Review ton classique : Blue Velvet

Publié le par Antonin Gratien,

Carrousel de perversions, ce joyau lynchéen a d’abord été vilipendé pour son érotisme morbide avant de devenir culte.

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Chef-d’œuvre à l’éclat trouble, Blue Velvet a débarqué avec le magnétisme d’un OVNI vénéneux dans les salles obscures américaines à l’été 1986. Scandaleux dans le paysage cinématographique enchanté des 80’s, il demeure à ce jour l’un des films les plus ouvertement détraqués de l’histoire du 7e art. Sadisme, mutilation, esclavage sexuel… Pour son quatrième long métrage, le moins que l’on puisse dire, c’est que David Lynch s’est taillé un récit à la hauteur de son onirisme mortifère.

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À l’origine de cette perle horrifique, il y a un coup de poker. Après l’essai expérimental d’Eraserhead puis le succès d’Elephant Man, Lynch essuie un échec commercial cinglant en 1984 avec l’adaptation à gros budget du roman SF Dune. Comment se remettre en selle suite à ce qui est aujourd’hui considéré comme le plus gros raté de sa carrière ? En misant tout sur un scénario cauchemardesque dont le caractère sexuel, parfois jugé “pornographique”, n’a pas manqué d’outrager critiques et public à la sortie de l’œuvre.

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Une réinterprétation du film noir

Dans la ville de Lumberton, en Caroline du Nord, il fait beau, il fait bon. Un soleil radieux baigne de lumière des quartiers pavillonnaires à l’allure de carte postale style american dream. Mais sous cette surface proprette grouille un nid de psychopathes. C’est ce que ne va pas tarder à découvrir Jeffrey Beaumont, un étudiant sans histoire incarné par Kyle MacLachlan.

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De retour auprès de sa famille après que son père est tombé malade, le jeune homme découvre une oreille dans un champ. Il contacte aussitôt les autorités et rencontre à cette occasion la fille d’un inspecteur local, Sandy (Laura Dern). Mû par la curiosité, le tandem décide de mener l’enquête de son côté. Jeffrey devient alors “monsieur-qui-fourre-son-nez-partout”, un rôle traditionnel du film noir. Durant son investigation il croise la route d’une chanteuse, Dorothy Vallens (Isabella Rossellini), qui incarne un autre archétype de ce registre : la femme fatale déviante.

Comme dans tout bon film noir, notre héros fouille là où il ne devrait pas (l’intimité de Dorothy), achoppe contre une situation qui le dépasse (du chantage sexuel sur fond de séquestration) et combat un ennemi tout-puissant (le personnage de Franck) qu’il devra défaire pour libérer l’innocente tombée sous son joug. Jusque-là, la trame rappelle celle des classiques du genre, depuis le Faucon Maltais jusqu’à la Dame de Shanghai. Mais Lynch ajoute à cette intrigue conventionnelle une touche bien à lui : celle du glauque en ambiance tamisée.

Un film “pornographique” ?

Avec une crudité rare, Blue Velvet fait défiler des scènes plus dérangeantes les unes que les autres. En voyeur prit en otage par l’écran, on observe par exemple Dorothy, couteau à la main, contraindre Jeffrey à recevoir une fellation avant que celle-ci subisse un rapport sexuel – lui aussi forcé – avec Franck (Dennis Hopper) qui ne cesse, durant l’acte et entre deux shoots au nitrite d’amyle, de l’appeler “Maman”. D’autres séquences illustrent des rapports sadomasochistes, et plusieurs humiliations plus malsaines les unes que les autres.

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Ça fait beaucoup. Trop, selon certains. Alors que le public des années 1980 est habitué aux grosses productions sans taches (Indiana Jones, ET, Star Wars, Retour vers le futur…), le film dérange. En salle, des spectateurs horrifiés quittent la salle par grappes entières. Côté presse, le fameux critique américain Rober s’insurge contre le traitement d’Isabella Rossellini, “dégradée, violentée et dénudée devant l’œil de la caméra”.

Taxé de contenus pornographiques, le film est même refusé à la Mostra de Venise. Aujourd’hui, on sait aussi qu’à la lecture du scénario, certains acteurs, dont Val Kilmer (HeatKiss Kiss Bang Bang…), ont refusé de rejoindre le casting à cause de ses scènes sexuelles.

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Le premier film “lynchéen”

Icône esthétique constituée d’énigmes sordides et de sensualité tordue, Blue Velvet est le premier film de Lynch qui soit vraiment “lynchéen”. Et pour cause, cette œuvre annonciatrice porte plusieurs éléments constitutifs de sa filmographie postérieure. Depuis le récit de la perte de l’innocence jusqu’aux touches de kitsch mièvre, en passant par une intrigue auréolée de mystères. Surtout, depuis Blue Velvet, Lynch cultive un traitement violent de la sexualité. Comme c’est le cas dans Twin Peaks, la série culte à laquelle le réalisateur a offert un dénouement magistral en 2017.

Beaucoup craignaient que le point final apporté à cette œuvre phare ne signe également la retraite du cinéaste. Mais l’an dernier, plusieurs sources ont indiqué que Lynch devait faire entrer un projet baptisé Wisteria en phase de production au printemps 2021. Depuis, aucune nouvelle. Si un nouveau film est effectivement dans les tuyaux – on croise fort les doigts –, il y a fort à parier qu’il s’inscrira, lui aussi, dans le sillon tracé par Blue Velvet. Pour notre plus grand bonheur.

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