Après son rôle – lui ayant valu une nomination aux Oscars – dans Barbie, America Ferrera s’attaque à un projet touchant une autre femme marquante de l’Histoire américaine, ancrée, cette fois-ci, dans le monde de l’art. L’actrice prêtera ses traits à Ana Mendieta, artiste cubaine-états-unienne connue pour ses performances féministes et antiracistes. La série – pour laquelle America Ferrera endosse également le rôle de productrice exécutive – est une adaptation du roman du journaliste d’investigation Robert Katz, Naked By the Window: The Fatal Marriage of Carl Andre and Ana Mendieta.
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Publié en 1990, l’ouvrage s’intéresse à la mort par défenestration d’Ana Mendieta, survenue en 1985, huit mois après son mariage avec Carl Andre. L’artiste minimaliste de treize ans son aîné avait été accusé du meurtre de cette dernière avant d’en être acquitté. Robert Katz décrit dans son livre la relation entretenue par le couple, la mort d’Ana Mendieta et les réactions du monde de l’art, quasi unanimement rangé derrière Carl Andre.
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Dès la sortie du livre, en 1990, le New York Times soulignait le malaise ressenti à la lecture des soutiens infaillibles à Carl Andre et du peu d’écho donné aux voix qui condamnaient la domination de Carl Andre, “un artiste blanc”, sur sa victime présumée, “une artiste hispanique”. “Je pense que la plupart des partisans de M. Andre étaient sous l’emprise de son talent et de son succès. Bien qu’ils aient pu reconnaître que la mort d’Ana Mendieta était une tragédie, ils trouvaient apparemment que la mise en danger et l’interruption de la brillante carrière de Carl Andre consistaient en une tragédie plus grande encore”, dénonçait alors le journaliste Vincent Patrick.
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La famille d’Ana Mendieta s’inquiète
Près de quarante ans après la mort de l’artiste, sa disparition continue d’interroger le monde de l’art. Les années passant, les langues se délient et les réflexions se détricotent à la lumière de l’ouverture de la parole autour des violences sexuelles et sexistes. Décrite comme “l’un des plus gros scandales du monde de l’art de ces cinquante dernières années” par le New York Times, la mort d’Ana Mendieta est au centre de plus en plus de productions culturelles, à l’image de la série portée par America Ferrera ou du podcast Death of an Artist, d’Helen Molesworth.
Face à cet intérêt, la famille de l’artiste affirme cependant se sentir dépossédée de l’histoire de leur Ana Mendieta : “Nous sommes non seulement obligés de revivre sa mort en boucle, mais en plus, nous n’avons pas notre mot à dire quant à la façon dont elle est décrite”, dénonce sa nièce, auprès du New York Times. Gestionnaire de la propriété intellectuelle de sa tante, Raquel Cecilia Mendieta rapporte que l’équipe d’America Ferrera l’a bien contactée, sans accepter de lui laisser, à elle ou sa famille, “une voix suffisamment importante dans la façon dont l’histoire d’Ana sera racontée”.
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Cinéastes et romancier·ère·s ne sont pas tenu·e·s de consulter les proches de leur sujet — tant qu’il n’y a ni diffamation ni usage non autorisé d’œuvres protégées par le droit d’auteur. L’intégration trop importante des proches d’un·e artiste dans la réalisation d’un biopic suscite parfois des controverses, lorsque l’histoire est réécrite de façon jugée trop subjective ou élogieuse. Sachant que la version de la famille d’Ana Mendieta a longtemps été silenciée face à celle de Carl Andre et des puissant·e·s du monde de l’art, la question de la réhabilitation de sa voix se pose tout de même. Malgré l’amertume ressentie par la famille d’Ana Mendieta face à ces productions, leur prolifération va dans le sens d’un des souhaits formulés par l’artiste de son vivant : celui de devenir “plus importante encore que Frida [Kahlo]“.