On vous évitera l’habituelle banalité des articles cinéma expliquant que tel film ou tel film est l’un des plus attendus de l’année, surtout pour évoquer un long-métrage Batman. De base, par la nature du personnage, de l’industrie hollywoodienne, de l’histoire de l’homme chauve-souris sur grand écran, le projet excite les petits comme les plus grands – sans doute plutôt les grands d’ailleurs, contrairement au MCU.
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Ajoutez à cela une volonté de faire un film seul, comme ce fut le cas de Todd Phillips, avec un casting plus gros qu’une Batmobile (Robert Pattinson, Zoë Kravitz, Paul Dano, Colin Farrell, Jeffrey Wright, Andy Serkis, Barry Keoghan… vous en voulez encore ?), et un faiseur d’images respecté de l’autre côté de l’Atlantique (Matt Reeves, à qui l’on doit Cloverfield premier du nom, et les deux derniers Planète des singes), et vous comprendrez notre impatience.
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Alors que le film sera dans les salles françaises le 2 mars prochain, on a eu la chance de s’entretenir avec l’un de ses producteurs, Dylan Clark. Et voici les cinq choses que l’on a apprises.
1. L’idée de base était d’éviter de faire une origin story
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Difficile de concevoir qu’on puisse encore vouloir pondre un énième film Batman. Sachant qu’on en a eu, en moins de trente ans, déjà au moins huit avec cinq acteurs différents dans le rôle phare. Alors forcément, on aimerait savoir d’où est venue l’idée, l’envie de s’y atteler. Dylan Clark raconte l’origine du projet ainsi :
“C’est arrivé avec un coup de fil de la Warner qui nous demande [à Matt Reeves et moi, ndlr] ce qu’on penserait d’explorer l’univers de Batman. C’est le genre de coup de fil à la fois génial parce que, Batman, quand même [rires], et en même temps terrifiant, parce que, oh merde, comment on fait un film ‘Batman’ aujourd’hui ? Est-ce qu’on doit faire en sorte de bien le reconnaître ? Est-ce qu’on doit faire très différent ? Est-ce qu’il y a encore d’autres choses à raconter ?”
Un questionnement légitime. Et si Dylan Clark garantit qu’ils n’ont pas essayé de se différencier des Nolan, car “quand on écrit, on ne pense pas à ce qui a été déjà fait mais à ce qu’on veut faire”, le fait est que le cinéaste britannique a modifié durablement la manière qu’on avait de concevoir des films super-héroïques. Il semble logique, pour un personnage sans pouvoir, d’avoir un environnement réaliste. Mais comment ne pas faire un Batman Begins bis ?
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“Le processus de Matt est toujours de revenir à la base du personnage, à ses thèmes, ses émotions, pour essayer de construire une intrigue autour de ça. Il est revenu vers moi avec une idée qui semblait évidente, à savoir qu’on aborderait un Batman qui l’est depuis un an ou deux, donc qui permettrait de ne pas revenir sur son origine, mais qui est encore aux débuts de ses aventures masquées, et qui doit encore mettre des choses au clair.
Qu’on fasse de lui un personnage qui essaye de faire le bien, même s’il a une très grande colère et une envie de vengeance. Que son comportement soit questionnable. Qu’il aille tabasser des criminels, même s’il ne les tue pas, il les blesse sérieusement. Cette exploration émotionnelle, qui permet de raconter qui est Batman, mais aussi qui est Bruce Wayne.
Et puis, Matt adorait l’idée de vraiment développer l’aspect détective, et Riddler est le parfait personnage pour ça, pour les enquêtes de crimes à résoudre.”
C’est peut-être là, la principale différence : on aura un vrai Batman détective, comme dans les comics, et comme peu de cinéastes ont su vraiment l’aborder.
2. L’idée d’un nouveau film Batman datait d’avant le film Joker
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Quand on demande à Clark si le succès du Joker, ou tout du moins le lancement d’un tel projet et son accueil par la presse et les fans dès l’annonce du film, n’est pas à l’origine du projet, le bonhomme nous renvoie dans les cordes. Logique, direz-vous, le film a été lancé bien en amont. Mais sans de date précise, impossible de comprendre comment ça s’est monté. Clark explique plus précisément – et justifie l’absence du vilain dans le projet, que certains espéraient croiser :
“Il faut réaliser que cela nous a pris vraiment du temps pour construire une histoire, qu’on soit sûrs qu’elle était vraiment solide. Plus d’un an. Disons qu’on a commencé la pré-production fin 2019, donc on avait attaqué bien en amont. Nous ne savions pas grand-chose des autres projets du même genre, et n’avions pas envie d’user du Joker. On pensait que pour le côté enquête, il n’était pas le vilain idéal.”
C’est vrai qu’au moins, il y a moins de pression. Car on a déjà eu trois Joker sur grand écran, tous cultes. Alors qu’on a eu un seul Riddler, ridiculement kitsch (Jim Carrey dans Batman Forever). Reste qu’en termes de vilain iconique, on aura une troisième Catwoman (les deux précédentes, Michelle Pfeiffer et Anne Hathaway, étant toutes les deux réussies), et un nouveau vilain après l’incroyable version de Danny DeVito chez Tim Burton. La barre est élevée malgré tout.
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3. L’inspiration du film provient de certains comics cultes
Forcément, on imagine mal des cinéastes s’attaquer au monstre culturel qu’est Batman sans aller puiser dans le matériel de base, à savoir les comics. Même si on se doutait un peu de la réponse, on a voulu en avoir le cœur net et demander à l’intéressé quels bouquins ont le plus influencé l’écriture du long-métrage, autant pour l’ambiance que pour l’intrigue. Clark avance :
“Oh, il y en a plusieurs, bien sûr. ‘The Long Halloween’, ‘Année un’… Ceux-ci sont vraiment exceptionnels, parce qu’ils parlent du début, donc ça nous a beaucoup aidés. On n’a pas tout pioché, évidemment, mais on aimait l’ambiance. Pareil, en termes de ton, il y a quelque chose dans ‘The Killing Joke’ de vraiment effrayant et sombre. Aussi, Matt voulait pousser Bruce et Batman dans ses retranchements, émotionnellement parlant, et ces grands comics le font. C’était vraiment important pour nous.”
Année un est un des titres les plus cultes de l’histoire de l’homme chauve-souris. Signé Miller (donc forcément à la morale et au fond discutables), il a relancé les affaires et les ventes de chez DC. On raconte même qu’Aronofsky a voulu l’adapter, mais que le projet est tombé à l’eau. S’il a été cité, usé (dans Begins en premier lieu, mais aussi dans le film d’animation de Timm, dérivé de sa série animée culte, Batman contre le fantôme masqué), il n’a jamais été vraiment adapté à proprement parler. Mais de ce que raconte Matt Reeves, il se pourrait que ce film soit celui qui se rapproche le plus des textes de Miller.
À noter, pour les plus curieux, qu’ont été également cités ailleurs les bouquins de Darwyn Cooke des années 2000, comme Batman: Ego ou Catwoman – Le Dernier Braquage. On peut aussi se plonger dans la suite de The Long Halloween, Amère victoire, et sans doute l’autre volet du duo Loeb et Sale, Catwoman à Rome. Bref, ça vous fait de la lecture.
4. Le rôle a été écrit pour Pattinson, qui a eu le déclic en portant le costume de Val Kilmer
Il y a trois cas de figure pour la conception d’un film : soit la production impose une personne pour incarner le rôle principal sans que le réalisateur ait trop son mot à dire, soit il y a un vrai processus de casting, soit la personne qui a pondu l’histoire a un ensemble d’actrices et acteurs précis en tête. Il semblerait, selon les dires de ce cher Clark, que pour ce nouveau Batman, on soit dans le dernier cas.
“On est allés vers des gens, et on a eu qui on voulait”, raconte-t-il avec une certaine fierté. Certains rôles semblaient évidents, comme Zoë Kravitz pour incarner Catwoman, qui “est arrivée à notre rendez-vous avec des cheveux courts et une allure spécifique. C’est simple : on avait l’impression qu’elle sortait d’un comics de Frank Miller. Elle ressemblait déjà énormément à Selina Kyle”.
Pour le choix du protagoniste, on imagine que ce fut plus compliqué. À entendre Dylan Clark, pas tellement :
“Matt avait des personnes assez précises en tête en écrivant, notamment Robert [Pattinson, ndlr]. C’est un immense acteur, et Matt est amoureux de son travail depuis sept, dix ans. Je sais qu’il le trouve extrêmement courageux, d’aller vers des rôles aussi intenses et audacieux. Par chance, Rob voulait le faire, donc c’était parfait.”
Voir Pattinson accepter un rôle comme celui-ci, lui qui fuit les franchises comme la peste depuis son expérience en vampire brillant comme une boule disco, est surprenant. Il l’assure en interview : c’est le côté cracra du personnage et l’aspect expérimental de l’approche qui lui plaît. Et puis, comme tout gamin, il devait avoir le souhait secret d’incarner un jour Bruce Wayne. Clark raconte qu’il a vu Pattinson devenir Batman en l’espace d’une seconde :
“La première fois que je l’ai vu en costume, c’était pour le test caméra. Il a essayé plusieurs costumes, la plupart qui ne lui allaient franchement pas. Puis, il a dû essayer celui de Val Kilmer [pour ‘Batman Forever’ de Joel Schumacher, sorti en 1995, ndlr] et c’est clairement celui qui lui allait le mieux.
Et je me souviens qu’une fois dedans, il m’a dit : ‘C’est vraiment bizarre, c’est très transformant. Dès que tu mets le costume, c’est comme si tu devenais ce gars, vraiment.’ [Rires.] Batman, quoi. C’était assez fou de le voir devenir le personnage juste en portant ce costume.”
5. Oui, il y aura bien une ambiance grunge assumée
Quiconque ayant vu le premier trailer a pu sentir l’atmosphère grunge qui se dégageait du film. Ce qui est assez rare dans un blockbuster moderne, assez pour être notifié tout du moins. Et on ne dit pas seulement ça parce qu’il y a “Something in the Way” de Nirvana en fond (même si le réalisateur reconnaît volontiers qu’il écoutait beaucoup ce morceau en écrivant le scénario). Il suffit de voir la tronche de Bruce Wayne, le maquillage qui coule, les cheveux sales… loin du Playboy que l’on a eu jusque-là. Dylan Clark confirme :
“Matt a toujours vu son personnage comme une rock star en déclin, comme un Kurt Cobain dont la famille aurait de l’argent mais qui n’en aurait absolument rien à faire. Qui ne voudrait qu’une seule chose, c’est aller dans les rues de la ville pour établir sa vision de la vengeance.”
Il y a quelques semaines, Reeves disait dans les colonnes d’Empire que penser autant à Cobain lui a permis de donner vie à un “Chevalier noir ayant traversé une grande tragédie et devenant un reclus”, loin des flashs et du bling-bling qu’on lui connaît.
D’ailleurs, dans ce même premier teaser, on trouve une scène vraiment marquante. Un combat sans montage, sans musique, juste des coups bruts. En parlant de l’ambiance grunge et sombre du film, nous avons demandé à Clark si on retrouverait des moments identiques dans le film. Il nous donne une réponse par l’affirmative, avant de conclure :
“Matt a écrit cette scène exactement comme elle a pu être tournée, et elle était assez importante pour lui. Rob fait le combat. On voulait que tout le monde comprenne que ce Batman n’a pas encore perfectionné sa manière d’être Batman et bosse encore sur la partie vengeance qu’il doit dépasser, avec une noirceur en lui. Et les deux coups en plus à la fin, qui ne servent à rien en soi, sont très importants pour montrer que ce mec est foncièrement incontrôlable.”
Le ton est donné, effectivement.
Batman sortira en salles le 2 mars prochain.