durant, il a donné une master class dans une salle remplie de journalistes, de professionnels, d’amateurs et surtout d’étudiants en animation.
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C’était aussi encourageant que déprimant, aussi enrichissant qu’hilarant.
L’animation, une passion d’enfance
Bien avant qu’il attaque le cinéma de manière professionnelle, Del Toro était déjà passionné d’animation. Enfant, il s’emparait de l’appareil photo de son père pour faire du stop-motion. Plus tard, il s’achètera son propre appareil et fera ses projets dans son coin, avant de carrément enseigner l’animation dans des établissements scolaires (“Je n’avais qu’un an de plus que les étudiants”, se souvient-il, amusé). Il réussira, avec sa bande, à faire des pubs, à tester. Il s’essayera à tous les postes, d’abord dans ses études (il a fait du storyboard, de la peinture sur verre, etc.), puis sur des projets où il sera animateur — “Mais je détestais ça, je préférais largement réaliser”.
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“Toute ma vie, j’ai su que je ferai un jour de l’animation.”
Sauf que faire de l’animation, c’est loin d’être simple. Ça, Guillermo del Toro l’a rappelé sans cesse durant cet échange. Déjà, de manière générale, le cinéaste a bien rappelé que faire un film est une démarche des plus difficiles. Il s’amuse à dire que “faire un film, c’est comme manger de la merde. Même lorsque l’on a du succès, on obtient simplement plus de pain que de merde”.
Rien que ces deux derniers mois, on lui a refusé cinq projets. Plus encore, il explique :
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“Depuis le début de ma carrière, j’ai écrit 44 scénarios, pour n’en réaliser que 12 au final. Je vous préviens : le ratio entre la productivité et le résultat sera toujours frustrant.”
Plusieurs fois pendant l’échange, il préviendra les étudiants : il faut être fou pour vouloir bosser dans l’animation. Les réseaux sociaux feront croire que vous avez une belle carrière mais personne ne verra la montagne de galère. Vous allez être désespéré et désemparé, surtout en stop-motion, cet art “trop lent, trop douloureux”. Le réalisateur s’amuse même :
“Je suis bizarre, en fait nous sommes tous bizarres et nos familles ne nous comprennent pas. Alors chaque année, nous venons à Annecy pour nous rassembler entre gens bizarres.”
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Parce que si “l’art est la chose la moins importante de la vie pratique, elle est la plus importante de la vie spirituelle”. Del Toro explique que s’il aime tant le stop-motion, c’est parce qu’il trouve belle, “la plus intime”, cette démarche de jouer avec ses jouets comme quand, petit, il voulait toutes les figurines de monstres. Maintenant, il les fait faire et les garde chez lui.
Le stop-motion est bien la forme d’art qui ne peut être réalisée que par des humains, comme le spécifie le cinéaste. Une pique à l’IA ? Oui, mais pas que. Dans ses réponses où les digressions sont reines, Guillermo del Toro a expliqué, devant un public plus que conquis, qu’il ne fallait pas être effrayé de l’IA et qu’il fallait, en réalité, avoir peur de la stupidité car c’est le vrai ennemi.
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La stupidité évoque bien des choses pour Del Toro : la capitalisation d’une industrie qui préfère parler de “contenu” plutôt que d'”œuvres”, la considération des artistes comme de simples techniciens et la théorie selon laquelle le cinéma d’animation ne s’adresserait qu’aux enfants.
Mais malgré ce postulat et ce pessimisme apparent, Guillermo del Toro garde espoir. Il est optimiste pour l’avenir du cinéma d’animation quand il voit Ma vie de Courgette ou J’ai perdu mon corps (deux productions francophones). Il espère que d’un point de vue industriel, le succès de film comme Super Mario Bros., le film, mais surtout Spider-Man: Across the Spider-Verse et Ninja Turtles: Teenage Years (prévu pour le 9 août) peuvent montrer aux industriels du milieu qu’il y a une place et un public, pour les films “PG-13” — interdits aux moins de 13 ans et donc pas prévus pour les enfants. Il l’espère en tout cas.
Lui, de son côté, va continuer l’animation. Il travaille actuellement sur un film dans la continuité de Pinocchio (sur la forme tout du moins, poussant le medium plus loin “en exploitant ce qu’[il] a appris sur le film”), avec l’adaptation en stop-motion du Géant enfoui de Kazuo Ishiguro. Cela ne veut pas dire qu’il ne fera pas de live action, il en a encore sous le coude — mais pas tant que ça.
Reste aux étudiants et aux jeunes cinéastes présents, à reprendre le flambeau et à continuer ce geste artistique pas loin d’être militant et important.