On les connaît, mais on croyait qu’ils déconnaient : en mai dernier, ATK annonçait dans le plus grand des calmes, qu’ils travaillaient sur un nouvel album, 20 ans après leur deuxième opus désormais classique, Heptagone, et neuf ans après FK pour toi, album hommage à leur compère disparu en 2007, Fredy K. En d’autres termes, le rap français n’était pas prêt.
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C’est donc dans cette logique de retour que la dream team d’hier, Antilop Sa, Axis, Cyanure, Freko Ding’, DJ Tacteel et Test ont choisi de se reformer sur scène lors d’un concert exceptionnel, pendant la troisième édition du Demi Festival de Demi Portion. À quelques minutes de leur montée sur scène, au Théâtre de la Mer, le groupe nous a donné rendez-vous en loges pour nous livrer quelques secrets concernant leur nouveau projet sur le feu. ATK pour Konbini, avoue que tu kiffes !
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Konbini | Comment ça va les gars ?
Cyanure | Au top ! Prêts à monter sur scène et à donner tout ce qu’on a ! Aussi, merci à Konbini pour la force !
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Aujourd’hui, c’est un grand jour pour le Demi Festival, ATK se reforme et remonte sur scène après des années d’absence.
Axis | La réunion a vraiment eu lieu en décembre, quand on a commencé à travailler sur l’album. Mais effectivement, cette date est symbolique. Ce que fait Demi Portion, c’est impressionnant, c’est un gros rendez-vous de rap français : la scène est magnifique, le public est comme on aime, il kiffe le hip-hop. C’est un symbole car c’est notre premier concert depuis l’annonce de ce nouvel album. C’est aussi particulier parce qu’il n’y aura pas Fredy, paix à son âme.
Retour en 1995, pouvez-vous nous raconter à nouveau la formation du groupe ATK. C’était une époque où beaucoup d’artistes se croisaient et dont certains finissaient par ne former qu’une seule entité, n’est-ce pas ?
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Axis | Quand on a commencé le rap, c’était une époque où les MC se comptaient sur les doigts de la main, même chez les jeunes. Du coup, comme dans tous les mouvements où l’on est peu nombreux, on a tendance à se réunir assez vite. ATK est né comme ça : on a rassemblé tous les gens qu’on connaissait et qui faisaient du rap. Au début, on était 21. Au fil du temps, ça s’est épuré et on est passés à sept, mais effectivement, il y a eu une période où il suffisait de savoir rapper pour se rejoindre. Aujourd’hui, c’est différent, le rap est un business.
Faisons un bon en 1998 maintenant, l’année de la sortie de votre album Heptagone. Quel regard portez-vous sur votre classique 20 ans après ?
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Cyanure | Quand on a sorti Heptagone, on ne pensait vraiment pas qu’on en reparlerait deux ou trois ans après, pour une raison simple, c’est que nous étions indépendants. Face à la grosse machine de Skyrock qui commençait et parlait de Secteur Ä et tous les autres, on se disait que dans tout ce beau monde, en tant qu’indé, on ne parlerait que peu de notre album à sa sortie. Du coup, savoir que 20 ans après, des gens comme toi, de 24, 25 ans écoutent ou découvrent encore ATK, c’est impensable pour nous.
Il y a quand même eu deux, trois générations qui se sont succédé. On a eu du bol de faire partie de la charrette 98 et de ses albums mythiques, mais on ne sait pas pourquoi. Il y a eu une espèce d’aura autour de cet album, les gens s’y sont reconnus parce qu’on n’était pas des super-héros et qu’on racontait simplement la vie de tous les jours. Se retrouver 20 ans après avec des gens toujours présents, on ne l’imaginait pas et c’est que du positif.
Que s’est-il passé pour vous depuis 2007 ? (N.D.L.R. : ils ont sorti en 2012 la compilation Best of Oxygène O2) L’année de votre arrêt, chacun a continué sa route, je présume.
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Cyanure | J’ai toujours des petites formations en parallèle avec mes amis du Klub des 7. Il y a toujours cette envie de faire un album solo, mais ça fait 20 fois que je le commence et 30 fois qu’il doit sortir l’année prochaine. Je ne l’ai pas lâché, mais le plaisir de retrouver tout le monde passe avant le reste.
Test | Après 2012, j’ai fait des trucs avec des amis qui faisaient de la musique aussi, mais qui n’ont rien à voir avec le style d’ATK. J’ai continué à écrire grâce à ça, mais pas grand-chose d’autre, vraiment.
Je suppose que la disparition de Fredy K vous a bouleversé aussi.
Axis | Ce qu’il faut comprendre, c’est que de 2000 à 2007, Fredy, c’était le moteur de ATK. Tous les projets Oxygène et l’album Silence Radio, c’est lui qui en est à l’origine. Je pense qu’on s’est tous un peu endormis sur ça, en se disant : “Il fait les trucs, on le laisse faire.” Sauf que quand il est parti, nous étions toujours dans cette dynamique de “suiveurs” et on n’a pas su retrouver une façon de se régaler ensemble. Récemment, on a ravivé la flamme par d’autres biais. Cette fois, ce sont Antilop et Cyanure qui ont lancé la machine pour ce nouvel album.
Parlons-en justement, de ce nouveau disque qui marque votre grand retour. Après plus de 10 ans d’absence des studios, qu’est ce qui vous a motivé à y retourner ? Qu’est-ce qui fait que vous êtes toujours là aujourd’hui ?
Cyanure | Avant de parler du projet, je voudrais juste préciser que l’envie de faire un album, elle nous est venue suite à un morceau enregistré avec Ul’team Atom, qui s’appelle “Drapeau Blanc”.
Antilop Sa | C’est parfait, j’allais préciser ça, car c’est important de commencer par le point A. Il est vrai qu’Ul’team Atom, ce sont des frères qui nous suivent depuis des années. Ils nous ont invités lors d’une session studio. Ce morceau a été fédérateur et a enclenché beaucoup de choses. Tout ce qui est arrivé par la suite, c’est une suite logique de ce moment clef.
On ne sait pas encore grand-chose de cet opus, mais la seule chose sûre, c’est que pour ce retour 20 ans après, c’est la même équipe qui reprend du service. Antilop Sa, Axis, Cyanure, Freko Ding’, DJ Tacteel et Test. Tous, excepté Fredy qui nous a quittés.
Antilop Sa | Exactement ! Fredy, paix à son âme, mais il y a son aura et son ombre autour du projet. Ce n’est pas non plus un album hommage, on ne voulait pas tomber dans le cliché, d’autant qu’on a déjà sorti un projet pour ça, FK pour toi en 2009. Ce nouvel album nous rassemble et symbolise notre réunion avant tout. On sentait qu’il fallait le faire et les planètes étaient alignées, pour reprendre un titre de Cyanure.
En effet, Fredy K a eu son album hommage, il y a presque dix ans, mais dans cette démarche de réunir l’équipe d’hier, aura-t-il une place particulière sur l’opus ?
Axis | C’est difficile, mais je vais te répondre ce que moi j’en pense : je pense qu’on a été naturels. Fredy ressort forcément parce que c’est un membre important du groupe et que c’est aussi une manière de compenser son absence. On le cite dans le texte, forcément, mais on ne s’est pas forcés en se disant qu’on devait obligatoirement faire un morceau en hommage. On s’est juste dit : “Faisons un album qui nous ressemble”, et je pense que s’il était encore là avec nous, il serait content et fier de cet album.
Il n’y a pas non plus de couplets à son sujet. Pour la petite anecdote, il n’a plus de bande, tout a été utilisé. On aurait pu récupérer un texte que tout le monde avait déjà entendu, mais on a préféré ne pas le faire parce que ça faisait vraiment très rapporté de faire ce genre de trucs. On n’en avait pas besoin, ici, il aura sa place dans nos textes.
“Nouvel Arôme”, c’est un hashtag que l’on a pu apercevoir dans votre post Facebook, annonçant votre retour. Comme on a pu se le demander chez Konbini, ce sera le titre de votre album ou c’est simplement le signe que le groupe nouvellement reformé s’apprête à explorer de nouvelles sonorités ?
Antilop Sa | On a vu ta théorie sur le titre dans l’article, mais tu t’es mis le doigt dans l’œil ! (rires) Mais c’était bien joué, franchement. On a bien rigolé et on nous en parle tellement qu’on a même failli prendre ce titre pour l’album suite au papier ! Mais non, ce ne sera pas Nouvel Arôme.
Axis | Je vais te dire la vérité : pour l’instant, on a plusieurs idées de titre et rien n’est encore fixé. On est encore en train d’en discuter, mais tant que l’album ne sera pas prêt à être imprimé, on ne tranchera pas. On a déjà la moitié des morceaux enregistrés. Mais ce Nouvel Arôme / Nouvel Atome n’est pas qu’un hashtag : pour le teasing, c’est une phrase de Cyanure dans un des textes de l’album.
Quand on revient après tant de temps d’absence, j’imagine que la première crainte, c’est de savoir si le public va répondre présent ou non. Vous concernant, la nouvelle a fait l’effet d’une bombe. C’est rassurant et ça motive encore plus, je suppose ?
Axis | C’est sûr, mais on était déjà motivés, motivés par Fredy et nos proches. En fait, ça nous a surtout fait plaisir. On arrive à un âge où on est très loin de tout ça, de la course musicale, mais c’est vrai que ces retours font beaucoup de bien. Maintenant, c’est l’album qui donnera de vraies réponses au public. Franchement, dans mon cas, et je pense parler au nom des autres, je suis fier de cet album. Je surkiffe ce qu’on a fait, c’est vraiment le seul album qu’on aurait pu faire à cet instant. Forcément, j’appréhendais un peu au début. C’est vrai que ça fait un bout de temps qu’on n’a pas fait de choses ensemble. D’autant plus qu’avec le temps, on a tous des goûts qui changent. On ne savait pas si on arriverait à retrouver cette cohésion d’équipe qu’on avait à l’époque.
On a toujours eu un seul but : celui de faire quelque chose que tout le monde apprécierait. Or, on ne savait pas si on trouverait une ambiance qu’on aimerait tous. Il est hors de question de faire un son qui n’est pas validé par l’un d’entre nous. C’est le rôle des projets solo de laisser à chacun la possibilité de laisser sa patte. Si on voulait se réunir tous, il fallait absolument qu’on soit sur la même longueur d’onde. On a réussi, je pense. J’ai du mal à prendre du recul sur ce qu’on fait, mais ce dont je suis sûr, c’est que quand je le fais écouter aux autres, ça fonctionne. On nous a dit à plusieurs reprises : “C’est un truc de ouf parce que vous arrivez à faire du ATK, tout en étant actuel.” Je sais pas trop ce que ça veut dire, mais on est fiers de ce qu’on a fait. Maintenant, on verra quand ça sortira comment les gens vont réagir. On a fait les choses bien, c’était difficile et on s’est pris la tête, mais on a hâte que ça arrive.
Antilop Sa | Je suis du même avis qu’Axis. On est des artisans. Cet album, c’est de l’artisanat. On l’a construit et je suis vraiment fier des morceaux et de ce que l’on a voulu dire. Après, il y a l’éternelle insatisfaction, c’est un truc d’artiste de vouloir toujours faire mieux, viser toujours plus haut. Mais je pense qu’en étant raisonnable, on est bien. On continue quand même à faire quelques morceaux en ce moment, pour essayer de parfaire le truc. On veut vraiment être satisfaits à 100 %.
Cyanure | Ce qui est compliqué, c’est d’avoir un compromis entre ce que les gens aimeraient et ce que nous, on aimerait. C’est pour ça qu’on essaye de se détacher de ça. Tout ça amène plein de réflexions. On est même passés par le stade maquette alors qu’on ne l’avait jamais fait auparavant, on enregistrait directement. On est même passés par le stade “choix de morceaux”, parce qu’on a trop de titres pour un seul album.
Cette année, Sniper se reforme, ATK se reforme… On a aperçu le groupe dans vos studios, ça signifie qu’ils seront sur l’album ?
Antilop Sa | Tout n’est pas arrêté, c’est encore en discussion car l’album n’est pas fini, mais a priori non, ce sera un album avec ATK exclusivement. Sur un autre projet, c’est sûr, mais probablement pas celui-ci. On aime tous Sniper, on vient de la même époque et ce sont nos potes. On a déjà bossé ensemble sur nos différents projets solo. On a aussi fait beaucoup de dates ensemble. Ils nous ont appris une facette du métier en partageant avec nous un professionnalisme. Tout ça a fait qu’on est devenu potes et Aketo est passé au studio pour écouter l’album.
Vous teasez de plus en plus le projet sur les réseaux sociaux, sans pour autant dévoiler encore quoi que ce soit. Tout cela va arriver quand finalement ?
Test | C’est le moment de dévoiler ! On a beaucoup de titres, on cherche juste à trouver celui qui a le meilleur équilibre entre le nouveau et l’ancien ATK. On n’a pas vraiment calculé, mais on a tout fait au feeling. Résultat, on a l’embarras du choix pour le premier extrait. Ce soir, on joue un titre inédit : “Comme on a dit”. Pour l’album, ce sera pour la fin de l’année. Vous l’aurez en 2018.
1998 est une année historique en termes de sorties rap français. NTM, I AM, Idéal J, Oxmo, ATK… Parmi tous ces classiques, si vous deviez en choisir un, lequel ce serait ?
Cyanure | Quand tu as dit historique, j’étais sûr que tu me parlerais de la coupe du monde ! C’est difficile, mais on va en choisir deux. Pour Axis et moi, ce sera celui d’Oxmo et de la Fonky Family (Opéra Puccino et Si Dieu Veut…)
Test | L’École du Micro d’Argent aussi, même si c’est en 1997 ! Mais 1998, c’est une année magique. Les sorties rap français, la Coupe du monde. Tiens, on va peut-être appeler l’album Deux Étoiles finalement ! (rires)