En 1982 débarque en salles américaines le premier volet d’une des plus célèbres franchises du ciné d’action made in us : Rambo. Le film-spectacle d’une chasse à l’homme format XXL, avec, dans le rôle-titre, un Sylvester Stallone que le public avait déjà vu briller du côté de Rocky (1976).
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Face à la caméra de Ted Kotcheff, l’acteur star des rôles “gros bras gros muscles” a troqué les moites chaleurs du gant de boxe pour la froideur métallique des armes à feu. Le tout en adoptant une attitude un rien fruste et pas subtile pour un sou, qui suscite l’interrogation. Avec sa dégaine de baroudeur culturiste aux regards torves, le vétéran John Rambo n’incarnerait-il pas, quelque part, le kéké par excellence ?
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Étudions la question, point par point.
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1. Gaffe, chauffard droit devant !
Grabuge à Hope, petite ville de l’Arkansas. Un trublion s’amuse à faire du rodéo sauvage en bécane à droite, à gauche. Et tant pis pour le voisinage. Ça enchaîne les roues arrière. On aurait pu espérer que le Code de la route soit mieux respecté lorsque notre Rambo pilote un camion. Sauf que non. Là encore, il faut qu’il fasse le casse-cou. Excès de vitesse, queue de poisson… Rien à sauver de ce tape-à-l’œil. Un danger public, qu’on vous dit.
2. Rambo aime un peu trop les gros calibres
Déjà, le mec se balade avec un couteau de la longueur d’un tibia humain. Pas rassurant. Mais attendez de le voir manipuler une mitrailleuse. Show time. Chapelet de munitions harnaché aux pectoraux, ça rafale, ça recharge, ça dézingue. C’est simple : il n’y en a jamais assez. Pas de mystère concernant la position de “Johnny” sur le bien-fondé du deuxième amendement de la Constitution des États-Unis, qui octroie à tout citoyen le droit du port d’armes à feu. Clairement.
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3. C’est quoi ce délire survivaliste ?
Aimer le camping, c’est une chose. Prendre son pied à s’enfoncer dans la sylve montagneuse de l’Arkansas pour y dresser des pièges, et abattre du gibier à coups de pieu en est une autre. On a compris que t’étais un survivor, Rambo. Chasse à la barbaque, tenue de camouflage… Pas besoin d’en faire trois tonnes.
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Mauvais procès
Certes, le très mutique et très brutal Rambo n’est pas le genre de bonhomme qu’on inviterait spontanément aux repas de famille. Ni aux mariages. Ni aux anniv’. Ni à quoi que ce soit qui ressemble de près ou de loin à une festivité sociale, d’ailleurs. Mais c’est comme tout : il s’agit de contextualiser.
Si notre gaillard se transforme en machine de guerre c’est parce qu’il l’a vécue, précisément, la guerre. Plus précisément celle du Vietnam. Béret vert décoré de la médaille d’honneur du Congrès américain, Rambo souffre du syndrome de stress post-traumatique. Le final du film nous l’apprend : sept ans après sa démobilisation il pense encore, chaque jour, à cet ami mort sous ses yeux. Aux tortures, aux échanges de feux. À la haine.
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Alors qu’il se rend dans l’Arkansas pour visiter l’un de ses camarades, Rambo est victime d’un policier arbitraire dont la violence réveille ses hantises. Le sergent n’avait rien demandé à personne. Il errait, simplement.
Perdu dans une vie civile où, selon ses termes, “il n’y a rien”, méprisé par une Amérique aux élans pacifistes, le vétéran n’a plus de repères. Et se retrouve piégé bien malgré lui dans une guérilla désespérée dont il n’aura de cesse de répéter qu’il n’en a pas été l’initiateur. Là où l’ex-soldat voulait aller en paix, on le contraint à la guerre – encore. Poussé dans ses retranchements car menacé de toute part Rambo, n’a d’autre choix que de se défendre.
Fait notable : alors que le Rambo du roman Le Premier Sang (David Morrell, 1972) sur lequel se base le personnage de Sylvester Stallone était dépeint comme un psychopathe complet, massacrant sans merci, l’acteur a tenu à apporter des modifications pour en faire une personnalité plus ambiguë. La victime d’un conflit qui n’a jamais été le sien. L’héritier à jamais fêlé d’une barbarie sans nom. Alors, Rambo, modèle de beauf attitude ? On a presque honte d’y avoir songé. Pardon, sergent.