Après avoir lu cet article, vous n’écouterez plus jamais le jazz comme avant

Publié le par Robin Panfili,

© Mathilde Cybulski

On a percé le secret des coulisses de la création de l’album Inwards du trio prodigieux Emile Londonien.

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Depuis plusieurs semaines, voire déjà de longs mois, je n’ai de cesse de casser les pieds à ma collègue — et cheffe de la musique chez Konbini , Sandra Gomes, avec mes lubies de jazz en lui répétant, autant de fois qu’il le faudra, que le genre est en pleine révolution et qu’il mérite toute notre attention. La dernière preuve en date que j’ai pu lui fournir, c’est un nouvel album du trio strasbourgeois Emile Londonien, Inwards, qui dynamite tous les codes et bouscule, humblement mais profondément, l’ordre établi par des légendes dont la renommée n’est plus à faire.

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Parce qu’avec Inwards, leur nouvel album, Emile Londonien est parvenu à changer subtilement le cours des choses. D’abord en embarquant le jazz contemporain dans une épopée inédite et rafraîchissante, puis, et surtout, en le confrontant à des sonorités que le genre n’a eu que trop peu la chance de rencontrer dans un même espace-temps : la house, les nappes électroniques, le broken beat, ou le hip-hop. Une suite très attendue après leur premier album Legacy, salué unanimement après sa sortie, dont ils ont accepté de nous confier les secrets de fabrication.

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Quelques jours après la sortie de l’album — qu’ils défendront en janvier prochain à La Maroquinerie —, on a donc discuté avec le claviériste Nils Boyny, le bassiste Théo Tritsch et le batteur Matthieu Drago, pour mieux comprendre la révolution du jazz à l’œuvre depuis quelques années déjà.

© Mathilde Cybulski

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© Dalia Camilia

Konbini | Salut les gars, pour ceux qui ne vous connaîtraient pas encore, vous pouvez vous présenter en quelques mots ?

Emile Londonien | Emile Londonien est un groupe formé par trois amis strasbourgeois issus du collectif Omezis qu’on a nous-mêmes monté. On est influencés notamment par la scène du jazz UK mais également par la house, le hip-hop ou le broken beat entre autres.

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C’était quoi l’idée derrière ce projet, et ce groupe ?

L’idée est de décloisonner le jazz et de faire des ponts entre différents styles, notamment avec lesquels nous avons grandi comme les musiques électroniques ou bien le hip-hop. On a d’abord pensé le projet autour de notre idée du live. Le but était de placer l’improvisation au cœur d’un véritable dialogue avec le public, en mettant la danse et le groove au centre de notre musique. On part de cette base live quand on enregistre nos albums, mais nos influences dans la production sont beaucoup plus éclectiques.

© Mathilde Cybulski

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© Dalia Camilia

Après Legacy, qui a fait bouger les lignes du jazz contemporain français, quelle était l’ambition derrière cet album Inwards ?

Notre premier album Legacy rendait hommage aux artistes qui nous ont inspirés. Cet album quant à lui est beaucoup plus personnel et introspectif. Il est emprunt des questionnements artistiques, politiques et sociaux qui nous ont animés lors de sa création.

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Il y a un message que vous vouliez faire passer ?

Une de nos volontés est de vouloir désacraliser l’image virtuose et inaccessible du jazz. Le solo n’est pas au cœur de notre propos artistique. Au contraire, on essaye de mettre en avant le groupe et le jeu collectif. Les gens ont souvent l’impression de ne pas avoir les codes pour comprendre ce style, alors que pour nous le jazz est une musique comme les autres qui a pour but de provoquer des émotions. Notre but est d’inclure les gens et d’effacer cette distance qu’il peut parfois y avoir entre l’artiste et son public.

© Springbok
© Dalia Camilia

Qu’est-ce qui vous a inspiré pour ce nouvel album ?

On a toujours écouté beaucoup de musique pendant nos sessions d’enregistrement mais sur ce disque nous avons voulu nous couper du monde. Les inspirations sont donc bien plus larges qu’auparavant, elles ne sont plus uniquement musicales. Pour nous renouveler, on aime désormais aller chercher l’inspiration dans d’autres disciplines comme le cinéma, la peinture, la BD… mais également dans les discussions qu’on peut avoir ensemble.

Comment avez-vous bossé l’album ?

Inwards c’est environ une année de travail, on a une façon bien à nous de bosser puisque nous faisons tout nous-mêmes. C’est l’occasion de parler de Thomas Binetruy qui est notre ingénieur son et qui est le 4e membre du groupe. On mixe et on masterise tous les quatre ensemble, et c’est Matthieu le batteur qui fait les pochettes et tout le graphisme du projet.

Sur cet album, on a même intégré une nouvelle personne, Loïc VD, car toute la création de ce disque a été filmée dans le cadre d’un documentaire qui sortira en 2025. On a enregistré dans plusieurs lieux et plusieurs studios. On a fait une partie chez nous à Strasbourg, on est ensuite allés à Londres puis à Chamonix pour enfin revenir produire l’album dans notre propre studio.

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© Mathilde Cybulski
© Mathilde Cybulski

Vous me parliez d’un moment assez insolite pendant l’enregistrement…

On est tous fans de foot dans le groupe. On était à Londres à l’occasion d’un match Lens – Arsenal et on a voulu vivre la vraie expérience du pub anglais. Lens a pris un 6 – 0 mémorable, on a mangé notre burger et on est partis la tête basse.

Votre nom de groupe est un clin d’œil à Emile Parisien, mais aussi à votre attachement à la nouvelle scène jazz britannique et londonienne. Est-ce que c’est toujours ce qui a animé la création de cet album ?

Le nom du groupe est un double clin d’œil à la fois à Emile Parisien, grand saxophoniste de jazz français et à la scène du jazz UK qui nous a beaucoup influencés. On n’a pas à proprement parler de filiation avec Emile bien qu’on ait joué ensemble sur notre premier album. Par la même occasion, utiliser le nom d’une personne fictive alors qu’on est trois nous permettait de casser encore un peu plus l’image du jazzman traditionnel. On vient du collectif et on aime l’idée du groupe.

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Comment voyez-vous l’essor et l’émancipation de la jeune scène jazz française, et ailleurs dans le monde ?

La scène du jazz français est en pleine mutation et c’est très enthousiasmant. On rencontre plein de jeunes artistes qui montent des projets, des collectifs et des labels un peu partout. Une des spécificités, c’est qu’on sort petit à petit du centralisme parisien. Bien plus que la scène, c’est également le public qui change. On constate un vrai rajeunissement dans les salles et les festivals.

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© Mathilde Cybulski

Est-ce qu’on peut dire que le jazz n’est plus “chiant”, comme des gens qui n’ont pas eu l’occasion de se frotter à ce genre musical depuis sa métamorphose aiment le dire ?

Le jazz est une musique vivante et en perpétuelle évolution. Il est probablement moins déconnecté du public aujourd’hui, et s’imprègne des esthétiques qui parlent à cette génération. C’est un peu le même phénomène qu’au début des années 1970 avec le jazz-rock qui s’inspirait de la musique d’Hendrix, de Sly etc.

On a également le phénomène inverse, beaucoup de musiques s’inspirent du jazz ces dernières années, son influence est beaucoup plus présente dans le paysage culturel.

Emile Londonien sera en concert à La Maroquinerie le 21 janvier 2025, et vous pouvez attraper vos places ici.