Hier s’ouvrait la 76e édition du Festival de Cannes sur Jeanne du Barry, le nouveau film de Maïwenn, avec Johnny Depp dans le rôle de Louis XV. Un choix de casting qui questionne, autant par souci de crédibilité que pour son parti pris politique volontairement provocateur, et un choix de film d’ouverture tout aussi discutable au vu de la qualité très médiocre du long-métrage.
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Hier, dans une tribune publiée par le quotidien Libération, un collectif d’actrices et d’acteurs, dont Julie Gayet et Laure Calamy, critiquait le Festival de Cannes qui déroule “le tapis rouge aux hommes et femmes qui agressent”, en référence à Johnny Depp et à la réalisatrice Maïwenn qui fait également face à une plainte judiciaire après avoir récemment agressé le patron de Mediapart, Edwy Plenel, dans un restaurant.
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Sous le feu des projecteurs et des critiques, le film et la présence de Johnny Depp sont donc largement commentés sur la Croisette. Interrogé par France Inter sur la présence de l’acteur américain au casting du film dont il est le distributeur, Jean Labadie disait ne pas comprendre la polémique, assurant que la justice avait innocenté Johnny Depp.
Le bain de foule, les photos, les autographes et la longue standing ovation dont l’acteur a bénéficié avant la projection du film, à son entrée dans le Palais des festivals, confirme l’incompréhension – voire l’amnésie – collective, tant du public que de la profession, face à cette affaire. Car si effectivement l’affaire est complexe, Johnny Depp n’a pas été innocenté des accusations dont il faisait l’objet. Rapide mise au point.
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En 2018, l’acteur perdait un premier procès intenté en diffamation à Londres contre la société éditrice du Sun qui l’avait qualifié de “wife beater” dans un article intitulé “How can JK Rowling be ‘genuinely happy’ casting wife beater Johnny Depp in the new Fantastic Beasts film?” Le juge anglais avait alors estimé que 12 des 14 incidents violents évoqués par Amber Heard et le tabloïd étaient “substantiellement vrais” et que “la grande majorité des agressions présumées ont été prouvées”. Bien moins médiatisé que son second procès américain, ce verdict le rendait pourtant coupable de violences domestiques.
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En 2022, un nouveau procès en diffamation s’ouvrait donc à Fairfax suite à la publication en 2018 d’un édito d’Amber Heard dans le Washington Post où elle dénonçait le harcèlement dont elle avait été victime après avoir témoigné de violences domestiques, sans toutefois nommer son ex-mari. Ce procès fascinera le monde entier et mobilisera de façon totalement inédite les réseaux sociaux. Si Johnny Depp semble en être le grand vainqueur, il n’a pourtant pas été jugé innocent puisque les jurés ont déclaré les deux parties coupables de diffamation.
Si Amber Heard a été condamnée à la plus lourde peine, soit 10 millions de dollars de dommages et intérêts, pour “diffamation avec réelle malveillance”, Johnny Depp a également été condamné à verser à son ex-femme des dommages et intérêts, notamment pour des propos jugés diffamatoires tenus par son avocat. Si la justice américaine a estimé qu’il avait été victime de diffamation, elle a également estimé que dire qu’Amber Heard mentait était aussi une diffamation. Les deux acteurs ont ensuite fait appel, avant de renoncer suite à un accord.
Dans un passionnant documentaire intitulé Affaire Johnny Depp/Amber Heard – La justice à l’épreuve des réseaux sociaux réalisé pour La Fabrique du mensonge sur France 5, la journaliste Cécile Delarue a enquêté sur les dessous de ce procès pour comprendre comment les réseaux masculinistes sont parvenus à retourner l’opinion publique. Elle a ainsi tenté de comprendre la frénésie médiatique qui a entouré le procès pour diffamation qui a opposé les deux stars de Hollywood qui s’accusent de violences conjugales depuis 2016 et les ressorts de la campagne de haine et de dénigrement sans précédent contre l’actrice américaine.
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Elle a notamment découvert que derrière les moqueries dont sont coutumiers les réseaux sociaux se cachait en réalité une campagne orchestrée par des réseaux masculinistes, des groupes d’hommes nourris de leur haine des femmes. Et tandis que l’on déroule le tapis rouge à Johnny Depp qui vient également de signer un contrat d’un montant record avec Dior en tant qu’égérie masculine, Amber Heard vivrait désormais exilée en Espagne.