Connaissez-vous le mythe de Léda ? Il est fréquemment raconté comme étant l’union de Léda avec un cygne, forme prise par Zeus qui voulait ainsi la “séduire”. Le dieu se serait réfugié près de la jeune femme, qui aurait voulu le protéger d’un aigle le pourchassant, et en aurait profité pour la pénétrer une fois dans ses bras. On parle ici d’une relation imposée par la ruse – puisque l’assaillant se fait passer pour quelqu’un d’autre : bref, on parle ici d’un viol, comme souvent dans la mythologie et tout aussi souvent quand il s’agit de Zeus. Cela n’a pas empêché l’histoire de servir de thème récurrent dans l’art et la littérature : Michel-Ange, Léonard de Vinci, Nicolas Poussin, Gustave Moreau, Salvador Dalí ou encore Paul Éluard et William Butler Yeats ont représenté leur version de Léda et le cygne dans leurs œuvres.
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C’est face aux représentations masculines de “femmes accompagnées de cygnes, […] souvent placées dans des rôles passifs et peintes de façon répétée à travers l’Histoire” qu’Amy Steel a décidé de se réapproprier ce thème aviaire. Attachée aux “symboles et personnages récurrents” dans ses travaux, elle a commencé à peupler ses toiles de flamants roses il y a deux ans : “Je voulais explorer les façons dont je pouvais représenter les femmes de mes peintures comme des êtres forts, sensuels, qui entrent en communion avec les oiseaux comme des sujets actifs. […] Je m’intéresse beaucoup à l’histoire de l’art et, en tant que femme peintre, les toiles réalisées par le passé m’offrent souvent des thèmes à interroger ou réinterpréter.”
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Dans des grandes toiles, que l’artiste visualise comme des “environnements au sein [desquels] le public peut s’immerger”, s’épanouissent des femmes qui “reprennent le contrôle de leur récit”. “Le cygne a été remplacé par un flamant rose, une connexion sensuelle s’établit entre les deux, la femme n’est pas ‘prise’ par l’oiseau mais elle s’engage plutôt dans son désir de s’envoler, de s’élever, de se transformer au-delà de ce qu’elle imaginait possible”, nous explique Amy Steel, qui expose actuellement sa série Out Of Thin Air à la Bim Bam Gallery.
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Dans son travail autour des flamants roses, la peintre a imprégné ses toiles de leur couleur, créant des scènes sensibles, qui flirtent avec un surnaturel enivrant : “Le travail de la couleur a un impact sur nos sens et nos émotions. Pour moi, c’est très tactile et c’est très important dans mes toiles : cela crée une atmosphère particulière et tant que je ne me sens pas excitée et activée par la couleur, je ne suis pas vraiment connectée à la peinture.”
Amy Steel souligne que c’est la particularité des flamants roses de naître blancs et de se colorer à cause des crevettes qu’ils mangent qui l’a inspirée à autant jouer sur des “rose et rouge cadmium” : “Ce sont des créatures qui se transforment, qui changent grâce à leur interconnexion avec les autres. Je voulais que le rose symbolise le fait que tout est connecté et peut se transformer : la femme en flamant, le flamant en nature.”
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Fascinée par les symboles liés au féminin, Amy Steel infuse aussi, depuis longtemps, ses toiles de seins, comme une façon d’“explorer la sexualité féminine, le désir, la capacité de nourrir” : “Les peintures libèrent les seins du corps socialisé, les plongent dans des corps plus larges, des plans d’eaux ou un vaste ciel nocturne.” Face aux odes à la liberté et à la puissance personnelle et collective que constituent ses œuvres, la peintre souhaite que le public se sente libre de “se connecter à soi-même à travers une perception sensorielle”. Sans doute espère-t-elle que nous ressentions la même force qui l’a un jour poussée vers la peinture, une puissance “si forte que c’était la seule chose [qu’elle] pouvait écouter, comme tomber amoureuse”.
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Out Of Thin Air, d’Amy Steel, est exposée à la Bim Bam Gallery jusqu’au 2 mars 2024.