Bastien Bouillon promène sa douce fantaisie dans le paysage du cinéma français depuis plus de dix ans sans en avoir encore pris réellement la lumière. Mais, cette année, c’est dans la nuit de Dominik Moll que l’acteur obtient enfin son premier rôle principal et son premier César, celui du meilleur espoir masculin. “Ça fait longtemps que je travaille, mais je suis lent.”
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Après avoir été coupé au montage de son premier long-métrage, c’est dans le tourbillonnant La guerre est déclarée, première réalisation de Valérie Donzelli tournée avec les moyens du bord, “trois scooters et une camionnette”, que l’acteur fera ses véritables premiers pas au cinéma dans le rôle de Nikos, ami du couple et témoin privilégié de leur guerre. Un prénom plus exotique que son patronyme franchouillard, mais un rôle sur-mesure puisqu’il est proche du duo et connaît bien Gabriel, le fils, dont le film raconte l’histoire et les épreuves.
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Sa rencontre décisive à lui, celle qui change le destin des aspirants comédiens, aura donc été avec Jérémie Elkaïm. “Je lui demande de prendre beaucoup de place dans ma vie et de m’accompagner psychologiquement, artistiquement.” C’est lui qui l’introduira à Donzelli et, après trois longs-métrages et une petite apparition dans sa série Nona et ses filles, il est évident que l’énergie de la réalisatrice et la nonchalance de Bouillon font très bon ménage.
C’est d’ailleurs sous les caméras des réalisatrices que l’acteur semble s’épanouir tout particulièrement. Outre ses multiples collaborations avec Donzelli, il a également tourné avec Danielle Arbid, Axelle Ropert et plus récemment Chloé Wittock, dans une histoire d’amour avec un manège.
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Les courts-métrages sont aussi un exercice qu’il continue d’affectionner même après dix ans de carrière, et il compte à son actif autant de courts que de longs. “Au-delà du format qui induit plus de liberté, on peut également faire des choses plus saillantes. J’ai construit mon réseau grâce aux courts-métrages, mais je ne le vois pas comme une façon de miser sur l’avenir.”
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À l’écran, il a récemment chanté avec Juliette Armanet, dansé avec la ballerine Marion Barbeau et s’apprête désormais à tourner avec une danseuse de twerk. Plus tard, il se verrait bien à l’affiche d’une comédie musicale. “Au conservatoire, le chant était un de mes cours préférés”, confie-t-il.
Mais pour son premier rôle d’envergure, aucune fantaisie n’est permise. Dans La Nuit du 12 de Dominik Moll, il est Yohan Vivès, un inspecteur de police taiseux, méticuleux et mal assuré de la PJ de Grenoble, chargé de l’enquête sur l’assassinat de Clara, une jeune femme brûlée vive. Dès l’ouverture du film, le public est averti que l’affaire – comme 20 % des enquêtes criminelles menées par la PJ en France – ne sera pas résolue et elle deviendra une véritable obsession pour le capitaine Vivès, hanté par la violence de ce crime.
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Dans ce film sobre et affûté, tout repose sur la parole et des interrogatoires presque hypnotiques. Ici, Bastien Bouillon ne joue pas avec sa voix, pourtant reconnaissable entre mille, mais avec son regard. La nuit venue, pour exorciser sa frustration, il fait des tours de pistes perché sur son vélo de course, comme un hamster dans sa cage. Alors qu’on l’imaginait de nature flegmatique, c’est de ce rôle que Bastien Bouillon se sent le plus proche. “Ce besoin de trouver un exutoire physique qui est une métaphore de ce qui passe dans la tête, ça me parle. Je suis très obsessionnel.”
Simple sur la forme, La Nuit du 12 s’emploie également à détricoter les raccourcis malheureux qui, dans le monde d’hommes de la PJ, font peser la responsabilité des féminicides sur les épaules des femmes tuées, un biais auquel Yohan, pourtant le plus rigoureux des enquêteurs, n’échappera pas totalement.
Et, grâce à La Nuit du 12, la lumière fut sur Bastien Bouillon.
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